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Indemnisation du préjudice de prix imposés

L’écart des taux de transformation des devis en engagement ferme et le refus explicite de devis sont des critères de caractérisation du lien de causalité entre la pratique de prix imposés et le dommage, ainsi que de détermination du principe et de la mesure du préjudice en découlant.   

Un établissement spécialisé dans la fabrication et l’installation de menuiserie industrielle (ci-après le « Concédant ») signe des contrats de concession exclusive (ci-après les « Contrats ») ayant pour objet l’exploitation de sa marque et de son concept avec deux sociétés (ci-après les « Concessionnaires »).  

Le Concédant rompt le rompt l’un des contrats aux torts exclusifs de l’un des concessionnaires. Ce dernier l’assigne devant le Tribunal de commerce de Paris en nullité du Contrat et en indemnisation de ses préjudices.  

En première instance, les Concessionnaires sont déboutés de leur demande de nullité du Contrat.  

Sur appel de cette décision, la Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 31 juillet 2019, infirme le jugement en disant que l’article VIII du Contrat constituait une stipulation prohibée par l’article L. 420-1 du Code de commerce. Elle juge que cette stipulation est nulle, sans que cette nullité n’affecte la totalité du contrat de distribution.  

Par un arrêt du 9 juin 2021, la Cour d’appel de Paris condamne le Concédant à payer aux Concessionnaires une indemnisation en réparation du préjudice subi d’une soixantaine de milliers d’euros pour chacun d’eux.  

Cet arrêt est cassé et annulé par une décision du 28 septembre 2022 de la Cour de cassation aux motifs que la pratique retenue par la Cour d’appel n’était pas une entente entre concurrents, qu’aucune présomption de préjudice ne découlait de la pratique relevée et qu’il lui appartenait donc d’établir le dommage causé par celle-ci.  

La décision commentée est donc rendue sur renvoi après cassation.  

La Cour d’appel rappelle à titre liminaire que seule est en débat la question de la détermination du lien de causalité ainsi que la réalité et la mesure des préjudices allégués par les Concessionnaires.  

A titre principal, les Concessionnaires au soutien de leur argumentation, opposent qu’ils bénéficient d’une présomption de préjudice. Ils précisent que l’article L.481-7 du Code de commerce (issu de la transposition de la directive 2014-104 du 26 novembre 2014) impose une présomption de préjudice plus restrictive que celle posée par ladite directive en ce qu’elle est limitée aux seuls concurrents. Ils affirment que les dispositions de droit national antérieures et postérieures à la directive doivent être interprétées conformément à ses objectifs. Ainsi, selon les Concessionnaires, il est nécessaire d’interpréter l’article L. 481-7 du Code de commerce comme créant une présomption de préjudice.  

A titre subsidiaire, les Concessionnaires soutiennent que le préjudice est prouvé en son principe par la production de devis refusés aux clients à raison des prix prohibitifs imposés par le Concédant via son logiciel, qui les privait de toute autonomie dans la fixation du tarif des prestations. Ils estiment notamment que leur préjudice peut être déterminé par comparaison du taux de transformation des devis pendant et en dehors de la période couverte par la pratique anticoncurrentielle.  

Ils évaluent en somme leur préjudice sur la base d’un scénario contrefactuel reposant sur une comparaison entre les taux de transformation des devis pendant et après la pratique anti-concurrentielle puis sur l’application du différentiel au montant total de la perte de marge nette sur les devis réalisés par les clients.  

La Cour d’appel rappelle que si la contrariété de l’article VIII des Contrats avec l’article L. 420-1 du Code de commerce a été admise, le fait que les prix aient été imposés en droit n’implique pas nécessairement qu’ils l’aient été en fait. Les Concessionnaires doivent donc apporter cette preuve dans le cadre de la détermination de leur préjudice.  

Concernant la présomption de préjudice, la Cour d’appel ne retient pas l’argumentation des Concessionnaires. Elle rappelle qu’à l’époque des pratiques ni l’article L.481-7 du Code de commerce, ni la directive 2014-104 n’existaient dans l’ordre juridique.  

En conséquence, en l’absence de présomption de préjudice, la Cour rappelle que l’action est soumise aux règles internes de droit commun de la responsabilité civile impliquant la preuve d’un préjudice et d’un lien de causalité l’unissant au fait générateur.  

Concernant la preuve du préjudice et du lien de causalité, la Cour retient que deux indices sérieux et complémentaires permettent d’établir une stricte concordance entre les prix pratiqués par les Concessionnaires et le tarif de vente conseillé par le Concédant :  

– d’une part, le Concédant ne produit aucune pièce révélant la mise en œuvre de la procédure de dérogation au tarif conseillé par les Concessionnaires, ni notification de violation de la clause par les Concessionnaires ; et  

– d’autre part, si les Concessionnaires pouvaient changer les tarifs renseignés dans le logiciel, ceux-ci étaient renseignés ab initio par le Concédant et s’appliquaient automatiquement en l’absence de modification par l’utilisateur.  

La Cour considère que ces éléments combinés suffisent à établir que les prix pratiqués par les Concessionnaires et objets des devis produits étaient ceux juridiquement imposés par le Concédant.  

In fine, la Cour retient que l’écart des taux de transformation des devis en engagement ferme durant l’entente et postérieurement à celle-ci est en complément des devis explicitement refusés à raison de leur prix, un critère pertinent de caractérisation du lien de causalité entre la pratique et le dommage, ainsi que de détermination du principe et de la mesure du préjudice allégué. (Cour d’appel de Paris, , 6 décembre 2023, n°23/01910)

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