vendredi 11 mars 2016

Distribution sélective et interdiction de vente en ligne


Dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, la tête de réseau ne peut interdire à ses distributeurs la revente des produits via une plate-forme internet sans apporter de raison objective au regard du droit de la concurrence justifiant une telle interdiction.


Une société assure la fabrication et la distribution de produits cosmétiques sous la marque Caudalie via un réseau de distribution sélective constitué de pharmacies et de parapharmacies, lesquelles commercialisent les produits soit dans un point de vente, soit par internet, chaque canal de commercialisation faisant l’objet d’un contrat spécifique.

Une société tierce au réseau a proposé aux pharmaciens une plate-forme internet sur laquelle ils peuvent commercialiser leurs produits.

Considérant qu’une telle plate-forme contrevenait aux principes de son réseau de distribution sélective et constituait une violation des dispositions de l’article L.442-6, I, 6° du Code de commerce, la tête de réseau a assigné la société tierce en référé, afin notamment qu’il lui soit enjoint de cesser toute commercialisation des produits sur sa plate-forme internet. 

Il sera rappelé que l’article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce prévoit :

« I.- Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 
6° De participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence »

Le juge des référés ayant fait droit à la demande de la tête de réseau en première instance, la société tierce a interjeté appel de l’ordonnance rendue.

La Cour d’appel rappelle dans un premier temps que le réseau de distribution sélective des produits CAUDALIE est structuré par deux contrats de distribution dont l’un concerne la vente en pharmacie  et l’autre la vente sur internet et que l’agrément pour l’un ne vaut pas automatiquement agrément pour l’autre.

Elle relève dans un deuxième temps que :

- il ressort des clauses du contrat internet que les distributeurs CAUDALIE ne peuvent vendre les produits en ligne que sur leur propre site internet ;
- en ne permettant que la vente en ligne par le site propre du pharmacien distributeur des produits CAUDALIE, les contrats de distribution sélective de la tête de réseau interdisent par principe à ses distributeurs le recours à la vente en ligne par le biais de plate-forme – ou places de marché – en ligne, telle que celle proposée par la société tierce.

Après s’être référée à :

- deux  (2) décisions rendues par l’Autorité de la concurrence les 23 juillet 2014 et 24 juin 2015 concernant le réseau de distribution sélective Samsung interdisant la vente en ligne par le biais de plate-formes internet ; 
- un communiqué de presse de l’Autorité de la concurrence du 18 novembre 2015 dans une affaire Adidas, 
- une décision prise récemment par l’autorité de la concurrence allemande en faveur du caractère anticoncurrentiel d’une pratique comparable dans les contrats de distribution sélective ASICS et Adidas ; 
- la consultation du Professeur Muriel Chagny pour la société tierce datant de mai 2015 ;

elle considère qu’il en résulte « un faisceau d’indices sérieux et concordants tendant à établir, avec l'évidence requise en référé que cette interdiction de principe du recours pour les distributeurs des produits Caudalie, pour l’essentiel pharmaciens d’officine, à une plate-forme en ligne, quelles qu’en soient le caractéristiques est susceptible de constituer, sauf justification objective, une restriction de concurrence caractérisée exclue du bénéfice de l'exemption communautaire individuelle visée à l'article L442-6 I 6° susvisé qui fonde les demandes litigieuses ».

La Cour considère en conséquence que la tête de réseau ne peut se prévaloir d’un trouble manifestement illicite. 

Elle ajoute par ailleurs que la tête de réseau n’apporte, à cette interdiction de principe de toute revente par le biais d’une plate-forme en ligne, aucune justification objective au regard du droit de la concurrence, permettant de rendre manifestement licite son réseau de distribution sélective par internet interdisant ce canal de vente et donc manifestement illicite le trouble subi par la tête de réseau du fait de la violation de cette interdiction par les distributeurs.

En conséquence, la Cour d’appel déboute la tête de réseau de ses demandes fondées sur la violation de son réseau de distribution sélective et infirme l’ordonnance rendue.

A contrario, il résulte de cet arrêt que si la tête de réseau avait pu justifier l’interdiction de principe faite à ses distributeurs au regard du droit de la concurrence, ses demandes auraient pu être admises.

On précisera également que la société tierce a saisi l’Autorité de la concurrence le 7 décembre 2015 d’une plainte sur ce sujet. Il conviendra donc de suivre cette affaire.

Décision de la Cour d’appel de Paris du 2 février 2016, RG n° 15/01542.

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