Private enforcement : réparation des victimes non fournisseurs ou acheteurs
lundi 3 février 2020

Private enforcement : réparation des victimes non fournisseurs ou acheteurs

La Cour de justice de l’Union européenne affirme que des personnes qui n’opèrent pas comme fournisseur ni comme acheteur sur un marché concerné par une entente doivent pouvoir demander la réparation du préjudice qu’elles ont pu subir du fait de l’entente si un lien de causalité est rapporté.

Par son arrêt du 12 décembre 2019 (n°C-435/18), la CJUE répond à une question préjudicielle posée dans le cadre du « cartel de ascenseurs ». La Commission européenne avait en effet sanctionné le 21 février 2007 plusieurs entreprises à une amende de 992 millions d’euros en raison de leur participation à des ententes concernant l’installation et l’entretien d’ascenseurs, ainsi que d’escaliers roulants dans plusieurs pays de l’Union européenne. L’entente était relative à une répartition de marché par des concertations d’appels d’offres et des contrats, laquelle concertation a conduit à garantir aux entreprises participantes à l’entente un prix plus élevé que celui qu’elles auraient pu appliquer dans des conditions normales de concurrence.

En suite de cette entente, différentes actions en indemnisation, dites de « private enforcement », ont été engagées. Une de ces actions a été intenté par un Land autrichien qui durant la période concernée par l’entente avait « accordé à de nombreuses personnes, au titre de dispositions légales d’aide à la construction de logement, des prêts incitatifs destinés au financement de projets de construction ». Ainsi, il n’était pas un opérateur direct du marché, quand bien même une grande partie du marché bénéficiait de ce type de subvention.

Dans le cadre d’action privée en réparation du préjudice subi du fait d’une pratique anticoncurrentielle, la Cour de justice avait déjà pu reconnaître que certaines entreprises, qui n’étaient pas parties à la pratique, avaient été contraintes de pratiquer des prix plus élevés du fait de l’entente et qui avait en conséquence engendré des effets d’ombrelles. Les victimes de ces effets pouvaient alors demander réparation du préjudice subi de ce fait. Mais jusqu'à présent, il n’a été reconnu ce droit à réparation que pour des entreprises acheteurs ou fournisseurs des produits ayant été affectés par l’entente.

Par la question préjudicielle du 12 décembre dernier, la Cour de justice répond au fait que le préjudice indemnisable n’a pas à être limité à ces seuls acheteurs ou fournisseurs.

En effet en l’espèce, l’organisme public autrichien avait accordé des subventions, sous la forme de prêts incitatifs à faible taux, à des acheteurs de produits concernés par l’entente. Or, « le montant de ces subventions ayant été plus élevé qu’il ne l’aurait été en l’absence de ladite entente, ces personnes n’ont pas pu utiliser ce différentiel à d’autres fins plus lucratives » et en conséquence, la Cour reconnait que, bien qu’elle ne soit pas acheteur ou fournisseur sur le marché, leur demande de réparation doit être prise en compte. Le champ de mise en œuvre des actions en réparation privée retenu en l’espèce est donc le plus étendu possible relativement aux acteurs en cause.

Après avoir rappelé le principe déjà posé dans l’arrêt Manfredi que « toute personne est en droit de demander réparation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre ledit préjudice et une entente ou une pratique interdite par l’article 101 TFUE », la Cour affirme que « tant la garantie de la pleine efficacité et de l’effet utile de l’article 101 TFUE que la protection efficace contre les conséquences préjudiciables d’une violation du droit de la concurrence seraient gravement compromises si la possibilité de demander réparation du préjudice causé par une entente était limitée aux fournisseurs et aux acheteurs du marché concerné par l’entente. En effet, cela priverait d’emblée et de manière systématique des victimes potentielles de la possibilité de demander réparation ».

La Cour de justice précise qu’il appartient maintenant à la juridiction de renvoi de déterminer si l’organisme public autrichien a réellement subi un tel préjudice, et notamment vérifier s’il pouvait effectivement effectuer des placements plus lucratifs, ainsi que surtout vérifier si « un lien de causalité entre ce préjudice et l’entente en cause » est bien rapportée.

La possibilité accordée à un opérateur de demander réparation des dommages subis en suite d’une entente anticoncurrentielle ne doit donc pas être appréciée au regard de la qualité de cet opérateur, mais bien selon la caractérisation du lien de causalité devant exister entre le préjudice allégué dudit opérateur et la pratique anticoncurrentielle néfaste en question. C’est ce lien de causalité, s’il est établi, qui permettra de donner lieu à réparation.

CJUE, 12 décembre 2019, C‑435/18

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