Déséquilibre significatif : la franchise PIZZA SPRINT condamnée
mardi 25 janvier 2022

Déséquilibre significatif : la franchise PIZZA SPRINT condamnée

Nullité pour déséquilibre significatif de la clause d’intuitu personae non réciproque dans les contrats de franchise : risque d’atteinte au périmètre et à la valeur patrimoniale du réseau de franchise.

La Cour d'Appel de Paris adresse aux franchiseurs une carte de voeux que d'aucun goûteront.

Par un arrêt du 5 janvier 2022, le pôle 5 - chambre 4 a condamné les sociétés Pizza Sprint et Domino's Pizza, sur le fondement du déséquilibre significatif du Code de Commerce à une amende civile de 500 000 € (c'est le tarif depuis le jugement du Tribunal de Commerce de Paris Subway pour les réseaux de franchise de restauration) et à la nullité de certaines clauses, outre la cessation de ses pratiques et la publicité de cette décision dans de grands médias nationaux pendant quinze jours. 

Pour pouvoir exercer son pouvoir de contrôle, le juge parisien a estimé que la soumission ou la tentative de soumission était caractérisée, du fait que le franchiseur occupait dans son réseau une place prépondérante, puisqu'il détermine, unilatéralement, les conditions d'accès au réseau, ainsi que le mode de fonctionnement et les restrictions post-contractuelles qu'il retranscrit dans le contrat qu'il propose aux franchisés

Cet élément, avouons-le, est commun à tous les franchiseurs du monde et je dirais à tous les promoteurs de réseaux de distribution du monde. 

 
En outre, le juge relève que la franchise ouvre le plus souvent à des commerçants dépourvus de l'expérience nécessaire, l'accès à des méthodes qu'ils n'auraient pas pu acquérir sans de longs efforts de recherche _c’est la définition du caractère secret du savoir-faire_ et les fait profiter de la réputation du cygne. Là encore, un trait commun aux réseaux de franchise.

Il ressort de l'enquête menée par la DGCCRF, selon le juge parisien, que le réseau de franchise examiné bénéficiait d'une notoriété certaine dans l'ouest de la France ; il était donc connu sur un marché particulièrement dynamique, celui de la pizza, attirant principalement, pour se lancer dans la franchise, des entrepreneurs individuels ou d'anciens salariés du réseau, en raison de la simplicité du concept et de la confiance suscitée par cette notoriété.

La société Fra-Ma-Pizz, qui exploitait le réseau Pizza Sprint, et son dirigeant, Monsieur Guégan, jouissaient ainsi d'une notoriété particulière et profitaient de cette situation prépondérante de franchiseur, pour imposer un contrat-type de franchise au nom de l'homogénéité du réseau à des candidats entrepreneurs individuels.

Les 30 contrats versés aux débats (voir la DGCCRF et les franchisés qui se sont joints à l'action du Ministre) sont en effet identiques, ce qui démontre à l'évidence qu'ils n'ont pas été négociés.

La Cour ajoute que ceux-ci n'étaient pas non plus négociables du fait de la désinformation des franchisés sur le fonctionnement réel du réseau ; ici, ce qui est stigmatisé par la cour est que le DIP ne mentionne pas l'existence d'une centrale d'achats et de référencement contrôlée par les mêmes associés que ceux qui contrôlaient la société franchiseur, et donc, ce défaut d'information rendait impossible la négociation du contrat suivant l'accord.

On le voit là, on a une définition du contractant incontournable (cette notion ne semble pas avoir été exploité par les réseaux en cause dans leurs écritures ou en tous les cas la cour d’appel de Paris ne le mentionne pas) qui est extrêmement large et qui a vocation à s'appliquer dans ces éléments principaux en tout cas de notoriété, de simplicité du savoir-faire à tous les réseaux de franchise.

Cette définition est regrettable et le caractère incontournable du contractant doit s'apprécier d'une manière beaucoup plus stricte. Il est vrai que s'y ajoutait ici la production de contrats identiques pour 30 cas, ce qui laissait présumer l'absence de négociation effective de ses actes. Il en demeurait la liberté des franchisés de ne pas contracter. Et cela devrait suffire à écarter le contrôle du juge.

Au titre des pratiques ou des clauses qui ont été invalidées, je voudrais tout d'abord parler d'une clause annulée. Cette clause, vous l'avez tous dans vos contrats de franchise, c'est la clause d’intuitu personae non réciproque. Pourquoi l'avez-vous tous ? Parce que vous sélectionnez vos distributeurs en raison des qualités personnelles des dirigeants de ceux-ci ; mais l'intuitu personae n'est pas réciproque : s'agissant du franchisé, il s'attache d'abord à la marque et au savoir-faire, et non pas à la société franchiseur ou à son actionnaire. Cela a un fondement évident, s'il en était autrement, cela signifie qu'à l'occasion de la cession de votre réseau de franchise, voire d’un simple changement d'actionnariat ou de dirigeant, le franchisé pourrait en tirer prétexte pour sortir du réseau et cesser l'exécution de son contrat, sans avoir à régler d'indemnités. En conséquence, le périmètre du réseau ne serait plus préservé à l'occasion d'une cession. 

Cette clause vient d'être annulée par la Cour d'Appel de Paris. C'est en ce sens que je vous disais « bonne année cher franchiseur, sale temps ! Vous venez de perdre de la valeur actionnariale ».  Le juge estime, en effet, que l'économie du contrat de franchise Sprint Pizza, comme de tout contrat de franchise, la Cour d'Appel de Paris en faisant une solution générale, suppose également la prise en considération du franchiseur par le franchisé qui a fait le choix de rejoindre le réseau de franchise sur la base d'un certain nombre de critères tels que le concept de la franchise, la notoriété de la marque, la solidité de la tête de réseau, les perspectives de développement de l’enseigne. Aussi, sans qu'il n'y ait nécessairement un changement de la personne morale, un changement dans la structure de l'actionnariat du franchiseur ou un changement de dirigeant, sont selon la Cour de nature à avoir également une incidence sur ces critères de choix du franchisé, tel le rachat par un réseau concurrent, et bouleverser les équilibres de son entreprise, ce qui est d'autant plus problématique dans le cas où, en l'espèce, le franchisé ne peut résilier le contrat à son initiative, sans frais. 

Faut-il rendre dans ce cas la clause réciproque ? Non, à l'évidence : il y a donc là un sujet majeur pour les réseaux de distribution contractuels et leur patrimonialité.

Ensuite, la Cour a condamné une pratique consistant à coupler une clause de référencement de fournisseurs à une clause de quota d'achat, dès lors que seule la centrale de référencement contrôlée par les mêmes actionnaires que ceux contrôlant le franchiseur était référencée dans les faits, et qu’il était constaté que les prix offerts aux franchisés par cette centrale étaient globalement plus élevés que ceux offerts par la concurrence.

Il y a donc là un déséquilibre significatif tiré de la pratique et non pas de la clause en elle-même. Mais on le voit, la Cour d'Appel est ici venue contrôler le référencement opéré d'un fournisseur et contrôler les prix proposés par ses fournisseurs, pour caractériser l'existence d'un déséquilibre significatif. Il est enjoint, sur ce point, aux réseaux concernés, de cesser leurs pratiques contractuelles.

L'œuvre édificatrice de la jurisprudence sur le fondement du déséquilibre significatif se poursuit au détriment de l'autonomie de la volonté, au détriment de la sécurité juridique et au détriment de la création de valeur actionnariale. 

 

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