Un preneur peut-il se faire justice lui-même en cessant de payer son loyer ?
mercredi 6 septembre 2023

Un preneur peut-il se faire justice lui-même en cessant de payer son loyer ?

Il est possible de suspendre le paiement du loyer en présence d’un manquement du bailleur. Quelles sont les conditions de l’exception d’inexécution ?

Aux termes de l'article 1719 du Code civil, le bailleur est tenu de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Aux termes de l'article 1184, alinéa 1er, du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la condition résolutoire est sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisferait point à son engagement.

L'exception d’inexécution, qui n'était pas expressément consacrée, est depuis l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, encadrée. L'article 1219 du Code civil la définit comme la possibilité offerte à une partie de ne pas exécuter son obligation si l'autre n'exécute pas la sienne dans les termes suivants : 

« Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».

Par deux décisions, la haute juridiction a récemment illustré l’application du mécanisme de l’exception d’inexécution.  

Dans une première décision (Cass. 3è civ., 8 juin 2023, n°21-19.608), la Cour de cassation rappelle que le locataire est obligé de payer le prix du bail à la date convenue (article 1728 du Code civil) et en conclut qu’en autorisant la locataire à suspendre le paiement des loyers jusqu'à l'achèvement de travaux, sans rechercher si le bailleur avait exécuté les travaux de nature à mettre fin au manquement à son obligation de délivrance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Si le preneur peut invoquer l’exception d’inexécution pour s’exonérer momentanément de payer son loyer, la jurisprudence contrôle strictement son application. Elle se pose la question de savoir si le manquement du bailleur permet au locataire d'exercer son activité, telle que celle-ci est autorisée à la clause destination du bail (Cass. 3e civ., 15 déc. 1993, n° 92-12.324).

Dans une deuxième décision (Cass. 3e civ., 6 juill. 2023, n° 22-15.923, FS-B), au visa des articles 1184, alinéa 1er du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1719 du Code civil, la Cour de cassation sanctionne une cour d'appel qui retient que l'exception d'inexécution est justifiée par le manquement du bailleur à une obligation essentielle du bail sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les locaux loués avaient été rendus impropres à l'usage auquel ils étaient destinés.

Selon la cour d’appel, peu importait que l'exploitation ne soit pas totalement impossible. L’exception d'inexécution était justifiée par le manquement du bailleur à une obligation essentielle du bail.

Or, en se déterminant ainsi, la cour d’appel n’avait pas recherché, comme il le lui était demandé, si les infiltrations alléguées avaient rendu les locaux loués impropres à l'usage auquel ils étaient destinés.

Elle ne s’est pas prononcée sur l’impossibilité ou non d’utiliser le local ou de l’utiliser conformément à sa destination (Cass. 3e civ., 15 déc. 1993, n° 92-12.324).

A retenir :

L'inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance autorise le preneur à soulever l'exception d'inexécution si le local loué se trouve impropre à l'usage auquel il est destiné du fait de travaux relevant de l’obligation de délivrance. 

La jurisprudence apprécie l’obligation de délivrance au regard de l’aptitude du bien à recevoir la destination choisie par les parties, c’est à dire de l’activité autorisée dans le bail.

Cour de Cass. 3è civ., 8 juin 2023, n°21-19.608

Cour de Cass. 3e civ., 6 juill. 2023, n° 22-15.923, FS-B

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