Fin du Gel de l’indexation et révision du loyer à la valeur locative

Absence de prolongation du « gel » de l’indexation prévu par la loi du 16 août 2022 : un mal pour un bien, le locataire n’aura pas de difficulté à faire réviser son loyer à la valeur locative. Une telle prolongation aurait pu empêcher la mise en œuvre du mécanisme prévu par l’article L.145-39.

Certains se seront sans doute posés la question, dans le contexte actuel, de l’incidence de l’article 14 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, sur le mécanisme de révision du loyer à la valeur locative prévue par l’article L. 145-39 du code de commerce, c’est-à-dire en cas de variation de plus de 25 % de l’indice stipulé dans la clause d’indexation du bail, menant théoriquement à une augmentation corrélative du loyer. 

On pouvait se demander si ce « gel » de loyer prévu par cette loi pouvait empêcher le locataire commercial de faire fixer le loyer à la valeur locative en sollicitant sa révision en cas de d’augmentation de plus de 25 %. 

Comme nous le savons, les indices, que ce soit l’ICC, l’ILC ou encore l’ILAT, ont particulièrement augmenté ces derniers temps.

L’indice nous intéressant en l’occurrence est l’ILC.

Au premier trimestre 2022, il s’établissait à 120,61, soit une augmentation sur un an, de 3,32 % (après +2,42 % au trimestre précédent). 

Celui du troisième trimestre 2022 s’établit à 126,13, démontrant à nouveau une forte augmentation.

Pour mémoire, l’indice du premier trimestre 2008 s’établissait à 100, de sorte qu’il a depuis cette date, augmenté de plus de 25 %.

C’est ainsi, au regard de l’inflation et dans le but de protéger les PME, que l’article 14 de la loi du 16 août 2022, a été rédigé en ces termes :

« La variation annuelle de l’indice des loyers commerciaux, publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques, prise en compte pour la révision du loyer applicable aux petites et moyennes entreprises ne peut excéder 3,5 % pour les trimestres compris entre le deuxième trimestre 2022 et le premier trimestre 2023. Le plafonnement de la variation annuelle est définitivement acquis et la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision postérieure ne peut prendre en compte la part de variation de l’indice des loyers commerciaux supérieure à 3,5 % sur cette même période ».

Cette mesure, quelque peu confuse, indique ainsi que la variation du loyer est limitée à une augmentation de 3,5 % sur une période d’un an, ce « plafonnement » étant prévu sur quatre trimestres (deuxième trimestre 2022, troisième trimestre 2022, quatrième trimestre 2022 et premier trimestre 2023), et ne semble donc applicable qu’aux seules indexations annuelles. 

Mais comment articuler cette mesure avec les dispositions de l’article L. 145-39 du code de commerce, qui prévoit notamment que :

« En outre, et par dérogation à l’article L. 145-38, si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. La variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ».

Dans l’hypothèse d’une augmentation de plus de 25 % de l’ILC entre le prix précédemment fixé (contractuellement ou par décision judiciaire) et la période ci-dessus considérée (deuxième trimestre 2022 au premier trimestre 2023), il est possible que le loyer ne varie pas de plus de 25 % puisque ce loyer ne peut pas, compte tenu de la loi du 16 août 2022, excéder 3,5 % d’augmentation entre le deuxième trimestre 2022 et le premier trimestre 2023. Il ne peut donc suivre une variation identique de l’indice.

S’il peut s’agir d’un cas d’école, en cas de prolongation de cette mesure par le législateur, de nombreuses clauses d’indexation pourraient être affectées par cette disposition en cas de mise en œuvre de L. 145-39 du code de commerce.

La révision à la valeur locative visée par cet article pourrait-elle tout de même être pratiquée ?

En effet, si l’indice varie de plus de 25 %, le loyer ne subit dès lors pas le même sort puisqu’il est précisément « gelé ».

Lorsque l’article L. 145-39 du code de commerce prévoit une révision à la valeur locative, c’est le cas d’une augmentation du loyer de plus de 25 % du loyer qui est visée.

Cela étant, et pour mémoire, dans une décision du 15 décembre 2016 (pourvoi n° 15-27.148), la Haute juridiction avait jugé, pour vérifier les conditions d’application de l’article L. 145-39 du code de commerce, qu’il convenait de comparer le loyer obtenu par le jeu de la clause d’indexation, au loyer précédemment fixé.

La Cour évoquait dans cet arrêt, le loyer qui aurait dû résulter du jeu de l’indexation et non le loyer effectivement acquitté.

En revanche, il a été jugé dans un arrêt du 5 avril 2018 (pourvoi n° 16-26.009), qu’en cas de gel de l’indexation à la suite d’un accord des parties, cette période de gel ne pouvait être pris en compte pour voir appliquer la révision de l’article L. 145-39 du code de commerce.

Il peut en outre être utile de rappeler les termes de l’avis en date du 9 mars 2018 (n° 17-70.040) de la Cour de cassation qui avait été saisie pour avis, sur la question du lissage du loyer (augmentation de 10 % du loyer par an en cas de déplafonnement tel qu’instauré par le dernier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce issu de la Loi Pinel).

Après avoir indiqué qu’il s’agissait d’un « dispositif », elle avait retenu que :

« Le dernier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce n’instaure, dans les cas qu’il détermine, qu’un étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative ».

Il aurait ainsi été tentant de soutenir que le dispositif instauré par l’article 14 de la loi du 16 août 2022, instaure un dispositif, soit un « gel de l’augmentation du loyer », sans affecter pour autant le mécanisme de la révision du loyer à la valeur locative.

Aurait-il toutefois fallu dissocier la valeur locative du mécanisme permettant de l’atteindre ?

De telles questions auraient légitimement pu se poser en cas de prolongation de la mesure tendant à plafonner les loyers commerciaux.

En l’état, cette mesure n’a pas été prorogée, de sorte que le mécanisme de la révision du loyer à la valeur locative pourra être mis en œuvre lorsque le prix du bail aura connu une augmentation de plus de 25 %.

Il conviendra d’être attentif puisque, en telle hypothèse, la révision du loyer pourra être pratiquée pour tenter d’obtenir une baisse de loyer.

Nicolas Pchibich 

Avocat Associé 

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