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Franchise participative et abus de minorité

La Cour de cassation considère par principe que le refus d’un associé minoritaire de modifier l’objet social peut être contraire à l’intérêt général de la société et constituer un abus de minorité.

Dans un arrêt du 13 mars 2024, la Cour de cassation nous éclaire sur la notion d’abus de minorité dans le cadre d’une franchise participative.

Dans le cadre d’un fonctionnement en franchise participative, les deux gérants de la société franchisée en détenaient 74% des parts sociales et le franchiseur 26%. Le franchiseur détenait ainsi une minorité de blocage conformément aux statuts.

Dans cette affaire, les deux gérants ont dénoncé leur contrat de franchise et d’approvisionnement.

Afin d’assurer la survie de la société, ces derniers ont soumis au vote des associés un projet de résolution portant modification de l’objet social.

Ce dernier mentionnait : « la création et l’exploitation d’un fonds de commerce de type supermarché à l’enseigne Carrefour Contact ou toute autre enseigne appartenant au groupe Carrefour, à l’exclusion de toute autre ».

La circonstance était donc particulière : la modification statutaire conditionnait la survie de la société.

Assez logiquement, le franchiseur a fait usage de sa minorité de blocage, en votant contre ces projets de résolution faisant ainsi échec à une ces modifications statutaires.

Si l’affaire en était restée là, la société franchisée aurait été dissoute à l’arrivée du terme du contrat de franchise lui permettant d’exploiter l’enseigne carrefour, faute de pouvoir réaliser son objet social.

Néanmoins, s’estimant victime d’un abus de minorité, les gérants ont assigné le franchiseur afin que soit désigné un mandataire ad hoc pour voter ces résolutions en son nom. Les juges du fond ont accueilli ces demandes et le franchiseur s’est pourvu en cassation.

La Cour de cassation s’est alors prononcée sur la question de savoir si le refus du franchiseur de modifier un objet social était constitutif d’un abus de minorité.

En l’occurrence, la Cour de cassation affirme que par principe « le refus d’un associé minoritaire de modifier l’objet social peut être contraire à l’intérêt général de la société ».

Néanmoins, pour la Cour de cassation, dans cette affaire, les conditions de l’abus de minorité ne sont pas réunies.

Pour rappel, pour retenir l’« abus de minorité », deux raisons cumulatives sont nécessaires.

D’une part, il doit être démontré que l’attitude de l’associé minoritaire est « contraire à l’intérêt général de la société ». C’est-à-dire que, par son vote, il « interdit la réalisation d’une opération essentielle pour elle ».

D’autre part, il doit être établi que sa position « procède de l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment des autres associés ».

Et c’est sur ce second point que la Cour fonde sa cassation.

Le raisonnement est le suivant : la Cour d’appel a basé sa décision sur le fait que la dénonciation des contrats de franchise et d’approvisionnement par les gérants franchisés était régulière. Or, comme la Cour d’appel l’avait elle-même indiqué, cette dénonciation impliquait la modification de l’objet social de la société franchisée.

Or précisément, conformément à l’article L. 223-30 alinéa 2 du code de commerce, de telles modifications « échappent à la compétence du gérant ».

La loi attribue cette capacité « expressément aux associés ». Le texte précise d’ailleurs qu’ils doivent représenter « au moins les trois quarts des parts sociales ».

Les gérants franchisés ne pouvaient donc pas, dans ces circonstances, dénoncer valablement leurs contrats.

Conclusion : en considérant que le refus du franchiseur de modifier l’objet social de la société franchisée « ne s’expliquait QUE par sa volonté de préserver le système de franchise participative et ne répondait qu’à la défense de ses intérêts personnel (…), la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses constatations ». En l’espèce, il est possible de penser que ce refus avait également pour but de s’opposer à la dénonciation irrégulière des contrats.

Les conditions de l’abus de minorité n’étant pas réunies.

En définitive, le débat se déplace désormais sur la question suivante : le refus du franchiseur minoritaire de voter une résolution permettant la dénonciation du contrat de franchise constituera-t-il un abus de minorité ? La discussion peut s’engager mais il n’est pas certain que l’abus soit aisé à établir.

(Cour de cassation, 13 mars 2024, n°22-13764, FS – B)

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