Distribution sélective et marketplaces : interprétation de la DG concurrence sur l’arrêt Coty
lundi 16 avril 2018

Distribution sélective et marketplaces : interprétation de la DG concurrence sur l’arrêt Coty

À l’occasion de la publication du dernier numéro de la « Competition policy brief », la Direction Générale de la concurrence a donné sa lecture de l’arrêt rendu par la CJUE le 6 décembre 2017.

Dans son Rapport final relatif à l’enquête sectorielle sur le commerce électronique, publié le 10 mai 2017, la Commission européenne souligne l’importance du rôle des marketplaces pour les revendeurs de petite et moyenne taille et relève que 31% des distributeurs vendent aussi bien via leur site Internet que via les marketplaces Internet et seulement 4% des distributeurs vendent exclusivement leurs produits via les marketplaces. 35% des distributeurs ont donc recours aux marketplaces, soit exclusivement, soit parallèlement à leur propre site.  

Selon le rapport, 18% des distributeurs sont liés à leur fournisseur par des contrats contenant des restrictions quant à l’utilisation de marketplaces pour la revente des produits contractuels.  

Il est intéressant de noter que la proportion de distributeurs soumis à des restrictions contractuelles sur le recours aux marketplaces varie selon les Etats Membres ; l’Allemagne (32%) et la France (21%) étant en tête.  


S’est alors posée la question de savoir si les restrictions contractuelles limitant la capacité des distributeurs à vendre les produits contractuels via les places plates-formes en ligne sont compatibles avec les règles de concurrence européennes.  

On se souvient que la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit le 6 décembre 2017 que la clause par laquelle un fournisseur de produits de luxe interdit à ses distributeurs agréés de vendre ses produits sur des plateformes opérant de façon visible, de type Amazon ou eBay, ne tombait pas, sous réserve des conditions posées par la jurisprudence, sous le coup de l’interdiction des ententes (voir notre article sur l'arrêt Coty du 6 décembre 2017). 

L'objectif de cette policy brief est de donner l'interprétation de la DG Concurrence sur les réponses apportées par la CJUE dans cet arrêt Coty. 

1) Concernant la première conclusion de l’arrêt Coty, à savoir la licéité du réseau de distribution sélective de produits de luxe 

La CJUE dit pour droit que la nécessité de la mise en place d’un réseau de distribution sélective pour des produits de luxe résulte directement (i) non seulement des caractéristiques matérielles desdits produits, (ii) mais également de l’allure et de l’image de prestige qui leur confèrent une sensation de luxe. Or, cette sensation de luxe constitue un élément essentiel des produits car elle permet aux consommateurs de les distinguer des autres produits semblables. Ainsi, il est nécessaire de préserver cette sensation de luxe dans la mesure où elle détermine la qualité même de ces produits.  

La DG concurrence rappelle que les systèmes de distribution sélective conformes à l'article 101, § 1, TFUE peuvent également être exploités pour d'autres catégories de produits que le luxe, comme la Cour l'a reconnu dans des arrêts antérieurs concernant des produits de « haute qualité » et de « haute technologie ».  

Selon la Commission, l’arrêt Coty ne fait qu’appliquer la jurisprudence Metro I (CJUE, 25 octobre 1977, affaire 26-76) en précisant qu'un système de distribution sélective conforme à l'article 101, § 1, TFUE peut être mis en place pour des produits de luxe afin de préserver l'image de luxe de ces produit dès lors que :  

  1. le choix des revendeurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs et appliqués de façon non discriminatoire, 
  2. que les propriétés du produit en cause nécessitent, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage, un tel réseau de distribution, et 
  3. que les critères définis n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire. 

Par ailleurs, notons qu’en réponse à l’argument soulevé par le distributeur dans l’arrêt Coty selon lequel la jurisprudence Pierre Fabre avait considéré que l’image de prestige des produits en cause ne justifiait pas l’instauration d’un système de distribution sélective, la CJUE avait précisé que : 

« dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, la juridiction de renvoi s’interrogeait sur la conformité, au regard de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, non pas d’un système de distribution sélective pris dans sa globalité, mais d’une clause contractuelle particulière imposée à des distributeurs agréés, dans le cadre d’un tel système, portant interdiction absolue de vendre sur Internet les produits contractuels. Il y a lieu de préciser également que les produits visés par le système de distribution sélective en cause dans ladite affaire étaient non pas des produits de luxe, mais des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle. » (point 32, souligné et surligné par nos soins).

Concernant cette précision apportée par la CJUE, la DG Concurrence considère que la différenciation entre produits de luxe (en cause dans cette affaire) et produits cosmétiques et d'hygiène corporelle (en cause dans l'affaire Pierre Fabre) devrait en pratique être d’une pertinence limitée, dès lors qu’une délimitation claire entre les uns et les autres ne sera dans la plupart des cas ni possible ni nécessaire, car des produits de haute qualité et de haute technologie peuvent également bénéficier d'une distribution sélective conforme à l'article 101, § 1, du traité FUE, sous réserve que les critères Métro soient remplis. 

2) Concernant la deuxième conclusion de l’arrêt Coty, à savoir  la licéité de la clause contractuelle interdisant le recours à la vente des produits agréés sur des plateformes tierces non agréés 

La CJUE dit pour droit que l’article 101§1 TFUE ne s’oppose pas à une clause contractuelle interdisant aux distributeurs agréés de recourir à un système de distribution sélective de produits de luxe dès lors qu’elle : 

  1. vise à préserver l’image de luxe des produits concernés, 
  2. est objective et uniforme et s’applique sans discrimination à l’égard de tous les distributeurs agréés, et
  3. est proportionnée au regard de l’objectif poursuivi (réserver l’image de luxe de ces produits). 

C’est à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont remplies. 

Sur ce point, la Commission relève que l'arrêt Coty n'exclut pas que les interdictions de vente via les places de marché dans les accords de distribution sélective pour d'autres catégories de produits tels que les produits de « haute qualité » ou de « haute technologie » puissent également être conformes à l'article 101, § 1, du TFUE si les critères sont respectés. 

Selon la DG concurrence, la question de l’interdiction de revente sur des plateformes devra être analysée au cas par cas en tenant compte de l'objectif poursuivi par une telle restriction et des considérations exprimées par la Cour en ce qui concerne l'opportunité et la proportionnalité d’une telle restriction, au regard des catégories de produits concernés. Elle observe à cet égard que certaines considérations de la Cour sur ce point semblent s'appliquer également à la distribution de ces autres catégories de produits. 

Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi conclurait que la clause litigieuse tombe sous l’interdiction des ententes prévue par le droit de l’Union européenne, la CJUE observe que cette clause pourra vraisemblablement bénéficier de l’exemption catégorielle prévue par le règlement 330/2010.  

En effet, selon la CJUE, ladite clause ne constitue : 

  • ni une restriction des ventes passives aux utilisateurs finals  
  • ni une restriction de clientèle

Toutefois, la Commission relève qu’à la différence de l'avocat général Wahl, qui s’est positionné expressément sur la question de savoir si les interdictions de vente via les plateformes de constituaient ou non des « restrictions par objet », la Cour ne s’est pas  explicitement prononcée sur ce point. 

Elle estime toutefois qu’à la lumière des conclusions de la CJUE, selon laquelle les interdictions de la vente des produits contractuels via une place de marché ne constituent ni une restriction des ventes passives ni une restriction à la clientèle, elles ne sauraient être qualifiée de restriction caractérisée dans le cadre du règlement n° 330/2010.  

En outre, la DG concurrence considère que dès lors que la question de savoir si une telle interdiction a pour objet de restreindre le territoire ou la clientèle auxquels le distributeur peut vendre ses produits ou si elle limite les ventes passives du distributeur ne peut dépendre de la nature du produit concerné, les interdictions de revente sur des marketplaces ne constituent donc pas une restriction caractérisée dans le cadre du règlement n° 330/2010, quelle que soit la catégorie de produits concernée. 

En conclusion, afin de déterminer s’il est possible d’insérer dans un contrat de distribution sélective une clause interdisant la revente des produits contractuels via une plateforme, il conviendra : 

  • d’abord d'établir si cette clause échappe à l’application de l’article 101§1 TFUE en s’assurant que cette clause respecte les critères posés par la jurisprudence Metro. 
  • A défaut, 
    • Il conviendra de déterminer si cette clause constitue une restriction de concurrence au sens de l’article 101 TFUE ; si les parts de marché des parties sont supérieures au seuil de 30% retenu par l’article 3 du règlement n°330/2010.
    • Dans le cas où les parts de marché des parties sont inférieures au seuil de 30%, les interdictions de la vente des produits contractuels via des plateformes opérant de façon visible sont exemptées dès lors que la CJUE a dit pour droit que de telles interdictions ne constituaient pas des restrictions caractérisées au sens des articles 4 (b) ou 4 (c) du règlement n° 330/2010 (restrictions des ventes passives et de clientèle).
   

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