COVID 19 : Pouvez-vous obtenir une réduction du loyer de votre bail commercial grâce à l’imprévision ?
vendredi 15 mai 2020

COVID 19 : Pouvez-vous obtenir une réduction du loyer de votre bail commercial grâce à l’imprévision ?

Vous êtes commerçant. Vous n'avez pas été contraint de fermer à la suite des arrêtés des 14 et 15 mars 2020, mais votre chiffre d’affaires a baissé, ou, si vous avez dû fermer, les clients n’ont pas répondu présentes à la réouverture.

Résultat, votre taux d’effort est devenu excessif : le rapport du loyer chargé au chiffre d’affaires n’est plus normatif et menace l’équilibre de votre compte de résultat. Vous voudriez que le loyer soit fixé à un niveau plus faible pour tenir compte de la dégradation de votre chiffre d’affaires.

Qu’est ce que l’imprévision ?

L’article 1195 du code civil définit l’imprévision. Il permet la renégociation d’un contrat lorsque un changement de circonstances, qui doit être imprévisible lors de la conclusion du contrat, rend son exécution excessivement onéreuse pour une partie.

On peut penser à utiliser ce fondement.

Est-ce que l'imprévision s’applique à tous les baux commerciaux, quelle que soit leur date de conclusion ou de renouvellement ?

L’article 1195 c.civ ne s’applique toutefois qu’aux contrats conclus (ou renouvelés) après le 1er octobre 2016 (date d’entrée en vigueur de l’ordonnance portant réforme du droit des contrats) : auparavant, la loi ne connaissait pas l’imprévision et la jurisprudence refusait de l’admettre.

Cependant, il n’est pas exclu que la crise du coronavirus conduise les juges à admettre la théorie de l’imprévision, même pour les contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la réforme des contrats.  S’inspirant du droit nouveau, et en présence d’une crise de l’ampleur de celle que nous connaissons, les juges pourraient faire évoluer la jurisprudence ancienne. Refuser péremptoirement toute renégociation pourrait conduire les juges à une telle évolution.

Est-ce que le bail commercial peut déroger à l’imprévision ?

Ensuite, cet article du code civil n’est pas d’ordre public. Cela signifie qu’une clause du bail peut valablement prévoir que les parties renoncent à l’imprévision. On peut néanmoins se demander si cette clause, qui peut apparaître comme bénéficiant au seul bailleur, n’est pas entâchée de déséquilibre significatif au sens de l’article 1171 du Code civil et si elle ne devrait pas  ne conséquence être réputée non écrite.

A noter que la plupart des foncières ont dérogé à l’article 1195 du Code civil.

Imprévision : qu’est qu’une exécution excessivement onéreuse ?

La jurisprudence n’a pas eu l’occasion de mettre en œuvre de manière significative l’article 1195 du Code civil. Cette appréciation est économique, le juge n’y étant pas formé, pourrait amener à des grilles standard si la jurisprudence était abondante, mais est teintée d’incertitude tant qu’elle ne l’est pas.

Quels sont les effets de l’imprévision ?

Vous pourriez demander au bailleur une renégociation du bail commercial (et donc du loyer). Pendant ce temps, vous devez continuer à exécuter vos obligations, et cela pendant toute la renégociation. 

En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. 

Vous pouvez donc l’utiliser aussi bien pour demander la fixation du loyer que pour rendre les clés du local si les conditions de l’imprévision sont réunies.

Est-ce que le fait qu’il existe des règles spéciales au bail commercial pour la révision des loyers empêche le jeu de l’imprévision ?

Il existe   de nombreuses règles particulières consacrées à la révision dans le bail commercial, parmi lesquelles la fameuse révision triennale, prévue par l'article L. 145-37 : « les loyers des baux d'immeubles ou de locaux régis par les dispositions du présent chapitre, renouvelés ou non, peuvent être révisés à la demande de l'une ou de l'autre des parties sous les réserves prévues aux articles L. 145-38 et L. 145-39 et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ». Cette révision triennale est d'ordre public. Elle est en outre enfermée dans un délai et dans une méthode particulière qui lient le juge.

Par comparaison,  l’article 1195 du code civil  dispose quant à lui que : « le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe ». Le juge est, dans le Code civil, beaucoup plus libre, que dans le Code de commerce. 

Il faut partir de l'article 1105, alinéa 3 du code civil qui dispose : « les règles générales s'appliquent sous réserve de ces règles particulières ». Il n'est donc pas prévu une exclusion systématique des règles générales, mais une nécessaire conciliation avec les règles spéciales.

La règle générale ne doit être évincée que si elle est incompatible avec la finalité des règles spéciales (R. Boffa., La révision et la résiliation pour imprévision, Loyers et copro.2016, dossier 12).   

Il n’y a nulle incompatibilité entre les deux, mais une complémentarité.

On peut même dire que les textes spéciaux sur la révision impliquent a fortiori l’application de l’article 1195 du code civil. Ils montrent que le législateur ne peut se satisfaire que le preneur reste tenu de payer un loyer qui devrait être ajusté à la baisse, compte tenu des évolutions normales du marché.

A fortiori, cela implique que lorsque le changement est exceptionnel, et d’une extrême rigueur,  cet objectif de révision soit encore plus respecté (sauf clause contraire, puisqu’elle est permise par l’article 1195 du code civil).

D’ailleurs, les clauses qui foisonnent , et qui écartent le régime de l’article 1195 du code civil dans nombre de baux commerciaux sont la preuve que la pratique n’a aucun doute sur l’application de ce texte en la matière.

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