Action d'un concurrent contre le membre d'un cartel
lundi 27 novembre 2023

Action d'un concurrent contre le membre d'un cartel

La Cour d’appel de Paris déboute le client et concurrent d’un membre d’un cartel face à l’incapacité du demandeur à démontrer concrètement des effets dommageables de l’entente sur son activité ou sa stratégie de développement.

Dans sa décision 13-D-12 du 28 mai 2013, l'Autorité de la concurrence a sanctionné les membres du cartel de la distribution de produits chimiques, parmi lesquels la société société Univar Solutions (anciennement Lambert-Rivière, Quarréchim et Vaissière-Favre), du fait de pratiques d'ententes anticoncurrentielles sur le marché des commodités chimiques.

En juin 2013, la société Gaches Chimie, également distributeur de commodités chimiques, a fait délivrer assignation à la société Univar Solutions devant le tribunal de commerce de Paris pour la voir condamner à l'indemniser de préjudices qu'elle prétend avoir subis du fait de l'entente anticoncurrentielle sanctionnée par la décision précitée, en sa qualité de cliente de la société Univar Solutions d'une part, et en sa qualité de concurrente, d'autre part.

Par jugement du 10 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a notamment :

- débouté la SAS Gaches Chimie de sa demande relative à un dommage causé en sa qualité de concurrente de la SAS Univar ; 

- condamné la SAS Univar à payer à la SAS Gaches Chimie la somme de 260.505 € à titre de dommages et intérêts en sa qualité de cliente de la SAS Univar ; 

- condamné la SAS Univar à payer à la SAS Gaches Chimie la somme de 200.000 € au titre du préjudice moral ;

Les deux parties interjeté appel du jugement intervenu.

Dans son arrêt du 17 mai 2023 (n° 21/01033), la Cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du 10 décembre 2020 en ses dispositions soumises à la Cour, sauf en ce qu'il a condamné la société Univar à payer à la société Gaches Chimie la somme de 260 505 euros à titre de dommages-intérêts en sa qualité de cliente de la société Univar.

Par conséquent, la Cour a confirmé le débouté de la SAS Gaches Chimie de sa demande relative à un dommage causé en sa qualité de concurrente de la SAS Univar, outre qu’elle l’a déboutée de sa demande en qualité de cliente, retenant uniquement le préjudice moral de la société Gaches Chimie à hauteur de 200.000 euros.

Le motif retenu par la Cour d’appel est l’incapacité de la société Gaches Chimie à rapporter la preuve de ses préjudices allégués.

Ainsi s’agissant de sa demande en qualité de cliente de la SAS Univar, la Cour retient que la société Gaches Chimie produit, pour justifier son préjudice, des factures correspondant à des ventes en droiture par camions complets ou multi-compartimentés alors que ce type de vente n'a pas été sanctionné par l'Autorité. En outre, la société Gaches Chimie prétend avoir subi une augmentation de tarif de près de 25 % sur l'ensemble de ses achats sans produire la moindre comparaison de tarifs avant et après la période litigieuse.

S’agissant de la demande de la société Gaches Chimie en qualité de concurrente de la SAS Univar, les effets dommageables dont se prévaut la société Gaches Chimie sont essentiellement que l'entente aurait permis aux participants d'une part de générer d'importantes économies de frais de conquête ou de frais de maintien de clientèle et de protéger leurs avantages commerciaux sans effort commercial, d'autre part d'augmenter considérablement leurs résultats leur permettant d'assurer les évolutions réglementaires en matière de sécurité et de financer ainsi leur croissance externe, alors que dans le même temps celle-ci prétend avoir été dans l'obligation de mener une politique de rigueur sans aucune stratégie de croissance externe.

 
En outre, la Société Gaches Chimie soutient encore que ses concurrents grâce à une meilleure rentabilité générée par les pratiques illicites ont pu financer leur croissance et la consolidation du marché par une croissance externe et/ou maintenir leurs infrastructures, alors qu'elle même à l'inverse a été empêchée de se développer, et n'a pas pu financer ces investissements et a vu sa compétitivité se dégrader.

Cependant, malgré son affirmation selon laquelle la société Gache Chimie pourrait être suivie sur le fait que bénéficiant de marges plus intéressantes du fait des pratiques illicites, les sociétés participant à l'entente et en particulier la société Univar Solutions auraient pu disposer d'un pouvoir de marché plus important et se développer au détriment de la société Gaches Chimie, la Cour retient que la société Gaches Chimie échoue à démontrer concrètement des effets dommageables sur son activité ou sa stratégie de développement causés par les pratiques d'ententes sanctionnées par la décision du 13-D-12 du 28 mai 2013 de l'Autorité ou de toute autre pratique alléguée à l'encontre de la société Univar Solutions.

Notamment, la Cour observe que la société Gaches Chimie n'explicite pas clairement en quoi les pratiques sanctionnées de répartition de clientèle, de fixation de tarifs communs et de coordination tarifaire ont directement impacté son activité dans sa zone de chalandise non concernée par les pratiques, étant observé que les marchés de la distribution de commodités chimiques sont régionaux en raison des coûts de transport et des délais de livraison.

Par conséquent, elle déboute la société Gaches Chimie de ses demandes de dommages-intérêts à titre principal et subsidiaire en réparation d'un préjudice de gain manqué constitué par une perte de résultat d'exploitation et d'une « actualisation » de ce préjudice pour réparer le retard pris dans le développement de l'entreprise du fait des pratiques de l'entente.