L’échange d’informations entre concurrents peut constituer une entente
lundi 27 novembre 2023

L’échange d’informations entre concurrents peut constituer une entente

Quels sont les échanges d’information à risque ? Une décision récente de l’Autorité de la concurrence rappelle quelques principes.

Pour rappel, sont interdites par l’article L. 420-1 du Code de commerce français les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.

Une coordination entre concurrents à des appels d’offre peut donc constituer une entente lorsque ces entreprises décident de coordonner leurs offres ou lorsqu’elles échangent des informations avant la date à laquelle le résultat de l’appel d’offre est connu et peut l’être. Il est en effet considéré que dans ce cas il est fait obstacle à l’indépendance des offres, seule à même de permettre un jeu normal de la concurrence. Lorsque ces pratiques interviennent dans le cadre de marchés publics elles sont considérées comme particulièrement graves « par nature, puisque seul le respect des règles de concurrence dans ce domaine garantit à l’acheteur public la sincérité de l’appel d’offres et la bonne utilisation de l’argent public » (CA Paris, 28 octobre 2010, n°2010/03405).

S’il semble évident que des échanges d’information sur les prix pratiqués par les diverses entreprises candidates constituent une entente anticoncurrentielle, d’autres informations peuvent, par leur nature, rompre ce principe d’indépendance des offres. L’autorité de la concurrence rappelle ainsi dans sa décision que « les échanges d’information portant sur l’existence de concurrents, leur nom, leur importance, leur disponibilité en personnel ou en matériel, leur intérêt ou leur absence d’intérêt pour le marché considéré », outre « les prix qu’ils envisagent de proposer, altèrent le libre jeu de la concurrence en limitant l’indépendance des offres ». Ces principes sont désormais bien établis (Voir ainsi la décision 06-D-08 du 24 mars 2006 confirmée par la cour d’appel de Paris, 23 octobre 2007, n° 2006/07494). On le voit, les informations concernées sont donc très larges.

L’autorité de la concurrence rappelle en outre que le risque de sanctions existe même si l’une des entreprises participant à l’entente ne présente pas d’offre ou s’il a été finalement retenu une entreprise extérieure à l’entente. 

Une telle entente peut en outre se prouver par le biais d’un faisceau d’indices, constitué par le rapprochement de divers éléments, même si chacun d’eux n’a pas, pris isolément un caractère suffisamment probant.

Lorsqu’il est attesté un échange d’information antérieur à l’issue de l’appel d’offre, il importe en outre peu de savoir si cet échange a été réciproque ou non. Il sera rappelé à cet égard que si une entreprise reçoit des données stratégiques d’un concurrent, elle est supposée avoir accepté ces informations et avoir en conséquence adapté son comportement, sauf à pouvoir démontrer avoir « répondu par une déclaration claire qu’elle ne souhaitait pas recevoir de telles données ». Il est donc essentiel, en cas de réception de données non sollicitées, de manifester expressément et sans ambiguïté sa volonté de ne pas recevoir ces informations (outre le fait évidemment que son comportement sur le marché ne devra pas apparaître comme ayant été influencé par ces informations reçues). Il ne doit pas exister de signes pouvant laisser croire à une volonté commune de se comporter d’une manière déterminée sur le marché considéré.

Un autre élément important à relever dans cette affaire est que celle-ci pouvait relever du régime dit des « Micro-PAC » (micro pratiques anticoncurrentielles). Définie par l’article L 464-9 du code de commerce, cette procédure peut être mise en œuvre directement par les agents du Ministère de l’Economie et des Finances, et non pas l’autorité de la concurrence, lorsque quatre conditions cumulatives sont remplies : 

L'absence de saisine du rapport d'enquête de la DGCCRF (c'est-à-dire de prise en charge) par l'Autorité de la concurrence ; 

Le marché concerné par les pratiques revêt une dimension locale ; 

Les articles 101 et 102 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne ne sont pas applicables en l'espèce, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’affectation du commerce entre états membres ; 

Le chiffre d'affaires individuel de chaque entreprise est inférieur à 50 millions € et le chiffre d'affaires cumulé des entreprises parties aux pratiques est inférieur à 200 millions €.

Si une entente est traitée selon cette procédure, la sanction sera délimitée à un montant maximum de « 150.000 € ou 5 % du dernier chiffre d'affaires connu en France si cette valeur est plus faible », alors qu’en cas de procédure devant l’autorité de la concurrence, les sanctions peuvent atteindre 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

Malgré le fait que les conditions pour une procédure « Micro-PAC » étaient ici réunie l’autorité de la concurrence a fait le choix de s’auto saisir de cette affaire. Les peines encourues étaient donc bien plus importantes. Compte tenu des griefs finalement retenus et de l’appréciation faite par l’autorité, les entreprises concernées, et leurs sociétés mères respectives, ont été condamnées à un montant total de 174.000 euros d’amende, outre la publication de la décision. 

Il convient donc de rester vigilant en matière d’échange d’informations entre concurrents, ces pratiques pouvant aboutir à des sanctions significatives. Nous rappellerons enfin qu’en cas de double distribution, c’est-à-dire au sein des réseaux de distribution dans lesquels la tête de réseau vend également les produits ou services objets du contrat, en concurrence avec ses distributeurs, les échanges d’information possibles au sein du réseau sont limités. Seuls sont ainsi autorisés les échanges nécessaires à la bonne exécution du contrat de distribution ou à l’amélioration des produits ou services objets du contrat.

ADLC, 14 juin 2023, n° 23-D-06, relative à des pratiques mise en œuvre dans le secteur de la rénovation et de la restauration de couvertures et de charpentes pour les bâtiments du patrimoine public ou privé dans la région des Hauts de France

 

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