Résiliation anticipée du contrat autorisée face au risque de nullité
lundi 15 janvier 2024

Résiliation anticipée du contrat autorisée face au risque de nullité

Dans le cadre d’une procédure en référé, est interrogée la force obligatoire des contrats face au risque de nullité allégué par l’une des parties à l’égard des réglementations en matière de concurrence ou des pratiques restrictives de concurrence.  

Dans le cadre d’une procédure en référé, la Cour d’appel de Paris, confirmant l’ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce de Paris, rejette les demandes de la société Carrefour France, laquelle souhaitait, notamment, obtenir la poursuite de l’exécution d’un contrat conclu avec la Coopérative U Enseigne, celle-ci ayant affirmé son intention de ne pas le poursuivre, au motif de risques anticoncurrentiels

Rappel des faits : en juin 2018, la société Carrefour France et la Coopérative U Enseigne signent un accord de coopération ayant pour objet une « négociation groupée » de ces acteurs afin, notamment, d’améliorer leurs conditions d’achats auprès de différents fournisseurs. Quelques mois après, Carrefour World Trade conclue avec la Coopérative U Enseigne un « contrat de service », aux termes duquel est prévu la négociation par Carrefour World Trade auprès de certains fournisseurs et contre rémunération par ces derniers, « de prestations internationales de services ». Ces deux conventions avaient initialement pour terme le 31 décembre 2023. 

Si  les parties décident d’anticiper le terme du contrat de coopération au 31 décembre 2022, le terme du contrat de service est porté au 31 décembre 2026. En septembre 2022, en raison du « découplage » des dates, la Coopérative U Enseigne signifie à Carrefour France son intention de ne pas exécuter le contrat de service le considérant nul « à raison de risques anticoncurrentiels ». Carrefour France décide de saisir en référé d’heure à heure, le tribunal de commerce de Paris, aux fins de voir, notamment, la poursuite de l’exécution dudit contrat. Par une ordonnance du 10 novembre 2022, le Président du Tribunal de commerce de Paris dit n’y avoir par lieu à référé et rejette les demandes de Carrefour France, faute d’avoir démontré l’existence d’un dommage ou un trouble manifestement illicite.

 
La question est de savoir si la poursuite du contrat de service de manière dissocié du contrat de coopération pouvait créer une situation de pratique anticoncurrentielle prohibée, le contrat de service encourant dès lors le risque de nullité en application des dispositions du code de commerce et notamment celle de l’article L.420-3. De manière subsidiaire, se posait la question de savoir si la résiliation anticipée reprochée à la Coopérative U Enseigne ouvrait au juge des référés la possibilité de faire droit aux différentes demandes de Carrefour France et notamment la poursuite de l’exécution du contrat, au motif de l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite causé en raison de l’inexécution par la Coopérative U Enseigne de ses obligations. 

La Cour d’appel de Paris estime que « Selon l'article 1212 du code civil, 'Lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme.' Toutefois, la gravité du comportement d'une partie peut justifier que l'autre partie y mette fin de manière unilatérale à ses risques et périls. 

Aussi, le refus pour une partie, qui argue de la nullité d'un contrat, d'exécuter ce dernier alors qu'aucune juridiction de fond n'a encore remis en cause la validité de la convention, est susceptible de constituer un trouble manifestement illicite dès lors que le comportement de cette partie remet en cause de manière flagrante le principe de la force obligatoire des contrats et est contraire au principe selon lequel nul ne peut se faire justice à soi-même. Toutefois, ce comportement peut perdre son caractère de trouble manifestement illicite si le comportement de l'autre partie est susceptible de constituer lui-même une illicéité flagrante. »

Elle considère en l’espèce que « la poursuite de l'exécution du contrat de services de manière dissociée de l'exécution de l'accord de coopération, même si elle a été décidée d'un commun accord (la société Coopérative U Enseigne indiquant cependant qu'elle a été hâtivement décidée), est sérieusement susceptible de constituer une pratique anticoncurrentielle au sens de l'article L 420-1 du code de commerce, laquelle peut être sanctionnée par la nullité du contrat en application de l'article L 420-3 du même code. »

A ce titre, elle se range derrière l’avis du Président du Tribunal de commerce de Paris, confirmant dès lors l’ordonnance rendue.

Cour d’appel de Paris, 8 juin 2023, n°22/19043

Nos solutions

Vous faites face à une situation précontentieuse et il devient nécessaire de travailler la pré constitution du dossier contentieux.

Vous devez assigner un distributeur qui viole ses engagements contractuels.

Vous venez d’être assigné par un ou plusieurs distributeurs.

GOUACHE AVOCATS analysera le dossier avec la plus grande objectivité, sur pièces, pour déterminer avec vous, en totale concertation, la stratégie du dossier, les moyens procéduraux à mettre en œuvre et le coût du procès.

Pour gérer votre contentieux en droit de la distribution, contactez GOUACHE AVOCATS.