Un manquement contractuel peut être justifié par l’exception d’inexécution
mercredi 12 juin 2024

Un manquement contractuel peut être justifié par l’exception d’inexécution

La Cour d’appel de Dijon retient que l’inexécution contractuelle imputée à la société SAS SN SOGEPIERRE (violation de la clause d’exclusivité) constitue une exception d’inexécution consécutive aux manquements antérieurs de son distributeur (absence de réalisation des objectifs). 

Aux termes d’une décision du 22 février 2024, la Cour d’appel de Dijon est invitée à statuer sur la qualification d’une résiliation pour faute – aux torts exclusifs ou aux torts partagés – d’un contrat de distribution. 

L’affaire oppose la SAS SN SOGEPIERRE à son distributeur. Les parties étaient liées depuis 2016 par un contrat de distribution exclusive de pierres d’Ampily, lequel prévoyait la concession par la SAS SN SOGEPIERRE à son distributeur, d’une exclusivité de distribution de la pierre d’Ampily sur un territoire déterminé. Par ailleurs, le contrat prévoyait une clause d’objectifs. Enfin, le contrat était conclu pour une durée de 12 mois dont le terme est intervenu le 28 janvier 2017.  

A l’expiration de cette période initiale, les relations commerciales se sont poursuivies entre les parties sans qu’un nouveau contrat ne soit régularisé entre elles.  

En février 2019, le distributeur fait grief à son fournisseur de violer la clause d’exclusivité à son profit et d’avoir livré en direct sur le secteur qui lui était réservé. En réponse, la société SN SOGEPIERRE lui opposait que le contrat d'exclusivité avait été signé pour une année et que les objectifs de chiffre d'affaires n'avaient pas été atteints, de sorte qu’aucune faute ne pouvait lui être reproché. 

C’est dans ces circonstances que le distributeur a attrait son fournisseur devant la juridiction commerciale pour obtenir du Tribunal qu’il résilie le contrat aux torts exclusifs du fournisseur, ainsi qu’une indemnisation de son préjudice. 

Le premier débat va porter sur la poursuite du contrat au-delà du terme. Pour mémoire, le contrat était conclu pour une durée déterminée dont le terme était fixé au 28 janvier 2017. Or les griefs opposés par le distributeur visent des faits de 2019. 

Tout d’abord, la Cour rappelle les conditions d’application des nouvelles dispositions issues de l’ordonnance du 10 février 2016. Constatant que le contrat a été conclu antérieurement au 1er octobre 2016, elle juge que les éventuels renouvellements allégués relèvent des nouvelles dispositions issues de l’ordonnance et notamment, les articles 1214 et 1215 du code civil. 

Pour mémoire, l’article 1215 du code civil prévoit que « Lorsqu'à l'expiration du terme d'un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d'en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. Celle-ci produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat », et l’article 1214 al.2 précise que « Le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée. » 

C’est donc au visa de ces textes et constatant la volonté des parties de poursuivre leurs relations avec exclusivité dans le même secteur, postérieurement au terme initial du contrat, que la Cour d’appel de Dijon retient que « le contrat s'est renouvelé par tacite reconduction pour une durée indéterminée ». 

Dans un second temps, la Cour examine la violation de la clause d’exclusivité invoquée par le distributeur et surtout, le bien fondé de l’exception d’inexécution opposée par le fournisseur. En effet, le fournisseur soutenait que la contrepartie à l’exclusivité territoriale était la réalisation des objectifs par son distributeur.  

Sur ce point, la Cour retient que le contrat prévoyait tant une clause d’exclusivité qu’une clause d’objectifs.  

Elle constate que, dès la première année (2016), le distributeur n’a pas atteint les objectifs de chiffre d’affaires fixés au contrat ; et que ce n’est que postérieurement le fournisseur a méconnu la clause d’exclusivité. La Cour, confirmant le jugement sur ce point, juge que le fournisseur était donc en droit d’opposer l’exception d’inexécution à son distributeur, de sorte que la violation alléguée de la clause d’exclusivité ne peut lui être reprochée.  

Dans ces circonstances, la Cour prononce la résiliation du contrat aux torts exclusifs du distributeur. 

Si on pourrait s’étonner de cette décision en ce qu’elle ne prononce pas une résiliation aux torts partagés, celle-ci trouve sa justification tant dans la chronologie que dans les obligations en cause. En effet, non seulement la chronologie est incontestable, mais s’agissant de la causalité, on ne peut ignorer qu’il est d’usage de prévoir que le distributeur perd le bénéfice de son exclusivité lorsqu’il n’atteint pas ses objectifs.  

Ici, si la perte de ce bénéfice n’est pas expressément prévue au contrat, l’exception d’inexécution prévue au code civil permet d’aboutir aux mêmes effets. 

 
Cette décision doit inviter les fournisseurs à être prudents dans la rédaction des contrats de distribution, notamment en prévoyant la perte du bénéfice de l’exclusivité en l’absence d’atteinte des objectifs fixés : cela leur évitera une procédure similaire. 

Et plus généralement, elle doit inviter les entreprises et leurs conseils à s’assurer, avant d’introduire une action en justice, que l’entité demanderesse ne peut se voir reprocher en retour des manquements de nature justifier les inexécutions de son cocontractant. 

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