La clause de non-concurrence post-contractuelle dans les services
lundi 19 juin 2023

La clause de non-concurrence post-contractuelle dans les services

La Cour d’appel de Paris juge que les dispositions de l’article L341-2 du Code de commerce, qui définit les conditions de validité des clauses de non-concurrence post-contractuelles en droit français, s’applique aux activités de services.


En droit de la distribution, la clause de non-concurrence post-contractuelle désigne la clause du contrat par laquelle le distributeur s’interdit, postérieurement à la cessation de son contrat de distribution, d’exercer une activité concurrente de celle de son ancien réseau.

Antérieurement à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, la validité en droit interne d’une telle clause nécessitait la réunion des conditions suivantes : 

- La clause doit être limitée dans le temps ;

- La clause doit être limitée dans l’espace : la jurisprudence considère que la clause de non-concurrence limitée au territoire contractuel et ce, même lorsqu’il porte sur une commune, est suffisamment limitée (Com. cass., n°02-16.337, 26 novembre 2003 ; CA Versailles n°2001-06605 ; CA Lyon, n°06/00187, 31 janvier 2008 ; CA Rennes, n°06/06364, 23 octobre 2007 ; CA Rennes, n°10/07801, 17 janvier 2021).

- La clause doit être justifiée par la protection des intérêts légitimes du fournisseur (critère de finalité), étant précisé que la protection du savoir-faire est un intérêt légitime ;

- La clause ne doit pas porter une atteinte excessive à la liberté du distributeur (critère de proportionnalité).

En cas d’affectation du commerce entre Etats-membres de l’Union Européenne, il convient de se référer au règlement d’exemption par catégorie qui pose les critères suivants : 

a) l'obligation concerne des biens ou des services en concur¬rence avec les biens ou services contractuels ;

b) l'obligation est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l'acheteur a exercé ses activités pendant la durée du contrat ;

c) l'obligation est indispensable à la protection d'un savoir-faire transféré par le fournisseur à l'acheteur ;

d) la durée de l'obligation est limitée à un an à compter de l'expiration de l'accord.

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a inséré un article L341-2 du Code de commerce qui :

(i) Par principe, répute non-écrite « après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1 » les clauses de non-concurrence post-contractuelles,

(ii) Par exception, admet la validité de ces clauses lorsqu’elles remplissent des conditions cumulatives identiques à celles fixées par le règlement d’exemption précité.

Sur l’application dans le temps de l’article L341-2 du Code de commerce, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a, dans un arrêt du 16 février 2022, (Com. n°20-20.429, 16 février 2022) exclu la rétroactivité des articles L.341-1 et suivants aux contrats conclus antérieurement au 7 août 2022 : « en statuant ainsi, alors que la loi nouvelle ne peut, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, inexistante en l’espèce, remettre en cause la validité d’une clause contractuelle régie par les dispositions en vigueur à la date où le contrat a été passé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Sur ce point, l’arrêt ici commenté (CA Paris, 8 février 2023, n° 20/14328) suit la position de la Cour de cassation.

C’est sur le domaine d’application matériel de l’article L341-2 du Code de commerce que la Cour d’appel de Paris opère un véritable revirement dans l’arrêt du 8 février 2023.

En effet, l’article L341-2 du Code de commerce renvoie aux contrats mentionnés à l'article L. 341-1 du même code, soit les « contrats conclus entre, d'une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants […] ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l'article L. 330-3 et, d'autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d'un tiers, un magasin de commerce de détail ».

En application de cet article, les articles L341-1 et L341-2 ne pouvaient s’appliquer qu’à un « magasin de commerce de détail ». 

Plusieurs sources entendent cette notion différemment. 

- Selon l’Autorité de la concurrence, dans ses lignes directrices relations aux concentrations (§103 à 105) « La notion de commerce de détail doit être définie par référence aux règles applicables en matière d’équipement commercial. Un magasin de commerce de détail s’entend comme un magasin qui effectue, pour plus de la moitié de son chiffre d’affaires, de la vente de marchandises à des consommateurs pour un usage domestique » (§103 à 105) ; 

- Selon l’INSEE : le commerce de vente au détail consiste « à vendre des marchandises dans l'état où elles sont achetées (ou après transformations mineures) généralement à une clientèle de particuliers, quelles que soient les quantités vendues. Outre la vente, cette activité de commerce de détail peut aussi recouvrir la livraison et l'installation chez le client (de meubles ou d'électroménager par exemple) » (site web de l’INSEE) ; 

- Selon l’Administration fiscale dans le cadre de la taxe sur les surfaces commerciales, le commerce de vente au détail est « un magasin qui effectue au moins la moitié de son chiffre d’affaires total grâce à la vente de marchandises à des consommateurs pour un usage domestiques ».

Cependant, dans son arrêt du 8 février 2023, la Cour d’appel de Paris écarte l’argumentation du franchiseur qui soutenait que les dispositions de l’article L. 341-2 du Code de commerce n’étaient pas applicables aux agences immobilières dans la mesure où elles n’exploitent pas un commerce de détail.


Pour cela, elle fait fi des définitions existantes et affirme que la notion de « commerce de détail » n’est pas définie par le législateur et qu’il n’est effectué aucun renvoi à une catégorie d'activité particulière, telle que celle de commerce de détail de l'INSEE.

La Cour estime donc qu’il lui appartient d'interpréter celle-ci au regard de la finalité de l'article L. 341-2 pour en déterminer son champ d'application. 

Or, elle retient « que pour l'application de ce texte, et dans le cadre des contrats de franchise susceptibles de comporter des clauses limitant la liberté d'exercice de l'activité commerciale, il ne peut être fait de distinction entre les activités de vente de bien ou de services, dès lors que cette activité s'exploite dans un « magasin », à savoir le local ou le terrain porteur de l'enseigne ou du signe de ralliement et dans lequel va se rendre le client final pour consommer le bien ou service proposé suivant un savoir-faire particulier. »

Par conséquent, la Cour juge que l’esprit de la loi est de limiter les effets des clauses de non-concurrence post-contractuelles pour permettre le rétablissement des distributeurs, qu’il n’y a pas lieu de limiter en conséquence l’application de ce texte aux seules activités d’achat revente. 

Ce faisant, elle répute non écrite la clause de non-concurrence post-contractuelle du contrat de franchise Century 21 dont l’étendue géographique excédait les locaux d’exploitation pour s’étendre au territoire concédé au franchisé.

En pratique, cette solution conduit à rendre de peu d’intérêt les clauses de non-concurrence post-contractuelles qui devront être limitées au local dans tous les métiers de services, où la valeur liquidative du droit au bail et les frais de réinstallation sont limitées. Les réseaux de franchise se trouveront donc fragilisés par d’anciens distributeurs qui pourront poursuivre une activité concurrente en déménageant dans un local proche à peu de frais.

Nos solutions

Gouache Avocats est spécialisé en droit de la distribution et créé plus de 50 réseaux de distribution par an.

Gouache Avocats rédige vos contrats de distribution avec des outils méthodologiques éprouvés avec des centaines d’enseignes.

Les contrats de Gouache Avocats sont adaptés à votre activité, clairs pour vos partenaires et les magistrats.

Le contentieux est anticipé, prévenu et les outils pour l’aborder ont été pensés dès la rédaction du contrat.

De nombreux clients du cabinet sont régulièrement primés par des jurys professionnels (Espoirs de la Franchise, Révélations de la Franchise, Coups de Cœur de la franchise de l’Express, Prix des créateurs de commerce UNIBAIL RODAMCO, Enseignes d’Or, etc.).

Pour créer votre réseau de distribution et vous doter des contrats nécessaires à la réussite de votre développement

contactez GOUACHE AVOCATS