La résiliation d'un bail commercial, sans notification préalable, est-elle possible ?
mercredi 22 novembre 2023

La résiliation d'un bail commercial, sans notification préalable, est-elle possible ?

Dans un arrêt de principe, rendu le 18 octobre 2023, la Cour de cassation précise les modalités de résolution d’un contrat. La mise en demeure, prévue aux articles 1224 et 1226 du Code civil, n’est pas obligatoire lorsque « il résulte des circonstances qu’elle est vaine ». Cet arrêt pourrait s’appliquer aux baux commerciaux. 



Ce contentieux opposait une société spécialisée dans la transformation et la commercialisation de calcaire dur marbrier (pour la compréhension des faits, « société A ») à son cocontractant, société spécialisée dans l’installation et l’entretien de machines et équipements mécaniques (« société B »). 

La société A commandait à la société B différentes prestations. En dépit de plusieurs interventions sur une scie, constituant l’un de ses équipements majeurs, la société A était insatisfaite des réglages effectués par la société B, chargée de son entretien.

Dans ce contexte, la société B notifie à sa cliente sa volonté de mettre fin à leur contrat, puis l’assigne en paiement de diverses factures. 

En première instance, le Tribunal de commerce relève notamment, « s'agissant de la remise en état de la scie 2700, la désorganisation du chantier a bien été à l'initiative du dirigeant de la Sas (société A) qui, à travers son empressement et ses invectives envers le personnel de la S.A.R.L. (Société B), a contribué au retrait compréhensible des équipes de S du chantier » et condamne la société A au paiement de différentes factures.

La Cour d’appel considère qu’ « Au vu de ces éléments cumulés, témoignant d'une défiance de la part de la société A, la société B justifie de motifs d'une gravité suffisante pour mettre fin à sa prestation contractuelle ».


Le pourvoi en cassation, formé par la société A, soutient qu’il ne peut être mis fin unilatéralement au contrat, même en cas de « manquements suffisamment graves » sans mise en demeure préalable de mettre fin aux manquements.

Dans son arrêt du 18 octobre 2023, publié au bulletin, la Cour de cassation rappelle les principes applicables à la résolution des contrats :


« Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.


Selon l'article 1226 du même code, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. »


Le rappel de ces principes est immédiatement suivi par la précision suivante de la Cour : 


« Une telle mise en demeure n'a cependant pas à être délivrée lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est vaine ».


Il s’agit d’un véritable ajout aux dispositions légales précitées.


La Cour de Cassation précise que la Cour d’Appel a légalement justifié sa décision en appréciant souverainement que « le comportement du dirigeant de la société A était d'une gravité telle qu'il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles ». 


Suivant la haute juridiction, il n’était dès lors pas nécessaire de délivrer une mise en demeure préalable qui aurait été vaine.


Ainsi, le pourvoi est rejeté.


Il peut être déduit de cet arrêt que les circonstances rendant vaine une mise en demeure préalable sont caractérisées dès lors que la poursuite des relations contractuelles est impossible.



Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 octobre 2023, n°20-21579

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