La cession du fonds de commerce purge la faute
lundi 29 janvier 2024

La cession du fonds de commerce purge la faute

La Haute juridiction a rendu un arrêt particulièrement favorable au preneur, qui peut, même en cas de faute, céder son fonds de commerce après délivrance d’un congé avec refus de renouvellement et refus de paiement d’indemnité d’éviction, permettant au cessionnaire de percevoir cette indemnité.

La Cour de cassation a rendu un arrêt en date du 14 décembre 2023, particulièrement favorable au preneur.

Les faits sont les suivants, et relevons que le cessionnaire a été particulièrement audacieux.

Les différents propriétaires de lots dans une résidence de tourisme soumise au statut de la copropriété, les ont donnés à bail commercial à la société Revalis Ever, aux droits de laquelle sont venues successivement les sociétés MMV Résidences puis MMV.

Les 11 octobre et 25 novembre 2016, les bailleurs ont délivré à la société MMV Résidences des commandements de payer des loyers et charges arriérés contre lesquels la locataire a, les 10 novembre et 23 décembre 2016, formé opposition.

Les 2 février, puis 21 et 27 mars 2017, les bailleurs ont signifié à la société MMV Résidences des congés avec refus de renouvellement du bail et de paiement d'une indemnité d'éviction, pour motifs graves et légitimes.

Le 11 mai 2017, la société MMV Résidences a cédé son fonds de commerce à la société Vacancéole Méditerranée.

Les sociétés MMV Résidences et Vacancéole Méditerranée ont alors assigné les bailleurs en paiement d'une indemnité d'éviction, demande qui a été accueillie par la cour d’appel.

Le pourvoi devant la Cour de cassation a ainsi été formé par les bailleurs.

Toutefois, la Haute juridiction a approuvé la cour d'appel, en ce qu’elle a exactement retenu qu'au titre des motifs graves et légitimes justifiant le refus de renouvellement d'un bail commercial sans paiement d'une indemnité d'éviction, le bailleur ne pouvait invoquer contre le cessionnaire de ce bail que les faits personnellement imputables à ce dernier et non ceux commis par le cédant.

En l’espèce, la cour d’appel avait en effet relevé que les faits visés par les commandements des 2 février, 21 mars et 27 mars 2017 étaient essentiellement imputables à la société MMV résidences, cédant, pour une période antérieure à la cession de son fonds de commerce et qu'il ne résultait pas des éléments de la procédure que la société Vacancéole Méditerranée, cessionnaire, ait commis des manquements graves justifiant un refus de renouvellement sans indemnité d'éviction.

La Haute juridiction a donc jugé que le preneur avait droit au paiement d’une indemnité d’éviction, peu important que la délivrance des congés soit intervenue antérieurement à la cession du bail.

Une solution similaire avait été rendue en cas de résiliation du bail.

Il avait été jugé qu’un propriétaire bailleur ne peut, pour obtenir la résiliation du bail, reprocher aucune faute à un cessionnaire du fait des manquements de ses prédécesseurs (Cass. 3e civ., 30 juin 2010, n° 09-13754).

La Haute juridiction a par la suite précisé, qu’en cas de cession du bail commercial, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail commercial contre le cessionnaire, pour des fautes commises par le cédant avant la cession. Toutefois, si le manquement se poursuit après la cession, le cessionnaire doit faire cesser le manquement. A défaut, le cessionnaire est responsable et la résiliation du bail peut être prononcée à son encontre (Cass. 3ème civ., 8 octobre 2015, n°14-13.179).

La solution est toutefois différente en cas de vente des murs par le propriétaire des lieux loués. Il a pu être jugé que l’acquéreur des murs bénéficie de plein droit de la résiliation acquise antérieurement à la vente de l’immeuble par l’effet de la clause résolutoire (Cass. 3ème civ., 30 mai 1990, n° 89–12586).

La portée de cet arrêt est particulièrement importante puisque la Cour de cassation permet ainsi au locataire fautif de « purger » sa faute.

En effet, le locataire en place peut, alors qu’il a pu commettre une faute grave et légitime le privant d’une indemnité d’éviction, et que le bailleur lui a fait signifier un congé comportant double refus (renouvellement et éviction), céder néanmoins son fonds de commerce puisque le cessionnaire, pour autant qu’il ne poursuive pas les fautes de son cédant, peut obtenir le paiement d’une indemnité d’éviction.

Si cette décision apparaît particulièrement favorable au locataire commercial, elle s’explique sans doute par le fait que l’article L. 145-17 du code de commerce prévoit que « Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant ».

Certes le « pari » peut s’avérer risqué.

Ce risque pourra en tout état de cause être pris en compte dans la négociation du prix de cession.

Cass. 3ème civ., 14 décembre 2023, n° 22-13.661

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