La perte de la chose louée peut s’entendre d’une perte juridique en raison d’une décision administrative
mardi 24 août 2021

La perte de la chose louée peut s’entendre d’une perte juridique en raison d’une décision administrative

Le locataire a subi une perte partielle de la chose louée puisqu’il n’a pu ni jouir de la chose louée ni en user conformément à sa destination pendant les périodes de fermeture administrative, l’absence de toute faute du bailleur étant indifférente.

Un bail commercial, portant sur des locaux à usage d’entrepôts, est conclu.

Le bailleur s’étant plaint des travaux du locataire, un protocole transactionnel est régularisé et homologué en justice.

Un commandement de payer, visant la clause résolutoire, est délivré au locataire. Dans le même acte, il est fait sommation au locataire de respecter le protocole.

Le bailleur assigne le locataire devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de constat de l’acquisition de la clause résolutoire, expulsion, paiement de l’arriéré locatif avec intérêts au taux conventionnel, d’une indemnité d’occupation et conservation du dépôt de garantie.

Ledit juge ayant accueilli les demandes du locataire, ce dernier relève appel de l’ordonnance.

Une procédure de redressement judiciaire est ouverte au bénéfice du locataire.

Devant la Cour, le bailleur sollicite le paiement des créances locatives nées après le jugement d’ouverture.

La locataire fait valoir que du fait de la pandémie de Covid 19 l’exécution du bail est devenue excessivement onéreuse puisqu’elle a été tenue d’arrêter l’exploitation de son activité pendant les confinements.

Elle indique qu’elle s’est trouvée empêchée de jouir des locaux loués (établissement sportif couvert) conformément à leur destination contractuelle.

Elle oppose au bailleur une contestation sérieuse tenant :

  • d’une part à la perte partielle de la chose louée conformément à l’article 1722 du code civil,
  • et, d’autre part, à la force majeure.

La Cour rappelle l’article 1722 du code civil qui, selon elle, est applicable aux baux commerciaux :

« si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement ».

Elle précise que :

  • la destruction de la chose louée peut s’entendre d’une perte matérielle mais également d’une perte juridique, notamment, en raison d’une décision administrative,
  • la perte peut être totale ou partielle, la perte partielle pouvant s’entendre de toute circonstance diminuant sensiblement l’usage de la chose,
  • la perte partielle de la chose louée n’est pas nécessairement définitive et peut être temporaire.

La Cour considère que :

  • le locataire a subi une perte partielle de la chose louée puisqu’il n’a pu ni jouir de la chose louée ni en user conformément à sa destination pendant les périodes de fermeture administrative,
  • l’absence de toute faute du bailleur est indifférente.

Dans ces conditions, la Cour juge que l’obligation au paiement des loyers pendant la période de fermeture administrative se heurte à une contestation sérieuse et que la demande du bailleur ne peut être accueillie.

Cette décision doit être saluée.

Elle s’inscrit dans la lignée des décisions rendues par la Cour d’appel de Paris (12 mai 2021, n°20/17489, Pôle 1 Chambre 2 ; 7 mai 2021, n°20/15102, Pôle 1, Chambre 8) et la Cour d’Appel de Versailles (4 mars 2021, n° 20/02572, 14ème chambre).

Elle s’inscrit en faux par rapport :

  • aux décisions rendues par la Cour d’appel de Lyon (31 mars 2021 n° 20/05237, 8ème Chambre) et la Cour d’Appel de Versailles (6 mai 2021, n° n°19/08848, 12ème chambre) qui ont entendu la perte de la chose louée exclusivement comme une perte matérielle,
  • à la décision de la Cour d’appel de Paris (3 juin 2021, n° 31/01679, Pôle 1, Chambre 1) qui a écarté l’article 1722 du code civil au profit de la réglementation spéciale mise en place par l’exécutif.

Cour d’appel de Paris, pôle 1, chambre 8, le 2 juillet 2021 n°20/08315

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