Application du droit français à l’agent commercial situé hors UE

Il doit être fait application de l’article L341-1 du code de commerce à un contrat soumis au droit français en application de la Convention de la Haye, quand bien même l’agent commercial est établi et exerce en dehors du territoire de l’UE.

Il doit être fait application de l’article L341-1 du code de commerce à un contrat soumis au droit français en application de la Convention de la Haye, quand bien même l’agent commercial est établi et exerce en dehors du territoire de l’UE.

Une société française spécialisée dans le commerce de vins et spiritueux avait conclu avec une société canadienne des contrats intitulés « exclusive agency agreement » désignant cette dernière comme étant « agent exclusif en vue de la commercialisation et de la promotion de ses produits au Canada ».

En novembre 2014, la société française mettait un terme au dernier contrat, à son échéance, et en avril 2015 elle notifiait qu’elle mettait fin à leurs relations commerciales.

La société canadienne sollicitait alors le paiement de l’intégralité des commissions dues, d’une indemnité de rupture du contrat d’agent commercial ainsi qu’une indemnité compensatrice de son préjudice financier et moral.

La société française s’opposait à cette demande, considérant que la société canadienne n’avait pas la qualité d’agent commercial pouvant lui ouvrir le droit à recevoir des indemnités.

La Cour d’appel de Paris a appliqué l’article L341-1 du code commerce, résultant de la loi 91-593 du 25 juin 1991  relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants : «L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. »

La Cour d’appel a considéré que le contrat en question constituait bien un contrat d’agence et a en conséquence condamné la société française à verser à la société canadienne environ 3 millions d’euros d’indemnité de rupture.

Dans le cadre de son analyse, elle a rappelé la jurisprudence de la CJUE « Transdetteuse », en vertu de laquelle une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifié d’agent commercial.

La société française formait alors un pourvoi en cassation, considérant que :

– L’activité d’un représentant exercée sur un territoire situé en dehors de l’UE ne relève pas du champ d’application de la directive 86/653/CE du Conseil du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des états membres concernant les agents commerciaux indépendants ;

– Le contrat est la loi des parties et la désignation de la loi française comme loi applicable s’entend nécessairement de la loi telle qu’elle est appliquée et interprétée à la date de la conclusion du contrat. En l’espèce, à cette date l’article L134-1 du code de commerce, tel qu’appliqué et interprété par les juridictions, subordonnait la qualification de contrat d’agence commerciale au pouvoir de négocier les prix et les conditions du contrat.

La Cour de cassation considère que la cour d’appel a exactement retenu que, pour qualifier les contrats conclus entre la société française et la société canadienne de contrat d’agence, il fallait appliquer l’article L134-1 du code de commerce, quand bien même l’agent commercial était établi et exerçait son activité en dehors du territoire de l’UE.

Concernant l’interprétation et l’application de l’article L134-1 du code de commerce, la Cour indique clairement que le principe de sécurité juridique ne consacre pas un droit acquis à une jurisprudence figée, l’évolution de la jurisprudence relevant de l’office du juge dans l’application du droit.

En conséquence, lorsque les parties choisissent la loi française comme loi applicable à leur contrat en application de la convention précitée, elles ne peuvent se prévaloir, en cas de litige postérieur, de la loi telle qu’interprétée à la date de conclusion du contrat.

Cour de cassation, chambre commerciale, 11 janvier 2023, 21-18.683 « Rémy Cointreau »

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