Une société en formation peut-elle conclure un bail commercial ou une cession de fonds ?
vendredi 15 décembre 2023

Une société en formation peut-elle conclure un bail commercial ou une cession de fonds ?

Par trois arrêts du 29 novembre 2023, la Chambre commerciale de la Cour de cassation assouplit les conditions selon lesquelles un bail commercial ou un acte de cession de fonds de commerce peut être valablement conclu par une société en formation et repris après son immatriculation.

Afin de protéger les exploitants dans le démarrage de leur activité, il est « possible et souhaitable », selon la Cour, de reconnaître un pouvoir d’appréciation aux Juges du fond.

Au moment de la conclusion d’un compromis ou d’un acte de cession de fonds de commerce, mais encore au moment de la conclusion d’un bail commercial, il est fréquent que la société d’exploitation du commerçant ne soit pas encore immatriculée. 

Se pose alors la question de la validité des actes conclus pour la société en formation avant son immatriculation.

Il résulte des articles L210-6 et R210-6 du Code de commerce que :

- Les sociétés jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

- Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société.

Sur le fondement de ces dispositions, la Chambre Commerciale opère un revirement par trois arrêts du même jour.

La décision 22-12865 concerne un bail commercial précisant que « la présente opération est réalisée au nom et pour le compte de la société en formation » et que la société « est représentée à l’acte par ses seuls futurs associés ».

La Cour d’appel prononce la nullité du bail au motif que « les futurs associés n’ont pas agi pour le compte de la société en formation en leur qualité d’associé, comme le veut l’usage, afin de pourvoir engager la société elle-même une fois immatriculée ».

Dans cette première affaire, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle reproche à la Cour de ne pas avoir recherché s’il résulte de l’acte et de l’ensemble des circonstances, que la commune intention des parties est que le contrat soit conclu au nom et pour le compte de la société en formation.

La décision n°22-18295 est relative à un bail conclu « par une société en formation et par ses associés fondateurs, lesquels n’ont pas indiqué agir au nom et de celle-ci ». Dans cette affaire, la Cour d’appel a refusé de prononcé la nullité du bail au motif que le bail commercial précise être conclu par la société en formation et que la reprise du contrat est prévue dans les statuts. La Cour de cassation et renvoi les juges à la détermination de la commune intention des parties.

La décision n°22-21623 concerne une promesse de cession de parts sociales conclue par une société en cours d’immatriculation. La Cour d’appel a ordonné l’exécution de la promesse et rejeté la demande de nullité du compromis. Dans cette affaire, la Cour de cassation rejette le pourvoi et considère que « dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation » la Cour « a fait ressortir que, en dépit de la rédaction impropre de ces actes quant à la désignation du cessionnaire, la commune intention des parties était que l’acte soit conclu au nom ou pour le compte de la société en formation et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits ».

Dans ces trois arrêts, la Chambre commerciale opère un revirement en accordant au Juge du fonds un pouvoir d’appréciation quant à la régularité des actes conclus.
De manière très didactique, la Cour rappelle la jurisprudence qui était applicable : « ne sont susceptibles d’être repris par la société après son immatriculation que les engagements souscrits au « nom » ou « pour le compte » de la société en formation. Sont nuls les actes passés « par » la société même s’il ressort des mentions de l’acte ou des circonstances que l’intention des parties était que l’acte soit accompli en son nom et pour son compte ».

La Cour souligne ensuite que cette jurisprudence vise à assurer la sécurité juridique des parties. 

Elle relève ensuite que cette jurisprudence « s’avère produire des effets indésirables en étant parfois utilisée par des parties pour se soustraire à leur engagement et, a paradoxalement pour conséquence de fragiliser les entreprises lors de leur démarrage d’activité sous forme sociale au lieu de les protéger, sans toutefois apporter une protection adéquate aux tiers cocontractants, qui en cas d’annulation de l’acte se trouvent dépourvus de tout débiteur. »


Dans ces conditions, la Cour décide que « l’exigence selon laquelle l’acte doit, expressément et à peine de nullité, mentionner qu’il est passé au « nom » ou « pour le compte »  de la société en formation, ne résultant pas explicitement des textes régissant le sorte des actes passés au cours de la période de formation, il apparaît possible et souhaitable de reconnaitre désormais au juge le pouvoir d’apprécier souverainement , pas un examen de l’ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l’acte qu’extrinsèque si la commune intention des parties n’était pas que l’acte soit conclu au nom ou pour le compte de la société en formation et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de le reprendre ». 

Ces décisions auront d’importantes conséquences pratiques, notamment en matière de baux commerciaux et de cession de fonds de commerce.

Au regard des mentions de l’acte, des circonstances et de la commune intention des parties, un acte dont la rédaction serait défectueuse pourrait ainsi être « sauvé ».



Cass. com. 29-11-2023 n° 22-12.865 
Cass. com. 29-11-2023 n° 22-18.295 
Cass. com. 29-11-2023 n° 22-21.623 

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