mardi 13 septembre 2016

Loi « Macron » du 6 août 2015

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La Loi Macron est entrée en vigueur le 6 août 2016. Les réseaux de distribution doivent revoir leur contrats à la lumière de ces nouvelles dispositions.

1. En février 2010, l’Autorité de la concurrence s’est auto-saisie pour avis dans le secteur de la distribution alimentaire afin d’étudier les modalités de conclusion des contrats d’affiliation entre les magasins indépendants et les grandes enseignes de distribution et le comportement de ces dernières relatif à la gestion du foncier commercial.

Aux termes d’un avis n° 10-A-26  rendu le 7 décembre 2010 relatif aux contrats d’affiliation de magasins indépendants et les modalités d’acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire, l’Autorité de la concurrence s’est inquiétée de la difficulté rencontrée par les magasins indépendants pour changer d’enseignes dans le secteur de la distribution alimentaire.

L’Autorité de la concurrence a en effet constaté que de nombreuses clauses insérées dans les contrats et statuts des magasins affiliés les dissuadaient de changer d’enseignes :

-    le magasin est lié à la tête de réseau par de nombreux contrats (contrat d’adhésion au groupement coopératif, contrat de franchise, contrat d’approvisionnement, contrat de bail, statuts des sociétés d’exploitation des magasins, pactes d’associés) dont les échéances se chevauchent ;
-    la durée des engagements est trop longue ;
-    le magasin est soumis au paiement d’un droit d’entrée, différé au jour de l’échéance du contrat, égal à un pourcentage de chiffre d’affaires prévisionnel, ce qui pourrait avoir pour effet de dissuader le magasin de quitter le réseau ;
-    des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation sont présentes dans les contrats ;
-    les groupes de distribution disposent de droits de priorité qu’ils peuvent actionner lorsque le magasin décide de vendre son point de vente, ce qui limite la possibilité de rachats des magasins indépendants par les enseignes concurrentes ;
-    les groupes de distribution prennent des participations minoritaires dans le capital des sociétés d’exploitation de leurs affiliés, qui leur permettent de s’opposer à tout changement d’enseigne du magasin.

L’Autorité de la concurrence a donc formulé plusieurs recommandations et estimé qu’une intervention du législateur pourrait d’avérer nécessaire afin de :

-    supprimer les clauses de non-concurrence et les droits de priorité dans les contrats de vente et d’acquisition de foncier commercial ;
-    limiter la durée des contrats d’affiliation à cinq (5) ans ;
-    limiter les clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation post-contractuelles à une durée d’un (1) an dans les contrats d’enseigne ;
-    interdire les droits de priorité au profit des groupes de distribution dans les contrats d’affiliation.

Dans cet avis, les clauses qui entravent la liberté de sortie du franchisé devaient être examinées sous l’angle de l’abus de dépendance économique (art L. 420-2 C. com.) mais l’application de ce texte étant  difficile, l’Autorité de la concurrence préférait prévoir une « interdiction per se », c’est-à-dire une interdiction en soit de certaines clauses, sans distinction en fonction des situations.

Dans la ligné de cet avis, un projet de loi dit « projet de loi LEFEBVRE » a été présenté le 1er juin 2011 aux Conseils des ministres.

Ce texte prévoyait notamment :
-    la création d’une convention d’affiliation unique, remplaçant la multiplicité des contrats conclus entre les groupes de distribution et les magasins affiliés, sans possible tacite reconduction ; communiqué le plus en amont possible des pourparlers ;
-    une durée maximale du contrat d’affiliation à dix (ans) ;
-    un étalement du paiement des droits d’entrée en lieu et place d’un paiement différé ;
-    un encadrement des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation post-contractuelles, qui pour être valables, doivent être nécessaires à la protection du savoir-faire, limitées à une durée d’un (1) an et au magasin objet du contrat.

Bien qu’adopté en première lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat, ce projet a par la suite été abandonné après les élections présidentielles, le Gouvernement s’étant aperçu que ce texte créait une discrimination injustifiée entre le commerce coopératif et les autres formes de commerce.

Certains ont tenté de faire passer ces textes lors de la loi Hamon, mais cela n’a pas été retenu.

Il a donc fallu attendre la loi Macron. Les débats parlementaires ont cependant beaucoup amenuisé la portée des textes.

I.    DISPOSITIONS CONCERNANT LE DROIT DES CONTRATS D’AFFILIATION

Le nouvel article L. 341-1 du Code de commerce prévoit que « L’ensemble des contrats conclus entre, d’une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants, autre que celles mentionnées au chapitres V et VI du titre II du livre Ier du présent code, ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l’article L.330-3 et, d’autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d’un tiers, un magasin de commerce de détail, ayant pour but commun l’exploitation de ce magasin et comportant des clauses susceptibles de limiter d’exercice par cet exploitant de son activité commerciale prévoient une échéance commune.

La résiliation d'un de ces contrats vaut résiliation de l'ensemble des contrats mentionnés au premier alinéa du présent article.

Le présent article n’est pas applicable au contrat de bail dont la durée est régie par l’article L. 145-4, au contrat d’association et au contrat de société civile, commerciale ou coopérative ».

A.    Le principe d’une échéance commune

Il convient d’étudier le nouvel article introduit par la loi Macron afin de déterminer à quelles parties il s’applique (1.), à quels contrats (2.) avant d’analyser les effets de ce texte (3.)

1.    Les parties
1.1.    Détermination du premier contractant
1.1.1. Personne visée par la loi

L’article L. 341-1 du Code de commerce vise les « contrats conclus entre, d'une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants, autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier du présent code, ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l'article L. 330-3 »

Si l’on s’en tient au premier et dernier morceau de phrase (en bleu ci-dessus) : sont visés tous les réseaux de distribution qui regroupent des magasins sous une enseigne commune, un nom commercial commun, une marque commune.

Le milieu de la phrase est cependant gênant en raison de l’insertion de la conjonction « ou » à deux reprises.

Ce texte pourrait en effet être interprété comme signifiant : contrats conclus entre, d'une part, une personne physique ou :

-    soit une personne morale de droit privé regroupant des commerçants, autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier du présent code ;
-    soit mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l'article L. 330-3.

Dans ce cas, les magasins de commerce de détail sans enseigne commune seraient concernés. Par exemple, un contrat entre une personne physique et une personne morale de droit privé regroupant des commerçants.

La décision n°2015-715 rendue par le Conseil constitutionnel le 5 août 2015 ne paraît cependant pas aller dans le sens de cette interprétation.

En effet, aux termes de cette décision, le Conseil constitutionnel vise expressément les contrats d’affiliation, c’est-à-dire les contrats conclus entre une tête de réseau et le commerçant qui exploite un commerce de détail :

« 24. Considérant, en second lieu, d'une part, que lesarticles L. 341-1 et L. 341-2 visent à mettre un terme aux pratiques contractuelles des réseaux de distribution commerciale qui concluent avec les exploitants de commerce de détail qui leur sont affiliés des contrats différents n'ayant pas les mêmes durées, les mêmes échéances ou les mêmes conditions de résiliation, de sorte qu'il en résulte une prolongation artificielle des contrats qui peut s'apparenter à une restriction de la liberté d'entreprendre des exploitants de commerce de détail ; qu'en adoptant les articles L. 341-1 et L. 341-2, le législateur a entendu assurer un meilleur équilibre de la relation contractuelle entre l'exploitant d'un commerce de détail et le réseau de distribution auquel il est affilié ; qu'il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général ;

25. Considérant, d'autre part, que les dispositions des articles L. 341-1 et L. 341-2ne s'appliquent qu'aux contrats conclus entre des réseaux de distribution et des exploitants de commerces de détail ; que les dispositions de l'article L. 341-1 ne s'appliquent qu'aux contrats comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice par un exploitant de son activité commerciale ; qu'elles ne s'appliquent pas au contrat de bail commercial, au contrat d'association et au contrat de société civile, commerciale ou coopérative ; qu'elles laissent les parties contractantes libres de fixer la durée et l'échéance commune de l'ensemble des contrats qui les lient et de prévoir leur tacite reconduction ; que les dispositions de l'article L. 341-2 ne s'appliquent pas aux clauses dont il est démontré qu'elles remplissent les conditions cumulatives énumérées à cet article ; que les dispositions des articles L. 341-1 et L. 341-2 ne sont applicables qu'à l'expiration d'un délai d'un an suivant la promulgation de la loi ; que, dans ces conditions et au regard de l'objectif poursuivi par le législateur, les dispositions des articles L. 341-1et L. 341-2 ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée… »

Le Conseil constitutionnel mentionne cependant les contrats entre « les réseaux » et les commerçants, mais les réseaux n’ont pas la personnalité morale, et ne concluent pas de contrats.

Cette première partie du texte nécessitera donc une interprétation des juges du fond.

1.1.2. Exclusion expresse de la loi

L’article L. 341-1 du Code de commerce vise « une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants, autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier du présent code »

La loi exclut donc du champ d’application de ce texte les contrats conclus avec :
-    les magasins collectifs de commerçants indépendants (ch V) ; et
-    les sociétés de caution mutuelle (ch VI).

1.2.    Détermination du second contractant

L’article L. 341-1 du Code de commerce vise « d'autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d'un tiers, un magasin de commerce de détail »

La loi Macron ne donne pas de définition.

Il est cependant possible de raisonner par analogie au regard de :

•    l’article L. 441-7 du Code de commerce ;
•    le paragraphe 80 des lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations du 10 juillet 2013.

•    Au regard de l’article L. 441-7 du Code de commerce

L’Assemblée nationale avait donné une définition à propos de la modification de l’article L. 441-7 (qu’elle a abandonné ensuite).

Selon le texte voté par l’Assemblée nationale, la notion de distributeur de commerce de détail devait s’entendre « du distributeur effectuant pour plus de la moitié de son chiffre d’affaires de la vente de marchandises à des consommateurs pour un usage domestique, ou de la centrale d’achat ou de référencement d’entreprises de ce distributeur ».

•    Au regard du paragraphe 80 des lignes directrices relatives au contrôle des concentrations du 10 juillet 2013

Selon le paragraphe 80 des lignes directrices relatives au contrôle des concentrations, la notion de commerce de détail doit être définie par référence aux règles applicables en matière d’équipement commercial. Un magasin de commerce de détail s’entend comme un magasin qui effectue essentiellement, c’est-à-dire pour plus de la moitié de son chiffre d’affaires, de la vente de marchandises à des consommateurs pour un usage domestique.

Est incluse la vente d’objets d’occasion (brocante, dépôts vente, etc.). Sont traditionnellement assimilés à du commerce de détail, bien que ne constituant pas de la vente de marchandises, un certain nombre de prestations de service à caractère artisanal (pressing, coiffure et esthétique, cordonnerie, photographie, entretien de véhicules et montage de pneus).

Sont toujours exclues les prestations de service à caractère immatériel ou intellectuel (comme les banques, l’assurance, ou les agences de voyage) ainsi que les établissements de service ou de location de matériel (comme les laveries automatiques ou les vidéothèques), et les restaurants. Sont aussi exclues les entreprises qui réalisent la totalité de leurs ventes en ligne ou par correspondance, ou encore via des livraisons directes aux consommateurs, l’article L. 430-2-II précisant que « ne sont concernées que les entreprises qui exploitent au moins un magasin. ».

Nous ne sommes pas en mesure de déterminer laquelle de ces deux définitions sera retenue pas les juges.  

En revanche, on constate qu’alors que l’avis de l’Autorité de la concurrence n’avait demandé des règles strictes que pour les contrats d’affiliation dans le domaine alimentaire, on ne trouve plus cette limite dans la loi Macron.

Le contrat conclu entre la tête de réseau et ses franchisés entre dans cette catégorie, pour les ventes de marchandises.

En ce qui concerne les prestations exclues par l’Autorité de la concurrence (ex. une franchise de restauration), il existe une incertitude qui dépendra de la définition qui sera retenue par les juges.

2.    Le contrat

2.1.    Les contrats visés
2.1.1. Deux conditions à remplir

L’article L. 341-1 du Code de commerce vise : « L'ensemble des contrats […] ayant pour but commun l'exploitation de ce magasin et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice par cet exploitant de son activité commerciale ».

Les contrats doivent donc remplir deux (2) conditions pour entrer dans le champ d’application de ce texte :
•    avoir un « But commun » = ensemble contractuel ;
•    comporter « des clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice par cet exploitant de son activité commerciale » = le contrat est qualifié ici par ses clauses accessoires.

Le but même de la loi (protéger contre les clauses restrictives) se retrouve donc dans la qualification du contrat.

2.1.2. Un contournement est-il possible ?

•    Pourrait-on stipuler une clause expresse de divisibilité entre les différents contrats, pour faire « éclater » l’ensemble contractuel ?

La réponse est probablement négative, la Cour de cassation ayant réputé non écrites ce type de clauses dans un arrêt rendu le 17 mai 2013 :

« attendu que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ; »  (Cass. Ch. Mixte 17 mai 2013 (location financière).

•    Pourrait-on prétendre que le contrat ne comporte pas les dites clauses restrictives pour échapper à la loi ?

Certains disent que la distribution sélective ne contient pas de telles clauses : ils pourraient donc échapper à la loi.

Mais cette interprétation n’est pas sûre. Une chose est de dire avec la jurisprudence Métro (1977) que le contrat n’est pas une pratique anti-concurrentielle, autre chose est de dire qu’il ne comporte aucune restriction : notamment,la clause d’étanchéité limite la liberté des membres du réseau de revendre hors réseau. Cela pourrait entrer dans le champ d’application du texte.

•    Quelles sont les clauses visées dans le texte qui vont permettre de faire entrer le contrat dans le champ d’application de la loi :

o    Clause de non-concurrence et de non-affiliation pendant le contrat ou post-contractuelle = oui

2.1.3. Les incertitudes

Plusieurs incertitudes demeurent :

•    Quid si le contrat ne comporte qu’une clause restrictive ?

Le texte vise « L'ensemble des contrats […] ayant pour but commun l'exploitation de ce magasin et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice […] ».


•    Quid si un contrat comporte des clauses restrictives alors qu’un autre n’en contient pas ?

Le texte vise « L'ensemble des contrats […] ayant pour but commun l'exploitation de ce magasin et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice […] ».

•    Vise-t-on uniquement les clauses ayant pour objet de limiter la liberté d’exercice de l’exploitant ou aussi les clauses qui sans avoir cet objet, ont pour effet de limiter cette liberté d’exercice ?

Le texte vise les « clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice par cet exploitant de son activité commerciale ».


•    Les contrats qui comportent des « clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice par cet exploitant de son activité commerciale », doivent-ils avoir été contractés entre les mêmes parties ?

La notion d’ensemble contractuel inviterait à répondre non (ex. du crédit-bail).

Le texte semble cependant être clair sur le sens contraire : c’est l’ensemble des contrats conclus entre les deux parties rappelées ci-dessus.

A priori, il n’y aurait donc pas d’échéance commune dans l’hypothèse suivante :

o    1er contrat : un contrat de franchise conclu pour 10 ans avec une clause de non-concurrence post-contractuelle ;

o    2ème contrat : un contrat d’approvisionnement avec quota entre le franchisé et un fournisseur d’un produit utile pour son magasin (alors que cet approvisionnement exclusif n’est pas prévu par le contrat de franchise) ; contrat conclu pour 4 ans

La lettre du texte n’impose pas dans ce cas une échéance commune.

2.2.    Les contrats exclus
2.2.1. L’article L.341-1 du Code de commerce exclus expressément certains contrats : le contrat de bail, le contrat de coopération, le contrat de société civile ou commerciale, ou coopérative.

Le projet de loi Macron n’excluait au départ que le bail commercial, puis les autres exceptions ont été réintroduites, afin de ne pas sacrifier un modèle économique (notamment coopératif) sur l’autel de la régulation.

L’association est donc préservée (Ex : pour Intermarché : l’Union des Mousquetaires).

C’est également le cas des coopératives.

La loi perd donc de son effectivité.

2.2.2. Certains pourraient tenter de contourner le texte en mettant par exemple, la règle qui restreint la liberté commerciale de l’exploitant, dans le contrat de société.

Dans la franchise, le franchiseur pourrait prendre une petite participation dans le capital de la société franchisée et insérer ces clauses dans les statuts.

Il existerait cependant trois (3) risques :

•    un risque de concentration

Si, par exemple, la restriction empêche le changement d’enseigne, et que le franchiseur a ainsi un droit de véto sur cette décision d’exploitation cruciale, il y a contrôle. Si un seuil prévu par l’article L. 430-2, II, du Code de commerce est franchi, la concentration sera soumise à l’examen et à l’autorisation de l’Autorité de la concurrence.

Ex : dans une affaire n° 10-DCC-16 du 24 février 2010, l’Autorité de la concurrence a décrit un montage sociétaire réalisé, où le franchisé était une société dont le capital appartenait majoritairement à un couple de personnes physiques et très minoritairement au franchiseur (parfois une seule action, dite « de préférence »). Une clause des statuts indiquait que le minoritaire pouvait pendant une très longue durée (supérieure à quinze ans) bloquer tout changement d’enseigne, toute mutation d’actions et obliger les actionnaires majoritaires à céder le fonds de commerce s’ils exploitaient aussi un autre fonds de commerce.

Après analyse de ce montage, l’Autorité de la concurrence en a déduit que, malgré sa participation minoritaire, le franchiseur, pouvant ainsi influer sur des décisions stratégiques, exerçait un contrôle conjoint sur la société franchisée.

Dans un avis n° 10-A-26, l’Autorité est venue préciser que « dans certains cas », une prise de participation de blocage dans une société pourra être qualifiée d’opération contrôlable et sera examinée en tenant compte des clauses du pacte statutaire qui permettent au minoritaire d’exercer une influence déterminante sur l’affilié majoritaire, notamment les clauses d’enseigne et celles qui fixent une durée de la société telle que l’adhérent ne peut finalement jamais quitter le réseau.

•    un risque de déséquilibre significatif

La loi réserve ces contrats mais dans leur rôle normal. Si l’on introduit dans ces contrats des clauses afin de faire échapper ces contrats à la loi Macron, ce détournement de la finalité de l’exception, pourrait tomber sous le jeu du déséquilibre significatif

Il n’y a pas eu d’exemple pour l’instant pour un contrat de société.

•    si pas de pouvoir d’empêcher le changement d’enseigne, quid en cas de changement d’enseigne ?

Le franchiseur se retrouverait à avoir des parts dans une société franchisée qui a contracté avec une autre enseigne.

Peut-on l’en exclure ?

A priori non, sauf si une clause des statuts prévoit la possibilité d’exclusion de l’associé.

Par ailleurs, il existerait un risque d’échanges d’informations par ce biais entre concurrents et donc de pratique anti-concurrentielle.

3.    Les effets

3.1.    L’échéance commune
3.1.1. Principe

Les contrats « prévoient une échéance commune ».

Le législateur a abandonné in fine le fait que cette échéance soit plafonnée à neuf (9) ans, alors que cela pouvait restreindre les possibilités de crédit de l’exploitant.

Le but est d’éviter une prolongation artificielle des contrats qui peut s’apparenter à une restriction de la liberté d’entreprendre des exploitants de commerce de détail.

« Les articles L. 341-1 et L. 341-2 du Code de commerce visent à mettre un terme aux pratiques contractuelles des réseaux de distribution commerciale qui concluent avec les exploitants de commerce de détail qui leur sont affiliés des contrats différents n'ayant pas les mêmes durées, les mêmes échéances ou les mêmes conditions de résiliation, de sorte qu'il en résulte une prolongation artificielle des contrats qui peut s'apparenter à une restriction de la liberté d'entreprendre des exploitants de commerce de détail ; (Conseil constitutionnel, 5 août 2015, (considérant 24)).

Le texte n’interdit pas la tacite reconduction (ce que faisait le projet de loi Lefebvre).

Heureusement, entre professionnels, la tacite reconduction n’est pas une clause léonine.

3.1.2. Sanction

Si les contrats ne prévoient pas une échéance commune, la loi ne prévoit pas de sanction pécuniaire, mais elle prévoit que la résiliation d’un des contrats entraîne de plein droit la résiliation des autres.

3.1.3. Incertitudes
3.1.3.1. Le texte vise-t-il les contrats à durée déterminée ou aussi les contrats à durée indéterminée.

Au regard des termes « échéance commune », le texte devrait viser les contrats à durée déterminée. Cependant, pour certains, le texte vise les contrats à durée indéterminée que le texte parle de « résiliation ».

3.1.3.2. Le texte vise-t-il d’autres causes d’extinction que la résiliation ?

Le législateur parle de résiliation, qu’en est-il :
•    de la résolution ?
•    de la nullité d’un des contrats ?
•    du non-renouvellement, qui n’est pas juridiquement une résiliation ?
•    de la caducité d’un des contrats ?

Le texte nécessite une interprétation du juge sur ces points.

3.2.    Interdiction de principe des clauses post-contractuelles restrictives

L’article L 341-2 du Code de commerce prévoit : « I.- Toute clause ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite ».

Le texte vise les clauses ayant pour effet et non « pour objet », ce qui est donc plus large.

Le texte vise forcément d’autres clauses que celles qui sont validées par exception sous conditions.

•    Le texte vise-t-il les pactes de préférence ?

Le texte ne semble pas les viser. Le pacte ne restreint pas « la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant ». Il restreint son droit de vendre son fonds de commerce ou le terrain.

Il y a cependant une incertitude sur ce point.

On pourrait se poser la question d’inclure ce pacte dans le contrat de société, ou tout autre contrat exclu par le texte.

•    Le texte vise-t-il les clauses d’agrément ?

Certains franchisés se plaignent d’une expropriation de fait de leur clientèle par suite de refus abusifs d’agrément par les franchiseurs.

Pourtant, la jurisprudence a admis le contrôle de l’abus en cas de refus d’agrément dans le contrat de concession (Cass. com., 5 oct. 2004, n° 02-17.338, RDC 2005,
p. 384). Cette jurisprudence doit pouvoir s’appliquer à la franchise.

•    Le texte vise-t-il les clauses fixant des coûts de sortie ?

A la lecture du texte, il ne semble cependant pas que cette clause entre dans la catégorie des « clauses ayantpour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant » dans la mesure où :
o    d’une part, il n’y a pas dans ce cas échéance ou résiliation mais cession du contrat, sauf si défaut de cession par suite du refus d’agrément ;
o    d’autre part, tout se passe encore avant et non après l’extinction (dans les cas où une telle extinction a lieu).

•    Le texte vise-t-il les clauses fixant des coûts de sortie ?

A la lecture du texte « clauses ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat », la réponse semble négative dans la mesure où :

o    les clauses provoquent une dépense avant la sortie et non après ;

o    elles n’empêchent aucun exercice libre de l’activité commerciale.

Rappelons cependant que ces clauses étaient visées dans l’avis de l’Autorité de la concurrence du 7 décembre 2010.

La Cour de cassation pourrait faire une interprétation très large du texte et considérer que toute somme payée avant, diminue la trésorerie de l’exploitant après et entrave ainsi l’exercice de son activité commerciale ?

Cette interprétation irait vraiment trop loin, mais les juges sont très protecteurs depuis qu’ils veulent rééquilibrer le contrat.

Dans cette hypothèse, les clauses suivantes seraient visées :

o    les clauses de droit d’entrée à paiement différé

L’Autorité avait dénoncé les droits d’entrée à paiement différé, qui doivent être payés au jour où le contrat de franchise prend fin. Ces sommes peuvent avoir pour effet de dissuader l’affilié de quitter le réseau (Avis n°10-A-26, 7/12/2010, pt. 140).

Cependant si le droit d’entrée est à paiement échelonné, et qu’il reste la dernière année du contrat au maximum 20%, cela devrait être admis, car le projet Lefebvre avait été voté en ce sens par l’Assemblée nationale et le Sénat.

Un rapprochement peut être effectué avec :

- certaines remises de fin d’année conséquentes qui sont conditionnées à la persistance de l’enseigne au 31 décembre de l’année pour laquelle elles sont dues. Si le contrat de franchise a été conclu en janvier et n’est pas renouvelé, la perte n’est pas grande. Mais si le contrat de franchise a été conclu fin novembre, le franchisé perd, en ne renouvelant pas le contrat, le bénéfice d’une remise de fin d’année de onze (11) mois sur laquelle il comptait faire tout ou partie de sa marge.

- les clauses de restitution en nature des cuves imposées aux pompistes de marque par les compagnies pétrolières, à seule fin de les empêcher de rompre le contrat. En effet, alors même que les cuves enfouies dans le sol de la station-service n’avaient qu’une valeur devenue symbolique, les retirer obligeait à détruire la station-service, ce qui était une entrave à la rupture du contrat par les pompistes et ce qui a été qualifié d’entente par la Cour de cassation (Cass. com., 18 févr. 1992, JCP E 1992, II, n° 21897 et n MBT.).

- la clause de cessation des signes distinctifs dans les contrats : le fait de lui demander de cesser l’utilisation des signes distinctifs (ex : aménagements) ne pourrait-il pas être considéré comme empêchant économiquement le distributeur de changer d’enseigne et comme ayant un effet restrictif de concurrence.*

o    les clauses compromissoires

L’Autorité avait dénoncé le coût de sortie de certains réseaux de franchise liés aux clauses compromissoires mais elle n’était pas allée jusqu’à les interdire. L’Assemblée nationale ne les avait pas davantage annulées, mais le Sénat les avait réputées non écrites.

Ces clauses ne sont pas des « clauses ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat » mais nous ne sommes pas à l’abri d’une interprétation très large du juge sur ce point.

B.    Admission sous conditions des clauses de non-concurrence post-contractuelles : l’article L 341-2 du Code de commerce

1.    L’état du droit français avant la loi Macron

Avant la loi Macron, la validité des clauses de non-concurrence post-contractuelle était soumise au respect de plusieurs conditions cumulatives.

Ces conditions de validité n’étaient pas inscrites dans la loi mais dégagées par la jurisprudence :

Pour être valide, la clause de non-concurrence post-contractuelle devait être :

•    limitée dans l’espace ;
•    limitée dans le temps ;
•    nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise (ex : la protection du savoir-faire en franchise, d’informations confidentielles, de la clientèle dans la cadre d’une cession de fonds de commerce) ;
•    proportionnée à l’objet du contrat (Cass. com. 4/01/1994, D. 1994, jurisp. p. 205, obs. Y. Serra).

Ces conditions étaient soumises à l’appréciation des juges du fond. Le non-respect de ces conditions entrainait la prononciation de la nullité de la clause.

2.    L’article L.341-2 du Code de commerce introduit par la loi Macron

« I.- Toute clause ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite.

II.- Ne sont pas soumises au I du présent article les clauses dont la personne qui s'en prévaut démontre qu'elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :

1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l'objet du contrat mentionné au I ;

2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l'exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat mentionné au I ;

3° Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat mentionné au I ;

4° Leur durée n'excède pas un an après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1. »

2.1.    Une reprise des conditions posées par le droit communautaire

L’article L. 341-2 du Code de commerce ne fait que reprendre les quatre (4) conditions cumulatives posées par l’article 5, §3 du Règlement n°330/2010 du 20 avril 2010 relatif aux accords verticaux et pratiques concertées.

En droit communautaire, une clause de non-concurrence post-contractuelle est considérée comme licite si elles respectent les conditions cumulatives suivantes :

•    elle concerne des biens ou services en concurrence avec les biens ou les services contractuels ;
•    elle est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l’acheteur a exercé ses activités pendant la durée du contrat ;
•    elle est indispensable à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur à l’acheteur (les critères du savoir-faire ne sont pas directement visés dans la clause mais le règlement d’exemption définit le savoir-faire (secret, substantiel, identifié) ;
•    sa durée est limitée à 1 (un) an à compter de l’expiration de l’accord.

Faute de respecter ces conditions, la clause de non-concurrence est considérée comme ayant un effet anti-concurrentiel : elle révèle une entente susceptible de fausser la concurrence. L’accord ne peut donc être exempté par catégorie.

La clause n’encourt cependant pas automatiquement la nullité.

Le bénéficiaire de la clause peut bénéficier d’une exemption individuelle en démontrant l’absence d’effet anticoncurrentiel d’une telle clause.

Elle ne tombe sous le coup de l’article 101, paragraphe 1, du TFUE que si elle a pour objet ou pour effet de restreindre de manière sensible la concurrence dans le marché intérieur et si elle est de nature à affecter le commerce entre les Etats membres.

2.2. Une admission sous conditions

Par principe, le texte prévoit que les clauses post-contractuelles restreignant la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant insérées dans les contrats relevant du champ d’application de l’article L. 341-1 du Code de commerce, sont réputées non écrites.

Par exception, ces clauses sont cependant valides si elles respectent quatre (4) conditions cumulatives :

La clause doit :

•    concerner des biens et services en concurrence avec ceux qui font l'objet du contrat ;

Cette condition est conforme aux décisions rendues par les juges du fond.


•    être limitée aux terrains et locaux à partir desquels l'exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat ;

Cette condition est plus restrictive.

La Cour de Justice de l’Union Européenne considère que le membre de la phrase « locaux et terrains à partir desquels l’acheteur a opéré pendant la durée du contrat » vise « uniquement les lieux à partir desquels les biens ou services contractuels sont offerts à la vente et non pas l’ensemble du territoire dans lequel les biens ou services peuvent être vendus au titre d’un contrat de franchise » (CJUE, 7/02/2013, aff. C-117/12).

Jusqu’à présent les juges du fond admettait que l’interdiction de non-concurrence puisse être étendue à la zone d’exclusivité (CA Rennes, 17/01/2012, n°10/07801 ou à un rayon de plusieurs kilomètres autour du point de vente (Cass. com. 04/12/2007,  n°06-15137).

Favorisée par les exigences du droit communautaire, la Cour de cassation et les juges du fond ont eu tendance à restreindre l’étendue territoriale de la clause au territoire ayant fait l’objet d’une exploitation effective (Cass. com. 09/06/2009, n°08-14301).

Un seul arrêt avait retenu que la clause devait être limitée à l’agence où l’activité était exercée (Cass. com.03/04/2012, n°11-16301).

Le texte va poser des difficultés au regard de certaines activités de services ne nécessitant aucun local. (Ex : conseil en crédit) ou dans les cas où le changement de local est très aisé.

Cela revient à exclure la possibilité de prévoir une clause de non-concurrence post-contractuelle pour ces contrats de services alors même qu’un savoir-faire est transmis et nécessiterait d’être protégé postérieurement à la cessation du contrat.

Il convient d’attendre la position de la jurisprudence sur l’interprétation de ce texte mais il n’est pas à exclure que les juges interprètent cette condition à la lumière de la jurisprudence communautaire.

•    être indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat mentionné au I ;

Cette condition est plus restrictive : la jurisprudence pourrait exclure du bénéfice de l’exception les contrats ne comportant pas de transmission de savoir-faire.     

Les conditions de validité sont cumulatives : la clause de non-concurrence n’est valide que si elle est indispensable à la protection d’un savoir-faire substantiel, spécifique et secret.

Cette condition indique que le savoir-faire est transmis dans le cadre du contrat mentionné à l’article L. 341-1 du Code de commerce : sont notamment concernés les contrats relevant de l’article L. 330-3 du Code de commerce, c’est-à-dire les contrats par lesquels une personne met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité.

Rentrent dans cette catégorie les contrats de licence de marque, les contrats de concession.

Or, ces contrats ne comprennent pas une transmission de savoir-faire.

On peut donc se demander si l’on peut désormais valablement stipuler une clause de non-concurrence post-contractuelle dans les contrats de licence de marque ou de concession et si la stipulation d’une telle clause ne serait pas limitée aux contrats de franchise.

•    ne pas excéder un an après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1.
 
Cette condition est conforme aux décisions rendues par la jurisprudence : au regard des exigences du droit communautaire, une durée d’1 (un) an était fréquemment retenue pour les contrats de distribution (Cass. com. 09/06/2009, n°08-14301).

2.3.    Un renversement de la charge de la preuve

Jusqu’alors, il appartenait à celui qui souhaitait faire annuler une clause de non-concurrence ou une clause de non-réaffiliation de prouver qu’elle ne remplissait pas les conditions de validité (justification, limitation dans le temps et l’espace, proportionnalité).

L’article L. 341-2 du Code de commerce inverse la charge de la preuve puisqu’il prévoit expressément que « la personne qui s’en prévaut démontre qu’elles [les clauses] remplissent les conditions cumulatives ».

Cette inversion de la charge de la preuve est lourde de conséquence en pratique.

Cette inversion de la charge de la preuve devra être gérée dans le contrat pour se préconstituer la preuve, notamment de la justification.

ATTENTION

Entrée en vigueur des articles L. 341-1 et L. 341-2 du Code de commerce : un (1) an à compter de la promulgation de la loi : soit à partir du 6 août 2016.

Par ailleurs, le sujet des contrats d'affiliation n'est pas clos puisque la loi donne mission au Gouvernement de présenter, dans les quatre (4) mois de la promulgation de la loi, un rapport contenant des propositions en vue de renforcer la concurrence dans ce secteur.


II.    AUTRES DISPOSITIONS CONCERNANT LE DROIT DES PRATIQUES RESTRICTIVES DE CONCURRENCE

A.    Renforcement de la sanction des pratiques restrictives de concurrence

1. Avant la loi Macron, le montant de l’amende civile encourue en cas de mise en œuvre des pratiques listées à l’article L. 442-6 du Code de commerce était de 2 millions d’euros ou le triple du montant des sommes indûment versées.

L’amende civile pourra désormais être équivalente à 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques restrictives de concurrence ont été mises en œuvre. (art. L. 442-6 III C. com.).

On rappellera que l’article L. 442-6 du Code de commerce sanctionne un nombre très important de pratiques restrictives. Certaines pratiques restrictives nourrissent le contentieux de ces dernières années de manière significative :

-    le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ;
-    le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
-    le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Ce plafond a été voté sans discussion, les députés étant convaincus que toute augmentation des sanctions contre la grande distribution est salutaire.

En prévoyant une telle sanction, la loi Macron hisse les pratiques restrictives de concurrence au rang des pratiques sanctionnées par l’Autorité de la concurrence.

La Cour de cassation ayant jugé que l’auteur des pratiques était l’entreprise (Cass. com., 21 janv. 2014, n° 12-29166 sur le fondement de l’article L. 442-6 I 2° C. com.), cela pourrait être 5 % du chiffre d’affaires consolidé du groupe mais seulement en France

En pratique : en prenant le chiffre d’affaires consolidé réalisé par le groupe Carrefour en 2014 (http://www.carrefour.com/sites/default/files/Communique_Carrefour_T4_2014_16012015_1.pdf), 5 % de son chiffre d’affaires représenterait 1.983.400 000.euros, soit presque 2 milliards d’euros, pour la France.

Le texte ne prévoit cependant aucun critère légal pour l’appréciation du montant de la sanction.

Un arrêt rendu le 1er juillet 2015 a estimé que l’amende civile dépend de la gravité de la faute et du dommage à l’économie (comme en antitrust) mais rien ne permet d’affirmer cela.

Les juges n’ayant aucun moyen pour prononcer l’amende justement (aucune étude économique), on peut se demander comment les juges vont-ils apprécier le dommage à l’économie d’une telle pratique.

2. Les garde-fous

•    seuls le Ministre chargé de l’économie (dont la DGCCRF) et le Ministère public peuvent demander aux juges de condamner une entreprise à une amende civile ;

•    le texte ajoute « de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement ».

Cela signifie-t-il que cela doit être égal au profit illicite, ou que cela peut être un multiple de ce profit illicite,  dans une mesure de grandeur à apprécier souverainement  par le juge ?

C’est assez confus, car le juge peut déjà condamner au triple du montant des sommes indûment versées (ce qui équivaut à 3 fois le montant des avantages tirés du manquement).

Cela n’apporterait rien au texte si le nouveau texte signifiait un plafond de 5% du chiffre d’affaires France, dans la limite du profit illicite.

3.    Incertitude

Le texte n’est pas clair par rapport au plafond existant.

Le législateur a cependant montré sa volonté d’augmenter l’amende civile.

Donc cela pourrait être interprété, comme permettant :

•    3 fois les avantages retirés, sans autre plafond ;
•    ou plus encore, 4, 5 fois les avantages retirés avec le plafond de 5% du chiffre d’affaires.

Pour l’instant, les juges ne sont pas allés au-delà de 2.000.000 d’euros.

B.    La révision pour imprévision élargie aux marques de distributeur

fluctuation du prix des matières premières pour certains produits listés par décret, sous peine d’une amende administrative pouvant aller jusqu’à 375.000 euros pour les personnes morales.

Ce dispositif est étendu aux produits MDD (marque de distributeur) : « Le présent article est également applicable aux contrats d'une durée d'exécution supérieure à trois mois portant sur la conception et la production, selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l'acheteur, de produits mentionnés au premier alinéa. ».

En pratique :

Les contrats de production d’achats des produits sous marque de distributeurs entreront dans le périmètre d’application de la clause dès lors qu’ils portent sur les produits de l’alinéa 2 de l’article L. 442-9 du Code de commerce et figurant dans la liste déjà fixée par décret, c’est-à-dire certains produits agroalimentaires spécifiques. (Ex : produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses ; produits de l'aquaculture ; produits alimentaires de consommation courante issus de la première transformation de ces produits).

Il ne s’agit pas d’élargir la clause et la procédure de renégociation des prix dans tous les contrats de marque de distributeurs, tous secteurs confondus.

C.    La convention unique conclue avec des grossistes assouplie

L’Assemblée nationale avait introduit en première lecture un nouvel article dont l’objet était d’exclure les grossistes du champ d’application de la convention annuelle de l’article L. 441-7 du Code de commerce dans leurs relations amont avec les fournisseurs.

A cette occasion, les députés avaient envisagé́ que l’article L. 441-7 du Code de commerce ne soit applicable qu’aux seuls distributeurs de commerce de détail définis comme un « distributeur effectuant pour plus de la moitié de son chiffre d’affaires de la vente de marchandises à des consommateurs pour un usage domestique, ou de la centrale d’achat ou de référencement d’entreprises de ce distributeur ».

1.    Une définition de la notion de grossiste

La loi Macron introduit un article L. 441-7-1 dans le code de commerce qui définit la notion de grossiste comme « toute personne physique ou morale qui, à des fins professionnelles, achète des produits à un ou plusieurs fournisseurs et les revend, à titre principal, à d'autres commerçants, grossistes ou détaillants, à des transformateurs ou à tout autre professionnel qui s'approvisionne pour les besoins de son activité ».

Sont assimilés à des grossistes, au sens du texte, les centrales d'achat ou de référencement de grossistes.

Sont exclus de la notion de grossiste les entreprises ou les groupes de personnes physiques ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale d'achat ou de référencement pour des entreprises de commerce de détail.

2.    Le contenu de la convention unique conclu entre un fournisseur et un grossiste

2.1. Contenu identique à l’article L.441-7 du Code de commerce

Comme la convention annuelle de l’article L. 441-7, une convention écrite (prenant la forme soit d’un document unique, soit d’un contrat-cadre annuel), signée avant le 1er mars (ou dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier), fixera les obligations auxquelles se sont engagées les parties, c’est- à-dire :

-    les conditions de l’opération de vente telles que les remises et ristournes relevant des CGV/ CCV et CPV ;
-    les prestations de service de coopération commerciale ; et
-    les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le grossiste.

2.2. Différences entre les articles L. 441-7 et L. 441-7-1 du Code de commerce

Le contenu de la convention unique est cependant assoupli dans la mesure où, à la différence de l’article L. 441-7 du Code de commerce :

-    le barème de prix et les conditions générales n’auront pas à être annexés à la convention annuelle ;

-    les conditions générales ne devront pas nécessairement être transmises avant le 1er décembre de l’année n-1 ;

-    le prix convenu pourrait être appliqué à une date postérieure au 1er mars ; la date d’application du nouveau tarif et d’octroi des différentes réductions de prix pourra être antérieure ou postérieure à la date d’effet du prix convenu.

En effet, à la différence de l’article L. 441-7 du Code de commerce, l’article L. 441-7-7 du Code de commerce ne comprend pas les phrases « Les obligations relevant des 1° et 3° concourent à la détermination du prix convenu. Celui-ci s'applique au plus tard le 1er mars. La date d'entrée en vigueur des clauses prévues aux 1° à 3° ne peut être ni antérieure ni postérieure à la date d'effet du prix convenu. ».

-    le nouvel article L. 441-7-1 du Code de commerce dispose que la convention écrite fixera « le cas échéant, les types de situation et les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l’opération de vente sont susceptibles d’être appliquées ».

Le fournisseur et le grossiste auront donc la possibilité de convenir ponctuellement de conditions tarifaires plus favorables permettant à ce dernier d’accorder, à son propre client, un prix de vente plus faible.

3. L’existence d’une contradiction ?

On pourrait se demander s’il existe une contradiction avec l’article L. 442-6, I, 12° du Code de commerce qui sanctionne le fait « 12° De passer, de régler ou de facturer une commande de produits ou de prestations de services à un prix différent du prix convenu résultant de l'application du barème des prix unitaires mentionné dans les conditions générales de vente, lorsque celles-ci ont été acceptées sans négociation par l'acheteur, ou du prix convenu à l'issue de la négociation commerciale faisant l'objet de la convention prévue à l'article L. 441-7, modifiée le cas échéant par avenant, ou de la renégociation prévue à l'article L. 441-8. ».

La réponse est négative, sinon cette réforme serait totalement inefficiente.

En outre, le texte ne vise que le prix convenu à l’article L. 441-7 et non le prix convenu à l’article L. 441-7-1.

Le texte aurait été mieux rédigé s’il avait été expressément prévu que
l’article L 442-6, I, 12° du Code de commerce ne s’applique pas à cette situation.

D.    Modifications des dispositions de l’article L. 441-6 du Code de commerce relatives aux délais de paiement

1. Avant la loi Macron, le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne pouvait dépasser 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture.

Pour certains secteurs présentant un caractère saisonnier particulièrement marqué de leurs ventes, les parties pouvaient bénéficier, à titre transitoire, de dérogations à ce principe, dans le cadre d'accords interprofessionnels conclus par tous les acteurs d'une même filière.


2. L'article 46 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (loi Macron) est venu poser un principe et une dérogation :

-    en principe : 60 jours à compter de la date d’émission de la facture
-    par dérogation : 45 jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier.

« Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture. »

En pratique : on peut donc arriver à plus de 60 jours.

Si la facture émise le 20 mai est payable à 45 jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture, le règlement peut intervenir jusqu’au 31 juillet.

3. Le texte ajoute que le délai ne doit pas constituer « un abus manifeste à l’égard du créancier ».

Cette modification a pour but de se mettre en conformité avec la directive européenne sur les délais de paiement mais cet ajout risque d’être un facteur d’insécurité juridique.

Par ailleurs, cet article est venu pérenniser le régime dérogatoire pour les secteurs à saisonnalité marquée.

4. Un décret n°2015-1484 du 16 novembre 2015 (JORF 17/11/2015) est venu introduire un article D.441-5-1 dans le code de commerce fixant la liste des secteurs d'activité présentant un caractère saisonnier particulièrement marqué ainsi que les délais dérogatoires pour les secteurs suivants :

Secteur de l'agroéquipement : pour les ventes de matériels d'entretien d'espaces verts et de matériels agricoles à l'exception des tracteurs, matériels de transport et d'élevage, entre, d'une part, les industriels de l'agroéquipement, constructeurs et importateurs, et, d'autre part, les entreprises de distribution spécialisées et de réparation, le délai de paiement convenu par les parties ne peut dépasser : (i) 55 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture pour les matériels d'entretien d'espaces verts ; (ii) 110 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture pour les matériels agricoles.

Secteur des articles de sport : pour les ventes d'équipements nécessaires à la pratique des sports de glisse sur neige entre les fournisseurs et les entreprises dont l'activité est exclusivement ou quasi exclusivement saisonnière, un délai supplémentaire de 30 jours peut être ajouté au délai prévu au neuvième alinéa du I de l'article L.441-6 pour le règlement du solde des factures relatives à des livraisons effectuées avant l'ouverture de la saison d'activité.

Secteur de la filière du cuir : pour les ventes entre les fournisseurs et les distributeurs spécialisés, le délai de paiement convenu par les parties ne peut dépasser 54 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture.

Secteur de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie et de l'orfèvrerie :pour les ventes entre, d'une part, les fournisseurs, fabricants, importateurs ou grossistes et, d'autre part, les distributeurs spécialisés, au titre de leur activité au sein d'un point de vente ou dans le cadre de leur activité de vente à distance ou les centrales d'achat dont l'activité principale est de revendre des produits de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie et de l'orfèvrerie à des distributeurs spécialisés, le délai de paiement convenu par les parties ne peut dépasser 59 jours fin de mois ou 74 jours nets à compter de la date d'émission de la facture.

Secteur du commerce du jouet :
pour les ventes entre les fabricants et les distributeurs spécialisés, le délai de paiement convenu par les parties ne peut dépasser : (i) pour la période « du permanent » s'étendant du mois de janvier au mois de septembre inclus, 95 jours nets à compter de la date d'émission de la facture ; (ii) pour la période de fin d'année, s'étendant du mois d'octobre au mois de décembre inclus, 75 jours nets à compter de la date d'émission de la facture.

Ces dispositions sont en vigueur depuis le 1er janvier 2016.

III.    DISPOSITIONS DE DROIT DES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES ET DES CONCENTRATIONS

A.    La transaction remplace la non-contestation des griefs

1.    Le manque de prévisibilité de l’ancienne procédure

Quand le rapporteur notifie à une entreprise une entente ou un abus de position dominante, elle peut choisir de ne pas contester les griefs (surtout si elle sait que les preuves sont accablantes) et de discuter uniquement de la sanction.

Le défaut essentiel de l’ancienne procédure de non-contestation des griefs tenait au manque de visibilité sur le montant de la sanction. L’entreprise négociait un pourcentage de réduction sur une sanction qu’elle ne connaissait pas.

L’exposé des motifs du projet de loi soulignait le manque de prévisibilité de l’ancienne procédure et la nécessité d’inciter davantage les entreprises à entrer en négociation avec l’Autorité de la concurrence qui attendent des gains procéduraux évidents.

2.    Nouveau dispositif prévu par l’article L.464-2, III, du Code de commerce

2.1. Le nouveau dispositif de transaction, qui remplace la non-contestation des griefs, remédie à cette imprévisibilité.

Lorsque l'entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut désormais lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Si l'entreprise l'accepte, le rapporteur général propose à l'Autorité de prononcer une sanction dans les limites ainsi fixées.

La sécurité juridique n’est pas cependant pas absolue, la loi ne disant rien sur les conséquences d'une décision du collège de s’écarter de cette proposition.

Mais une telle décision devrait logiquement entrainer un renvoi à l'instruction comme le prévoit le communiqué de procédure du 10 février 2012 relatif à la non-contestation des griefs.

2.2. La loi ne prévoit la possibilité d'une transaction ne portant que sur certains griefs parmi ceux notifiés.

Il faut plutôt considérer que ce n’est pas possible. Les travaux parlementaires sont en ces sens. Le Sénat avait introduit cette faculté et les députés l’ont supprimée.

2.3. Le nouveau dispositif ne joue que si l’entreprise s’engage à ne pas contester les griefs.

L’entreprise doit s’engager, dans des termes clairs, complets, dépourvus d’ambigüité et inconditionnels, à ne contester ni la réalité de l’ensemble des pratiques en cause, ni la qualification juridique qu’en donnent les services d’instruction au regard des dispositions pertinentes du Code de commerce et du TFUE, ni leur imputabilité.

La renonciation à contester la réalité des pratiques en cause doit porter à la fois sur les faits constitutifs de ces pratiques, sur leur objet et leurs effets anticoncurrentiels, sur leurs caractéristiques, sur leur durée et sur les modalités de participation de l’intéressé aux pratiques.

La renonciation à contester les griefs implique aussi que l’entreprise ne conteste pas la validité de la notification des griefs, eu égard notamment aux règles relatives à la compétence de l’Autorité et à la procédure menant à cette notification. En fait, l’entreprise ne discute plus que la sanction.

L'entreprise a tout intérêt à s'engager à modifier son comportement, car le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction.

La transaction sera un meilleur instrument que la procédure de non-contestation des griefs pour faire diminuer la sanction quand il n’y a pas d’argument sérieux à développer sur la réalité de la pratique anticoncurrentielle.

2.4. Les modifications apportées par la loi Macron sont applicables aux procédures pour lesquelles les griefs ont été notifiés après la publication de la loi.

B.    La procédure de clémence est simplifiée

La procédure de clémence est également simplifiée : les services d’instruction pourront ne pas adresser de rapport à une entreprise demanderesse de clémence comme ils en ont déjà la possibilité vis-à-vis des entreprises qui ne contestent pas les griefs (ou qui à présent transigent).

Les modifications apportées par la loi Macron sont applicables aux procédures pour lesquelles les griefs ont été notifiés après la publication de la loi.

C.    L’information préalable de l’Autorité de la concurrence en cas de rapprochement de centrales

La procédure de clémence est également simplifiée : les services d’instruction pourront ne pas adresser de rapport à une entreprise demanderesse de clémence comme ils en ont déjà la possibilité vis-à-vis des entreprises qui ne contestent pas les griefs (ou qui à présent transigent).

Les modifications apportées par la loi Macron sont applicables aux procédures pour lesquelles les griefs ont été notifiés après la publication de la loi.

C.    L’information préalable de l’Autorité de la concurrence en cas de rapprochement de centrales

Fin 2014, trois rapprochements d'envergure sont intervenus entre des centrales d'achat ou de référencement dans le secteur de la grande distribution.

Ces rapprochements étaient non contrôlables au titre du droit des concentrations.

Sur saisine du Ministre de l’Economie, l’Autorité de la concurrence a rendu un avis n°15-A-06 du 31 mars 2015 relatif au rapprochement des centrales d’achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution.

L'Autorité avait notamment préconisé la mise en place d'un dispositif d'information préalable de ce type d'opérations lui permettant de contrôler leur conformité aux règles de concurrence.

2. L’article 37 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite loi Macron) est venu insérer un nouvel article L. 462-10 du Code de commerce instituant ce dispositif.

Tout accord « visant à négocier de manière groupée l'achat ou le référencement de produits ou la vente de services aux fournisseurs »,  conclu entre des entreprises de commerce de détail (ou groupements de commerçants indépendants), y compris entre des centrales d'achat ou de référencement, devra être communiqué à l'Autorité de la concurrence pour information deux mois avant sa mise en œuvre.

L’alinéa 2 de ce nouvel article précisait toutefois que cette obligation ne s’appliquerait que si les parties à l’accord atteignent certains seuils de chiffre d’affaires qui seront fixé par décret.

Quid si cet accord de regroupement concerne en partie des centrales « étrangères » ? Une interprétation du texte sur ce point serait nécessaire.

3. Un décret n°2015-1671 du 14 décembre 2015 (JO 16/12/2015) est venu introduire un article R. 462-5 du Code de commerce déterminant ces seuils de chiffres d’affaires.

Cet article prévoit que l'Autorité de la concurrence doit être informée de façon préalable des accords d'achats groupés mentionnés au premier alinéa de l'article L.462-10 lorsque deux conditions sont réunies :

-    le chiffre d'affaires total mondial hors taxes de l'ensemble des entreprises ou des groupes de personnes physiques ou morales parties à de tels accords est supérieur à 10 milliards d'euros ;
 
-    le chiffre d'affaires total hors taxes réalisé à l'achat en France dans le cadre de ces accords par l'ensemble des entreprises ou des groupes de personnes physiques ou morales parties à de tels accords est supérieur à 3 milliards d'euros. Le texte précise par ailleurs que pour l’appréciation de ce seuil, deux ou plusieurs accords conclus au cours d'une période de deux années entre les mêmes entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales sont considérés comme un seul accord intervenant à la date du premier.

Ces dispositions sont en vigueur depuis le 1er janvier 2016.

D.    L’injonction structurelle sans faute invalidée par le Conseil Constitutionnel

Dans son avis n° 12-A-01 du 11 janvier 2012 relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris, l’Autorité de la concurrence avait constaté qu’elle ne disposait pas de réels moyens d’intervention lorsque les préoccupations de concurrence identifiées résultent des structures de marché et non des comportements des opérateurs.

Certes, il existait à l’article L.725-26 du Code de commerce une injonction structurelle, mais elle ne s’appliquait qu’en cas de comportement abusif de l’opérateur.

L’Autorité de la concurrence a appelé de ses vœux que le législateur lui donne un pouvoir d’injonction structurelle en dehors de tout comportement fautif.

Elle l’a obtenue dans les marchés d’outre-mer, qui souffrent d’un déficit de concurrence (Loi outre-mer du 20 novembre 2012 et loi du pays de Nouvelle-Calédonie du
25 juin 2013).

Mais, lors du vote de la loi Macron, le gouvernement a souhaité étendre ce pouvoir d’injonction structurelle à l’ensemble du territoire dont elle ne pouvait faire usage que dans les département et régions d’outre-mer et collectivités d’outre-mer à l’encontre des entreprises ou groupes d’entreprises du commerce de détail dominants et dont la position soulevait des préoccupations au regard de la concurrence, du fait des prix ou des marges élevés.
Avec la loi Macron, l’Autorité de la concurrence pouvait exercer ses pouvoirs d’injonctions en cas d’existence d’une position dominante et de détention par une entreprises ou un groupe d’entreprises exploitant un ou plusieurs commerce de détail d’une part de marché supérieure à 50%, si elle constatait :

•    une atteinte à la concurrence effective dans la zone considérée,
•    que cette atteinte se traduisait, dans la même zone, des prix ou des marges élevés pratiqués par l’entreprise ou le groupe d’entreprise en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné.

Elle pouvait ainsi contraindre une enseigne à revendre un magasin y compris les murs, en cas de position dominante supérieure  à 50% de parts de marché dans une zone de chalandise déterminée.

Une grande partie de la doctrine s’est opposée à cet instrument de régulation tout à fait exorbitant, et qui annihile toute concurrence par les mérites.

Seul l’abus de position dominante doit est interdit, et non la position dominante elle-même.

Le Sénat avait voté le texte en ajoutant la nécessité « de prix ou de marges élevées » au lieu des seules marges élevées, et en renforçant le caractère contradictoire de la procédure.

Mais cela n’a pas suffi.

Le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 5 août 2015 a censuré l’injonction structurelle sans faute en raison de :

•    l’atteinte disproportionnée portée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre ;
•    le dispositif trop général : la loi ne définit pas les secteurs concernés, ce qui fait peser une menace sur l’ensemble du secteur de la distribution, alors que des problèmes existent simplement dans la distribution alimentaire ;
•    les contraintes trop forte sur les entreprises qui peuvent être contraintes de céder des actifs alors qu’elles n’ont commis aucun abus.

E.    Le renforcement des pouvoirs des enquêteurs

Les enquêteurs pourront :

•    exiger la communication et obtenir copie de documents professionnels « de toute nature », et « entre quelques mains qu’ils se trouvent » ;
•    la mise à disposition des moyens indispensables pour effectuer leurs vérifications (art.  L. 450-3 C. com.).

En revanche, le Conseil Constitutionnel a censuré la disposition qui permettait aux enquêteurs d’obtenir les fadettes (les factures téléphoniques détaillées), faute de garanties prévues par la loi caractérisant une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.

F.    L’extension des motifs de rejet par l’Autorité de la concurrence des saisines contentieuses aux pratiques anticoncurrentielles locales

Il est inséré un alinéa à l’article L. 462-8 du Code de commerce afin de prévoir un autre motif de rejet de la saisine par l’Autorité de la Concurrence : lorsque les faits invoqués peuvent être traités par le Ministre chargé de l'économie en application de l'article L. 464-9, c’est-à-dire les saisines relatives à des pratiques anticoncurrentielles mineures, dont l’effet est purement local.

G.    Modifications mineures du droit du contrôle des concentrations

•    Modification du second seuil de contrôlabilité des opérations de concentration Outre-mer : Désormais, le franchissement du seuil de 15 millions d’euros (ou de 5 millions d’euros dans le secteur du commerce de détail) est apprécié individuellement par les entreprises concernées dans l’ensemble des départements et collectivités d’outre-mer et non plus dans chacun de ces territoires pris isolément.

•    Caducité de la dérogation accordée à l’effet suspensif de la notification des opérations de concentration : l’article L. 430-4 du Code de commerce prévoit que les parties qui ont procédé à la notification peuvent demander à l'Autorité de la concurrence une dérogation leur permettant de procéder à la réalisation effective de tout ou partie de la concentration sans attendre sa décision.

Il est ajouté que cette dérogation peut être assortie de conditions et que cette dérogation cesse d’être valable si dans un délai de trois mois à compter de la réalisation effective de l'opération, l'Autorité de la concurrence n'a pas reçu la notification complète de l'opération.  

•    Introduction d’un mécanisme de « stop the clock » en phase I : la suspension des délais d’examen sera possible dès la phase I lorsque les parties ne répondent pas dans le délai imparti aux demandes d’information de l’Autorité (c’est le cas devant la Commission européenne)  

•    Extension de la durée de la procédure en phase II : Un délai supplémentaire existait déjà en phase II en cas de réception tardive d’engagements moins de vingt jours ouvrés avant la fin du délai d’examen.

Il est précisé désormais que cette prorogation des délais trouve à s’appliquer pour tout dépôt d’engagements mais également « pour toute modification apportée à ceux-ci ».

Le délai maximum d’examen de l’opération est ainsi fixé à 85 jours ouvrés après l’ouverture de l’examen approfondi lorsque des engagements sont présentés juste avant la fin de la phase 2 (moins de 25 jours avant l’expiration du délai initial de 65 jours ouvrés) et qu’aucune procédure de stop the clock n’a été mise en œuvre.

•    Nouvelle sanction de l’Autorité de la concurrence : Manquement à un engagement ou à une injonction qui conditionnait l’autorisation de l’opération : l’Autorité pourra adopter une nouvelle injonction sous astreinte

Cas des engagements ou injonctions qui, avec le temps, ont été privés d’objet : l’Autorité pourra  y substituer des remèdes pertinents

Sans avoir recours à une décision de retrait d’autorisation (ex. affaire Canal+ en 2011)

Pour mémoire, le Ministre de l'économie disposera d'un pouvoir identique lorsqu'il constatera que des parties n'ont pas respecté́ les mesures assortissant une autorisation donnée par lui en application de l'article L. 430-7-1 du Code de commerce (évocation d'une affaire à l'issue d'une phase II).

Mais il ne l’a jamais évoqué depuis la loi LME de 2008.

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