Le Conseil Constitutionnel valide le cumul des sanctions administratives
lundi 2 mai 2022

Le Conseil Constitutionnel valide le cumul des sanctions administratives

Saisi par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel vient de trancher la question du cumul de sanctions administratives pour manquements en concours prévu par l’article L. 470-2,VII du Code de commerce, en cas de non-respect des obligations en matière de transparence, de pratiques restrictives de concurrence, d'autres pratiques prohibées ou d'inexécution d'une mesure d'injonction notifiée à un professionnel soumis à ces règles, est conforme à la Constitution.

Le texte, sur le fondement duquel ont été décidées les sanctions dispose : « Lorsque, à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre d'un même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s'exécutent cumulativement ».

La décision concerne des manquements de même nature commis par ITM, n’ayant pas fait figurer, 61 fois, une mention obligatoire sur les conventions récapitulatives, et par EURELEC TRADING, centrale d’achat du groupe LECLERC domiciliée en Belgique   n’ayant pas signé, 21 fois, de telles conventions avant la date butoir du 1er mars. 

Selon la requérante et la partie intervenante à cette QPC, respectivement condamnées à une amende de 6 340 000 euros et de 19 200 000 euros, ces dispositions méconnaîtraient, d’abord, le principe de proportionnalité des peines dès lors qu’elles ne prévoient aucun plafond au cumul des sanctions administratives prononcées pour des manquements en concours ; et le principe de légalité des délits et des peines, faute de définir la notion de « manquements en concours », et enfin le principe non bis in idem, en vertu duquel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits.

Bien que le Conseil Constitutionnel ait validé ce cumul à plusieurs reprises (n° 2014-690 DC, 13 mars 2014 ; n° 2016-741 DC, 8 déc. 2016 ; avalisé par le CE, avis n° 91-262, 24 mars 2016), le Conseil d’État a renvoyé cette QPC (CE, 29 déc. 2021, n° 457203), estimant la question nouvelle et sérieuse du fait du « changement de circonstances » survenu entre-temps tiré d’une modification substantielle de la rédaction de l’article en question par la loi dite Sapin II du 9 décembre 2016  ayant supprimé la précision « dans la limite du maximum légal le plus élevé ».

Après avoir énoncé que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il lui incombe de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue, le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions contestées ne méconnaissent pas les principes de légalité et de nécessité des délits et des peines, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. 

Pour le Conseil constitutionnel, il en va ainsi dans la mesure où :- aucune exigence constitutionnelle n'impose que des sanctions administratives prononcées pour des manquements distincts soient soumises à une règle de non-cumul ;- les dispositions contestées n'ont pas pour objet de déterminer le montant des sanctions encourues pour chacun des manquements réprimés et ne font pas obstacle à la prise en compte par l'autorité administrative (DGCCRF), sous le contrôle du juge, de la nature des manquements, de leur gravité et de leur répétition pour déterminer le montant des sanctions, en particulier lorsqu'elles s'appliquent de manière cumulative. 

Par cette décision, le Conseil constitutionnel confirme clairement la portée du principe non bis in idem qui ne doit s’appliquer qu’en présence d’un même manquement. 

Les exemples sont nombreux ces derniers temps, où était en cause un même fait passible à la fois de sanctions administrative et pénale, notamment une entrave aux enquêtes de l’Autorité des marchés financiers (Cons. const., n° 2021-965 QPC, 28 janv. 2022), ou à celles de l’Autorité de la concurrence (Cons. const., n° 2021-892 QPC, 26 mars 2021), de même que l’opposition à un contrôle fiscal (Cons. const., n° 2022-988 QPC, 8 avr. 2022) ou encore une fraude fiscale (Cass. crim., 23 févr. 2022, n° 21-81366).

Cette décision intervient dans une mouvance favorable à l’accroissement des sanctions, et au cumul de celles-ci.

En droit de la consommation, l’article L 522-7 du code de la consommation dispose : « Lorsque, à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre du même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s'exécutent cumulativement. »

Le texte antérieur à   la loi n°2016-1691 du 9/12/2016 prévoyait cependant une limite: « Lorsque, à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre du même auteur pour des manquements en concours passibles d'amendes dont le montant maximal excède 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale, ces sanctions s'exécutent cumulativement, dans la limite du maximum légal le plus élevé. »

Cette décision du Conseil Constitutionnel vient donc accroitre le risque pour les entreprises de se voir imposer des amendes très importantes notamment dans le cadre de contrôles opérés par la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF).

Décision n° 2021-984 QPC du 25 mars 2022

Guillaume Gouachon
Avocat Associé  

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