Clauses des contrats Expedia annulées pour déséquilibre significatif
lundi 18 septembre 2017

Clauses des contrats Expedia annulées pour déséquilibre significatif

La Cour d’appel de Paris annule deux clauses des contrats de réservation en ligne de nuitées Expedia contraires à l’article L. 442-6 du code de commerce, enjoint aux sociétés du groupe Expedia de faire disparaître pour l'avenir les clauses litigieuses dans les contrats en cours et les condamne solidairement à une amende de 1 million d'euros.

On se souvient que le 29 novembre 2016, le Tribunal de commerce de Paris avait annulé certaines clauses des conditions générales de prestation de la plateforme de réservation hôtelière en ligne « Booking » pour déséquilibre significatif.

Ce jugement faisait suite à la décision de l’Autorité de la concurrence du 11 avril 2015 (n°15-D-06) sur les pratiques mises en œuvre par les sociétés Booking.com B.V, Booking.com France et Booking.com Customer Service France dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne, qui après avoir identité des préoccupations de concurrence sur les fondements de l’interdiction des ententes et des abus de position dominante, avait accepté et rendu obligatoires les engagements proposés par cet opérateur.

La procédure contre la société Expedia devant l’Autorité de la concurrence, qui avait été saisie en 2013 par les syndicats des hôteliers de certaines clauses contenues dans les contrats passés avec la société Expedia, est toujours en cours.

Dans le présent arrêt, deux clauses des contrats de réservation en ligne de nuitées conclus entre les sociétés du groupe Expedia et les hôtels, sont passés au crible par la Cour d’appel de Paris : une clause de parité des tarifs et des conditions et une clause de dernière chambre disponible.

Dans un premier temps, les sociétés du groupe Expedia soutenaient que l’article L. 442-6 du Code de commerce n’était applicable que dans le secteur de la grande distribution, cette disposition ayant été créée par la loi LME afin d’encadrer les négociations entre fournisseurs et distributeurs de la grande distribution et que les signataires des contrats, à savoir les hôteliers, n’étaient pas revendeurs et ne pouvaient donc se voir appliquer l’article L. 442-6 du Code de commerce, à la différence des fournisseurs de la grande distribution proposant leurs produits directement aux consommateurs, sans intermédiaire.

La Cour d’appel confirme la position du Ministre de l’Economie selon laquelle l’article L. 442-6 du Code de commerce est pleinement applicable au secteur de la réservation hôtelière et aux relations entre les plateformes de réservation et les hôtels :

- le champ d’application de l’article L. 442-6 du Code de commerce excède le secteur de la grande distribution et ne suppose pas un acte d’achat ou de vente ;
- il s’applique aux centrales d’achat qui ne constituent pas que des intermédiaires à l’acte d’achat-vente, mais sont des commerçants au sens de l’article L. 410-2 du Code de commerce, qui régit le livre IV du Code de commerce et vise « tout commerçant, producteur, industriel ou personne immatriculée au registre des métiers.

Dans un deuxième temps, les clauses litigieuses sont examinées au regard de l’article L. 442-6, II, d) du Code de commerce qui prévoit : 

«  Sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité :

d) De bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant ; ».

- La clause de parité prévoit que l’hôtelier devra faire bénéficier automatiquement les sociétés du groupe Expedia des conditions (tarifaires, non tarifaires et promotionnelles) au moins aussi favorables que celles accordées via les autres réseaux de distribution (plateformes concurrentes, autres formes de distribution par des tiers concurrents, ventes par l'hôtelier lui-même sur son propre site ou dans le cadre de la vente directe de ses nuitées), de sorte que les sociétés du groupe Expedia profitent non seulement du tarif le plus bas pratiqué par l'hôtelier partenaire sur son propre site ou dans le cadre de la vente directe de ses nuitées, mais aussi de tout avantage supplémentaire, tel un surclassement, un petit-déjeuner gratuit, des conditions d'annulation plus souples, des avantages de fidélisation.

La Cour d’appel considère que la clause de parité encourt la nullité « mais seulement en tant qu'elle vise l'alignement sur les meilleures conditions consenties aux concurrents tiers et non celles pratiquées par les canaux de distribution de l'hôtelier lui-même (vente en ligne ou vente directe) ».

En effet, l'article L. 442-6, II, d) sanctionne seulement l'alignement automatique sur les conditions plus favorables consenties aux « entreprises concurrentes » par l’hôtelier. Cet article ne s’étend donc aux conditions les plus favorables accordées par l'hôtelier lui-même et dans le cadre de ventes directes.

Par ailleurs, la clause n'entraîne pas seulement un alignement sur les conditions les plus favorables, mais garantit en plus aux sociétés du groupe Expedia des réductions supplémentaires significatives par rapport à ces conditions les plus favorables, ce qui lui permet de proposer à la vente des tarifs inférieurs aux meilleurs tarifs du marché.

- La clause de disponibilité des chambres prévoit quel que soit le nombre de chambres disponibles à la vente, l'hôtel doit réserver à Expedia la dernière chambre qui serait disponible sur son site.

Une clause contenue dans un des contrats conclu avec un hôtelier va plus loin car elle prévoit que l’hôtel devra notamment rendre disponible à la réservation sur la plateforme de réservation d’Expedia au moins le même nombre et type de chambre que celui disponible sur tout canal de distribution de l'hôtel ou d'un tiers.

Pour la Cour, il s’agit d'une garantie d'alignement d’Expedia sur les meilleures conditions en terme de disponibilité de chambres. La clause qui garantit aussi que l'hôtelier ne pourra faire bénéficier ses propres clients de conditions plus favorables échappe à la qualification de l'article L. 442 -6, II, d) à cause de la rédaction de cet article, qui distingue bien l'hôtelier du « partenaire concurrent »

Cette clause est donc contraire à l’article L. 442-6, II, d) du Code de commerce,  sous les mêmes réserves d'interprétation que la clause de parité.

Dans un dernier temps, la Cour d’appel de Paris examine les clauses au regard de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce qui interdit de « soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties », dans l’hypothèse où tous les cas de figure ne seraient pas couverts par l’article L. 442-6, 6, II d) du Code de commerce.

- Sur le premier critère : la soumission ou tentative de soumission 

La Cour d’appel de Paris considère que la soumission résulte du fait que le groupe Expedia est le leader mondial du voyage en ligne et du fait que « les clauses litigieuses étaient insérées dans tous les contrats signés par les hôtels, lesquels ne disposaient pas du pouvoir réel de les négocier, et […], ne pouvaient pas prendre le risque d'être déréférencés par les sociétés du groupe Expedia qui détenaient, en 2009, des parts importantes du marché de la vente de nuitées ». 

- Sur le second critère : le déséquilibre significatif

Le déséquilibre significatif résulte de l’effet cumulé des deux clauses litigieuses. 

o Lorsque l'hôtelier dispose encore de chambres disponibles, il doit les accorder au groupe Expedia, ce qui le contraint à payer une commission, mais il doit également les lui proposer au tarif le plus bas proposé. Ceci limite ainsi l'autonomie de l'hôtelier dans sa politique commerciale et tarifaire ;
o Il ne peut proposer une promotion à ses clients directs sans être obligé de la proposer aux clients des sites Internet du groupe Expedia, ce qui ampute encore plus sa marge, puisqu'il doit s'acquitter en plus de la commission d'Expedia ;
o l'avantage tarifaire et concurrentiel dont bénéficient les sociétés Expedia est entièrement pris en charge par les hôteliers, via ces clauses, sans que celles-ci ne prennent en retour aucun risque ;
o les clauses de parité des disponibilités des chambres entraînent un risque de surréservation entièrement supporté et pris en charge par les hôteliers, Expedia ne supportant en contrepartie aucun risque lié à la réservation ou pas d'une chambre ;
o enfin, la clause de la dernière chambre disponible impose aux hôteliers de la vendre par l'intermédiaire d'Expedia et donc de payer une commission sur elle.

La Cour d’appel relève également qu’il n’existe aucune contrepartie aux clauses dans la mesure où la promotion réalisée par les sites internet du partenaire est rémunérée par les commissions versées par les hôtels aux sociétés du groupe Expedia.

Par ailleurs, les sociétés du groupe Expedia ne démontrent donc pas que les clauses de parité et de disponibilité étaient nécessaires à l'équilibre des contrats ou que ce déséquilibre était compensé par d'autres dispositions du contrat, d’autant moins que depuis la loi Macron, ces clauses sont caduques.

La Cour d’appel de Paris confirme donc le jugement ayant prononcé la nullité de ces clauses et enjoint aux sociétés du groupe Expedia de faire disparaître pour l'avenir les clauses litigieuses dans les contrats en cours, sans que les sociétés du groupe Expedia puissent prétendre que cette injonction aboutirait à un contrôle des tarifs hôteliers, restaurant au contraire la libre détermination des prix des nuitées par les hôteliers et libérant leurs pratiques commerciales.

Les sociétés du groupe Expedia sont également condamnées solidairement à 1 million d'euros d’amende en raison de la gravité et de la persistance des pratiques et de l’effet d’entrainement que peut avoir leur comportement de sociétés de cette taille et de cette notoriété sur les autres opérateurs économiques du secteur, et notamment les agences de voyage en ligne plus petites, le montant de cette amende étant toutefois réduit en raison de l'absence d'effets avérés des pratiques sur les prix aux consommateurs et sur la rentabilité des hôtels partenaires.

CA Paris, 21 juin 2017, n°15/18784

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