Force majeure et épidémie de coronavirus Covid 19


De nombreux contrats pourraient subir des reports d’exécution ou ne plus pouvoir être exécuté du fait de l’épidémie de coroanvirus COVID 19. Nos clients, têtes de réseaux de distribution, sont actuellement dans l’incertitude au regard de l’exécution de contrats auxquels ils sont parties.

Qu’est-ce que la force majeure ?


C’est un évènement :

- extérieur aux parties au contrat en ce sens qu’il échappe au contrôle du débiteur ;
- imprévisible, ce qui s’apprécie au moment de la conclusion du contrat ;
- irrésistible qui se caractérise par l’impossibilité d’empêcher l’exécution du contrat (art. 1218 du Code civil).

Quels sont les effets de la force majeure ?


Si l’empêchement d’exécuter est temporaire, le contrat est suspendu : le créancier s’exécutera plus tard quand il le pourra.

Par exemple, si Franchise Expo pouvait être reporté d’un mois ou deux, les contrats conclus par les enseignes avec l’organisateur et le standiste seraient suspendus. Ils ne pourront poursuivre la résolution et faire valoir l’indemnisation de  leur préjudice. Les prestations qui sont dues seront délivrées.

Si le retard rend l’exécution du contrat trop tardive ou que l’exécution est impossible de manière définitive, le contrat est résilié de plein droit, sans dommages et intérêts dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 : les parties sont libérées et les acomptes doivent être restitués.

Le Coronavirus Covid 19 est-il un cas de force majeure ?


La maladie du débiteur est habituellement un cas de force majeure : cet évènement est bien extérieur. Il doit être au surplus irrésistible et imprévisible (Cass. soc., 14 avr. 1960 : JCP 1961, II, 11985 . – Cass. soc., 9 juin 2010, n° 09-41.040 : JurisData n° 2010-008825, Ass. Plen. 14 avril 2006 (n° 02-11168).

L’épidémie de Coronavirus COVID-19 est bien extérieure aux parties, ni l’une ni l’autre n’étant responsable de sa propagation.

Il conviendra de déterminer si l’épidémie était imprévisible au moment de la conclusion du contrat. Il semble que l’épidémie de Coronavirus COVID-19 n’ait pu être prévue par les parties au moment de la conclusion des contrats antérieurs à l’annonce de l’apparition de la maladie. Si certains contractants tardifs avaient pu être informés des premiers cas déclarés en Chine continentale et du caractère épidémique de la maladie, rien ne laissait présager, au moment de la conclusion du contrat, que le virus impliquerait une pandémie à l’échelle internationale, imposant aux individus d’annuler ou repousser leurs déplacements, et limitant les rassemblements importants.

Pour autant, l’imprévisibilité n’est pas si aisée à démontrer comme en témoigne ces décisions :

- Cour d’appel de Nancy, 1ère chambre, 22 novembre 2010 (n° 09/00003) :

Les parties ont produit une documentation très complète sur la Dengue dont il ressort que cette maladie virale dite 'grippe tropicale’ très répandue a été décrite pour la première fois en 1779 et sévit régulièrement depuis le début des années 1980 dans l’ensemble de la zone intertropicale en raison de l’érosion des programmes d’éradication du moustique qui en est le vecteur. Ce phénomène épidémique présente un caractère récurrent notamment dans les Antilles françaises. En effet, l’institut de veille sanitaire a fait état de l’existence de plusieurs épidémies : 24.000 cas en 2001-2002, 14.500 cas en 2005-2006 et 11.500 cas au 8 novembre 2007 (document produit par l’appelant).
La survenance au cours du mois d’août 2007 et dans les mois suivants de nombreux cas de Dengue jusqu’à aboutir au dépassement du seuil épidémique n’est donc pas un phénomène nouveau. Dans le bulletin du mois de septembre 2007, l’analyse effectuée par l’institut de veille sanitaire révélait l’existence de nombreux cas de Dengue depuis le milieu de l’année 2006 ainsi que le dépassement du seuil épidémique durant dix-huit semaines sur trente-six pour l’année 2007 avec une forte augmentation des cas biologiquement confirmés pour le mois d’août et la première semaine de septembre (document n°20 produit par l’appelant).
Ces documents démontrent que l’épidémie survenue au cours de l’année 2007 ne présentait donc pas un caractère imprévisible.

- Cour d’appel de Besançon, 12 novembre 2013 (n° 12/02291) :
Pour s’opposer aux demandes en paiement formées à son encontre, la SARL ATN 25 soutient à nouveau en appel que l’épidémie de grippe H1N1 apparue à cette époque constitue un cas de force majeur justifiant la résiliation pure et simple du contrat liant les parties, puisque la mairie de Besançon, sa cliente, refusait dorénavant les essuie-mains tissus, que la SA RDL Centre Est a néanmoins continué à livrer et facturer.
Il convient de rappeler, en droit, que le cas de force majeur s’entend d’un événement imprévisible, irrésistible et insurmontable qui rend l’exécution de l’obligation impossible.
Telle n’est pas le cas de l’épidémie de grippe H1N1 qui a été largement annoncée et prévue, avant même la mise en œuvre de la réglementation sanitaire derrière laquelle la SARL ATN 25 tente de se retrancher.

L’épidémie de Coronavirus Covid 19 pourrait, en fonction de l’appréciation des tribunaux, être considérée comme un évènement prévisible : la caractéristique d’imprévisibilité, bien que généralement admise pour la maladie, ne l’est pas de manière systématique.

Enfin, l’irrésistibilité sera le critère le plus difficile à remplir concernant une épidémie.

A titre d’exemple :

- Cour d’appel de Nancy, 1ère chambre, 22 novembre 2010 (n° 09/00003) :

Les articles produits par les parties établissent que dans le cadre de l’épidémie de 2007, cette maladie a concerné environ 5 % de la population.
Le comité d’entreprise a soutenu qu’il était impossible de se protéger en permanence contre mes piqûres de moustiques, ce qui est une évidence, toutefois la cellule de gestion des phénomènes épidémiques a insisté sur l’importance des mesures de protection individuelles à respecter, tels que l’utilisation de moustiquaires et de répulsifs ainsi que le port de vêtements longs. Elle a également rappelé que les symptômes de cette maladie consistaient en une forte fièvre accompagnée de maux de tête, de courbatures et d’asthénie pouvant durer plusieurs semaines et qu’elle ne présentait pas de complications dans la majorité des cas.
Le caractère irrésistible de cette épidémie de Dengue n’a donc pas été établi au regard des documents versés aux débats.
Les caractéristiques de la force majeure n’étant pas réunies, ce moyen est écarté et la décision de première instance est confirmée sur ce point.

- Cour administrative d’appel de Bordeaux, 4ème chambre, 30 novembre 2014 (n° 12BX03261) :

Considérant que la force majeure doit être entendue de circonstances étrangères à l’opérateur concerné, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées qu’au prix de sacrifices excessifs, malgré toutes les diligences déployées ; que si M. X soutient que la sous-réalisation de sa référence laitière, au cours des deux campagnes considérées, trouve son origine dans une situation de force majeure, constituée par l’épidémie de fièvre Q qui a touché son troupeau en début d’année 2007, le retard pris dans la vaccination de ces bêtes en raison d’une rupture de fabrication du vaccin contre la fièvre Q et la vaccination de son cheptel contre la fièvre catarrhale au premier semestre de l’année 2008, il n’établit ni l’ampleur sur son cheptel des effets de l’épisode épidémique puis de la campagne de vaccination, ni qu’il était dans l’impossibilité de s’approvisionner auprès d’une autre source pour pallier les retards dans la fourniture des vaccins ; qu’il n’établit pas non plus que ce double phénomène puisse expliquer l’importance de la sous-réalisation de ses références laitières au cours des deux années précitées ; qu’ainsi ces circonstances n’ont pas revêtu le caractère d’événements extérieurs, anormaux, imprévisibles et inévitables ; que par suite le moyen tiré de l’existence d’un cas de force majeure doit être écarté ;

Notons que le Ministre de l’Economie, M. Bruno Le Maire, a annoncé vendredi 28 février 2020 que l’épidémie de Coronavirus COVID-19 serait considérée par l’Etat comme un cas de force majeure pour ses marchés publics. Ainsi, il ne pourra faire valoir son droit aux pénalités ou indemnités en cas de retard des entreprises dans l’exécution de leurs obligations vis-à-vis des marchés publics. Le Gouvernement a également incité les collectivités territoriales et les entreprises à faire de même. Cette décision pourrait influencer l’interprétation des tribunaux qui auront à apprécier si l’épidémie qui sévit actuellement est bien un cas de force majeure.

La décision de l’administration en conséquence de l’épidémie est-elle un cas de force majeure ?


La décision de l’administration (le fait du prince) est en principe un cas de force majeure lorsque l’Administration empêche le débiteur de l’obligation de s’exécuter (Cass. 1re civ., 29 nov. 1965 : D. 1966, p. 101. – Cass. soc., 19 mai 2010, n° 09-40.901 et n° 09-40.903 : JurisData n° 2010-006726. – Cass. 3e civ., 1er juin 2011, n° 09-70.502 : JurisData n° 2011-010206).

A l’issue d’un conseil des ministres exceptionnel le 29 février 2020, le Gouvernement a annoncé que les manifestations occasionnant le rassemblement de plus de 5000 personnes en milieu confiné étaient désormais interdites par arrêté sur le territoire français, et ce jusqu’à nouvel ordre. De ce point de vue, il ne fait guère de doutes que la force majeure est constituée par exemple pour les organisateurs de salons professionnels, dont de nombreux reports ou annulation ont été annoncés ces derniers jours.

Peut-on déroger au droit positif dans le contrat pour écarter la force majeure ?


Oui, cela est possible. Cette situation ne doit pas caractériser un déséquilibre significatif au sens de l’article 1171 du Code civil ou de l’article L. 442-1 du Code de commerce.

Il faut donc vérifier les conditions générales de vente de vos prestataires et veiller à ce qu’aucune clause ne déroge au bénéfice du régime de la force majeure et si ces dérogations sont licites.

Comment gérer l’incertitude sur les contrats à signer ?


Veillez à négocier une clause de force majeure :

- sans exclusion de cas de force majeure ;
- actant que les épidémies, dont celle du Coronavirus COVID19 est un cas de force majeure pour les parties ;
- définissant le délai au-delà duquel la prestation n’est plus utile pour vous et au terme duquel le contrat est résolu.

Préférez contracter avec des prestataires couverts pour ces risques par une police d’assurance.



Besoin d'un conseil pour votre enseigne ?