Réforme des sûretés : Impact sur les garanties spéciales sur le fonds de commerce
lundi 6 décembre 2021

Réforme des sûretés : Impact sur les garanties spéciales sur le fonds de commerce

C’est à nouveau par voie d’ordonnance que le droit des sûretés a été réformé. 

Le délai pour adopter cette ordonnance a été prorogé de quatre mois  (article 14  de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020). Préalablement, un avant-projet avait été présenté (M. Grimaldi, D. Mazeaud et P.Dupichot, « Présentation d’un avant-projet de réforme du droit des sûretés», D. 2017, p. 1717 et s.), et deux consultations publiques avaient été organisées en 2019 et 2020.  Cela démontre à quel point cette réforme des sûretés était complexe   et cela d’autant plus que l’ordonnance est parue le même jour qu’une autre ordonnance relative au droit des procédures collectives.

La réforme porte essentiellement sur les textes du code civil relatifs au cautionnement et aux sûretés réelles. Cependant, l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 impacte aussi certaines dispositions du code de commerce, et en particulier celles relatives aux garanties liées au fonds de commerce (voir l’article 27 de l’ordonnance).

L’entrée en vigueur des modifications sera fixée par décret à une date qui ne pourra être postérieure au 1er janvier 2023.  

Nous aborderons successivement les modifications apportées au privilège du vendeur de fonds de commerce (1), puis au nantissement du fonds de commerce (2). Nous évoquerons en dernier lieu quelques mesures diverses (3).

 

1. Privilège du vendeur de fonds de commerce  

Les dispositions applicables sont celles des articles L141-5 et suivants du Code de Commerce. 

Dans sa rédaction issue de la réforme, l’article L. 141-6 dispose que  « Le privilège du vendeur est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite par inscription dans un registre tenu au greffe du tribunal de commerce compétent, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat. Lorsque cette inscription est prise dans les trente jours suivant la date de l'acte de vente, elle prime toute inscription prise dans le même délai du chef de l'acquéreur ; elle est opposable aux créanciers de l'acquéreur en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire, ainsi qu'à sa succession acceptée à concurrence de l'actif net dans le même délai. »

Plusieurs modifications ont été apportées :

a/ La nullité pour défaut d’inscription du privilège du vendeur est supprimée

L'inscription du privilège du vendeur de fonds de commerce doit en principe être prise dans les trente jours suivant la date de l'acte de vente (article L. 141-6, alinéa premier).

A défaut d’inscription la sanction était la nullité à l’égard des tiers (article L. 143-17, alinéa premier)

Désormais, le défaut d’inscription est sanctionné par l’inopposabilité. 

b/ La rétroactivité du privilège est maintenue 

Tandis que certains privilèges spéciaux immobiliers sont devenus   des hypothèques légales, ne prenant rang qu’à la date de leur inscription (c’est le cas notamment de privilège de prêteur de deniers), le privilège du vendeur de fonds de commerce, qu’on qualifie de privilège spécial mobilier, conserve sa rétroactivité. Cela signifie que, si son inscription intervient dans le délai de 30 jours, il rétroagit au jour de la vente comme avant la réforme (L’article L 141-6 du Code de Commerce dispose que « Lorsque cette inscription est prise dans les trente jours suivant la date de l'acte de vente, elle prime toute inscription prise dans le même délai du chef de l'acquéreur »).

c/ La compétence du greffe est modifiée

La périphrase suivante, qui figurait à l’origine dans l’article L 141-5 du code de commerce, a été supprimée par la réforme : «, et que s'il a été inscrit sur un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds est exploité ». Parallèlement, est rajouté à l’’article L 146-1 la disposition suivante : « le privilège du vendeur est opposable (…) par inscription dans un registre tenu au greffe du tribunal de commerce compétent, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat ».

Par conséquent, le greffe compétent pour recevoir l’inscription du privilège devient celui du Tribunal du lieu d’immatriculation du constituant, ou celui du Tribunal de commerce de Paris, si le constituant n’a pas son siège social en France. Ce n’est plus le greffe du Tribunal du lieu d’exploitation du fonds de commerce.  

Le régime du privilège est inchangé pour le reste des dispositions en vigueur avant la réforme. Les effets du privilège du vendeur de fonds de commerce n’ont pas été étendus à la totalité de la dette. Le privilège reste fractionné, en cas de non-paiement, en trois parties. Les acomptes sont imputés sur les marchandises, puis le matériel et, enfin, les éléments incorporels. Aucune modification n’est apportée sur le droit de suite. 

2. Nantissement de fonds de commerce  

Les dispositions relatives au nantissement de fonds de commerce figurent dans le Code de Commerce aux articles L142-1 et L143-1. 

La réforme prévoit la suppression de très nombreuses sûretés spéciales : le gage de stock du code de commerce, le nantissement de l’outillage et du matériel, le warrant hôtelier, pétrolier, industriel, des stocks de guerre.

Certains demeurent toutefois (warrant agricole, warrant de marchandises, hypothèque maritime et fluviale, gage automobile…). Survit également à la réforme de 2021 le nantissement de fonds de commerce.

Les recommandations du rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés, ont été suivies par les auteurs de l’ordonnance.

Il fallait simplifier les formalités d’inscription, qui sont complexes, pour sécuriser l’efficacité du nantissement.

Dès lors, le second alinéa de l’article L. 142-3 du code de commerce est amendé pour préciser que «Le droit de préférence résultant du contrat de nantissement est opposable aux tiers par le seul fait de l'inscription sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce compétent, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat ». 

Est supprimé le premier alinéa de l’article L. 142-4 du même code qui prévoyait la nullité à défaut d’inscription dans les 30 jours.  Ainsi, le défaut d’inscription du nantissement dans le délai préfix, sanctionné à l’origine par la nullité, l’est désormais par l’inopposabilité.

Aucune précision n’indique  si une inscription pourrait être prise sur un fonds de commerce en formation.

Aucune modification n’est apportée sur l’assiette du nantissement du fonds de commerce.

Le texte modifie par ailleurs certaines expressions. En particulier, sont supprimées les références au créancier gagiste au profit des expressions « créancier nanti » ou « créancier inscrit ».

3. Mesures diverses adoptées dans le cadre de la réforme des sûretés 

Quelques mesures plus ponctuelles impactant les sûretés sur fonds de commerce, s’ajoutent aux mesures décrites ci-avant.

Comme indiqué précédemment, la réforme organise la suppression de l’article L. 525-1 du code de commerce qui concernait le nantissement sur l’outillage et le matériel.

Un nouvel article L. 143-15-1 du code de commerce est créé, qui précise l’ordre des créanciers lorsque certains sont inscrits sur le fonds de commerce et d’autres sur un seul élément de ce fonds de commerce. Ce nouvel article dispose : « L'ordre de préférence entre les créanciers inscrits sur le fonds de commerce et les créanciers inscrits sur un élément du fonds de commerce est déterminé par les dates auxquelles les titres respectifs ont été publiés. 

Les créanciers inscrits le même jour viennent en concurrence. » 

L’antériorité de la date de l’inscription devient l’unique critère retenu. 

En dernier lieu, l’article L. 143-3 du code de commerce est remplacé par l’article L 143-3-1. Ce dernier organisedans l’hypothèse d’une poursuite de saisie-vente, la procédure particulière qui suspend la procédure de saisie-vente, et précise la procédure par laquelle on pourra aboutir à la vente du fonds de commerce (« … II.-Lorsque l'instance est introduite par le créancier, celui-ci renonce définitivement au bénéfice de la procédure de saisie-vente. Le tribunal de commerce ordonne alors qu'à défaut de paiement dans le délai imparti au débiteur, la vente du fonds a lieu à la requête de ce créancier, après l'accomplissement des formalités prévues à l'article L. 143-6. 
« III.-Lorsque l'instance est introduite par le débiteur, le jugement qui ordonne la vente du fonds de commerce suspend la procédure de saisie-vente…. »)

La réforme des sûretés sur fonds de commerce n’était pas, en définitive, au cœur de la réforme des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021. 

Cependant, les auteurs de l’ordonnance ont saisi cette occasion pour simplifier certaines dispositions et procéder à la suppression de la nullité pour non-inscription de ces sûretés dans le délai légal.

 

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