Incidence du chiffre d’affaires sur le déplafonnement du loyer
lundi 20 novembre 2023

Incidence du chiffre d’affaires sur le déplafonnement du loyer

Dans le cadre d’une instance en fixation du loyer du bail renouvelé, faut-il prendre en compte le chiffre d’affaires réalisé par le locataire ?


Cette décision rendue le 22 juin 2022 permet de rappeler les principes importants en matière de déplafonnement pour cause de modification notable des facteurs locaux de commercialité.

Pour mémoire, l’article L. 145-33 du code de commerce prévoit que :

« Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1 Les caractéristiques du local considéré ;
2 La destination des lieux ;
3 Les obligations respectives des parties ;
4 Les facteurs locaux de commercialité ;
5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments ».

Quant à l’article L. 145 -34 du même code, il précise que le déplafonnement est acquis en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4°.

En l’espèce, il s’agissait d’un bail commercial à effet du 1er janvier 2005, renouvelé au 1er janvier 2015.

Nous pouvons tout d’abord constater la durée particulièrement importante de cette procédure en fixation de loyer, qui s’est étalée sur plus de sept années.

Pour motiver sa demande de déplafonnement du loyer, le bailleur a soulevé de nombreuses modifications des facteurs locaux de commercialité dans le secteur considéré, à savoir :

gentrification du quartier 
augmentation du pouvoir d'achat, 
arrivée d'enseignes nouvelles, 
rénovation de cafés et restaurants devenus des établissement branchés
installation d'un centre d'affaires 
création de la Maison des Ponts 
réaménagement du quartier avec piétonisation
développement de salles de spectacle 
augmentation des constructions nouvelles 
réhabilitation d'immeubles dans le secteur

Le bailleur soutenait enfin que ces modifications ont contribué à une forte augmentation chiffre d'affaires du preneur, justifiant ainsi le déplafonnement du loyer de son locataire.

Confrontée à ces nombreux moyens, la Cour d’appel a rappelé, en premier lieu, que le bailleur qui sollicite le déplafonnement du loyer du bail renouvelé du chef de la modification des facteurs locaux de commercialité doit établir :

qu'elle a été  notable 
qu’elle devait être de nature à avoir une incidence favorable à l'activité commerciale exercée par le preneur
qu’elle doit être intervenue au cours du bail expiré.

Nous retrouvons ici les principes posés par l’attendu de principe de l’arrêt du 14 septembre 2011 (pourvoi n° 10-30.825) de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, principes constamment repris par les juridictions du fond.

Après avoir analysé les différents motifs évoqués par le bailleur, elle en conclu, par une appréciation souveraine, qu’ils ne permettaient pas le déplafonnement du loyer.

Elle a pris le soin de préciser que :

« Dans ces conditions, la progression du chiffre d'affaires ne permet de corroborer ni le caractère notable de l'évolution des facteurs locaux de commercialité, ni l'incidence favorable sur le commerce considéré comme le prétend la bailleresse, d'autres facteurs pouvant intervenir dans la progression du chiffre d'affaires, notamment une meilleure gestion commerciale et financière du commerce par le preneur ».

La cour d’appel de Paris avait d’ailleurs, à juste titre, retenu une telle solution au visa de l'article L.145-33 du code du commerce, en jugeant que :

« L'évolution du chiffre d'affaires du preneur mis en avant par ce dernier est inopérant au regard des critères énumérés par l'article L.145-33 du code du commerce. Il ne saurait être retenu « un taux d'effort de 10 % » du preneur, qui ne constitue pas un élément de détermination de la valeur locative » (CA Paris, 13 janvier 2017, n° 14/23339).

C’est dire que le preneur, en cas d’augmentation de son chiffre d’affaires au cours du bail expiré, pourra toujours s’opposer au déplafonnement de son loyer au regard d’une prétendue modification notable des facteurs locaux de commercialité.

Enfin, il est intéressant de relever la manière dont la cour d’appel a calculé le montant du loyer plafonné compte tenu de l’absence de publication de l’indice des loyers commerciaux au troisième trimestre 2004.

Elle a procédé à une indexation combinée de l’indice du coût de la construction et de l’indice des loyers commerciaux, en appliquant l’indice du coût de la construction au loyer initial pour la période antérieure à la première publication de l’indice des loyers commerciaux, puis en appliquant l’indice des loyers commerciaux au loyer indexé selon l’indice du coût de la construction, pour la période postérieure à sa première publication.

Cour d'appel de Paris - Pôle 5 - Chambre 3 - 22 juin 2022 - n° 19/18800

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