
Un consommateur peut-il se cacher derrière un professionnel ?
C’est la question qu’on peut se poser après avoir pris connaissance de l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 31 août 2022.
Cet arrêt s’inscrit dans une tendance que nous avons pu constater d’élargissement des dispositions protectrices du Code de la Consommation à certaines catégories de professionnels, notamment dans la pratique décisionnelle de la répression des fraudes.
Nous le constatons de manière assez fréquente dans le cadre de contrôle de la DGCCRF, les enquêteurs ont tendance à appliquer les dispositions afférentes au droit de rétractation ou aux clauses abusives à des professionnels qui n’ont pas la qualité de consommateur, alors que lesdits contrats sont conclus dans le cadre même de leurs activités.
Dans les faits d’espèces, un neurologue avait réservé une chambre d’hôtel double avec son épouse aux fins d’assister à un colloque professionnel dans la ville dans laquelle était située cet Hôtel. Finalement alors qu’il avait dû être hospitalisé, il avait sollicité l’hôtelier pour annuler sa réservation et se faire rembourser.
L’hôtelier se rangeant derrière ses conditions générales avait refusé ce remboursement, ce qui avait conduit le neurologue à saisir le Tribunal judiciaire de Bordeaux, en fondant ses demandes sur les dispositions du Code de la consommation.
Le Tribunal de judiciaire de Bordeaux n’avait pas fait droit aux demandes du médecin évoquant le fait que ce professionnel avait réservé cette chambre d’hôtel à des fins entrant dans le cadre de son activité professionnelle, en l’espèce pour participer à un colloque.
La question qui se posait à la Cour de cassation était donc de savoir si un professionnel pouvait bénéficier des dispositions du Code de la Consommation.
Dans ce cas précis pour répondre à cette question la Cour de cassation débute par reprendre la définition qui est posée par l’article préliminaire du Code de la Consommation qui définit le Consommateur comme toute personne physique qui agit à des fins qui n’entre pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
Sur la base de cette définition, le tribunal judiciaire de Bordeaux estimait alors que cette réservation entrait dans le cadre de l’activité professionnelle de ce médecin.
Cependant la Cour rappelle une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne aux termes de laquelle, il était précisé que le professionnel est une notion fonctionnelle impliquant d’apprécier si le rapport contractuel s’inscrit dans le cas des activités auxquelles une personne se livre à titre professionnel. En ce sens la Cour considère que la cette réservation d’une chambre d’hôtel ne s’inscrit pas dans le cadre contractuel de l’exercice de la médecine, même si celle-ci a été effectuée pour assister à un colloque de médecine.
Cet arrêt qui semble assez contestable et critiquable implique pour les professionnels d’avoir une certaine prudence dans le traitement de réclamations de certains professionnels qui peuvent finalement bénéficier de dispositions du Code de la Consommation, dans des situations où la frontière entre l’activité professionnelle et l’achat personnel n’est pas toujours aisée à délimiter.
Guillaume Gouachon
Avocat Associé
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