Obligation de délivrance du bailleur et limitation de la clause exonératoire
mardi 6 novembre 2018

Obligation de délivrance du bailleur et limitation de la clause exonératoire

La clause du bail, par laquelle le preneur prend les locaux dans l’état et fait son affaire des démarches pour obtenir les raccordements nécessaires à l’exercice de son activité, ne décharge pas le bailleur, au titre de son obligation de délivrance, de supporter le coût des travaux de raccordement.

Une société locataire assigne son bailleur pour manquement à son obligation de délivrance.

Elle sollicite le remboursement du coût des travaux de mise en conformité, le remboursement des loyers payés pendant la période où, faute de branchement électrique, elle ne pouvait pas exercer son activité, et la réparation de son préjudice d'exploitation.

La cour d’appel rejette ses demandes au motif que la preuve d’un manquement du bailleur à son obligation de délivrance ne ressort pas des stipulations du bail, le preneur ayant déclaré, à la clause « désignation des locaux loués » :

  • prendre les locaux « dans l’état où ils se trouvent lors de son entrée en jouissance sans pouvoir exiger de travaux de quelque nature que ce soit, ni remise en état de la part du bailleur », 
  • « (…) faire son affaire personnelle de toutes démarches en vue d'obtenir les branchements desdits équipements et installations de toute nature nécessaires à l'exercice de son activité ».

L’arrêt est cassé au visa de l’article 1719 alinéa 1 et 2 du code civil. 

Selon la Haute juridiction, la cour d’appel a statué sans constater l'existence d'une stipulation expresse du bail mettant, à la charge du preneur, le coût des travaux de raccordement aux eaux usées et d'installation d'un raccordement au réseau électrique.

L’obligation de délivrance du bailleur, instituée aux articles 1712 et 1720 du code civil, est une obligation essentielle dont le bailleur ne peut pas se décharger sur le preneur, l’article 1170 du code civil disposant que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputé non écrite ». 

Avant l’entrée en vigueur de l’article 1170 du code civil, créé par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, la cour de Cassation ne jugeait pas les clauses visant à exonérer le bailleur de son obligation de délivrance « non écrites », en l’absence de texte, mais les jugeait privées d’effet. 

Ainsi, elle considérait que les clauses des baux stipulant que le preneur prend les lieux en l’état sans pouvoir réclamer aucune réparation au bailleur ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrance (voir par exemple : Cass. 3ème civ. 2 juillet 2013, n° 11-28.496 ; Cass. 3ème civ. 2 juillet 2013, n° 12-21.353).  

De même, elle condamnait les clauses imposant au preneur l’obligation de faire son affaire des travaux nécessaires à l’exercice de son activité : « La clause mettant à la charge du preneur la mise en conformité des lieux loués avec les règlements en vigueur ainsi que toutes les transformations et réparations nécessitées par l’exercice de son activité ne peut décharger le bailleur de son obligation de délivrance » (Cass. 3e civ. 19 décembre 2012, n°11-28.170). 

Par ailleurs, l’arrêt commenté s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence de la cour de Cassation en matière de charges, née avant la loi Pinel du 18 juin 2014 et toujours applicable, selon laquelle des charges non expressément mentionnées au bail ne peuvent pas être récupérées par le bailleur sur le preneur (voir par exemple en matière de travaux de restructuration : Cass. 3e civ. 13 novembre 2013, n°12-23.982).      

Cass. 3e civ., 11 oct. 2018, n° 17-18.553

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