Rupture brutale de relations commerciales établies nées d’un contrat de transport public de marchandises.
jeudi 12 avril 2018

Rupture brutale de relations commerciales établies nées d’un contrat de transport public de marchandises.

Les relations commerciales nées d’un contrat de transport public de marchandises peuvent être établies même si les partenaires commerciaux concernés ne sont pas liées par une convention, de sorte que la rupture brutale de relations commerciales établies, fussent-elles nées d'un contrat de transport, n'est pas soumise à la prescription annale de l'article L. 133-6 du Code de commerce.

Dans un arrêt en date 30 mars 2018, la Cour d’appel de Paris se prononce sur l’application de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans le cadre de relations commerciales de transports publics routiers de marchandises.

Cet article impose à un opérateur économique, en cas de rupture d’une relation commerciale établie, de respecter un préavis écrit tenant compte de l'ancienneté de cette relation.   

En matière de relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutées par des sous-traitants, rappelons d’ores et déjà que la Cour d’appel de Paris a pu juger que ce texte ne s’appliquait pas lorsque le contrat-type prévoyait la durée des préavis de rupture (CA Paris, 21 janvier 2016, n° 14/09600) ou lorsque le contrat-cadre liant les parties se référait expressément audit contrat type (CA Paris, 20 octobre 2016, n° 15/02996).  

En l’espèce toutefois, les relations entre une entreprise de transport public de marchandises (ci-après le « Transporteur ») qui sous-traitait depuis 2008 une partie de l'activité de ses agences à une autre société (ci-après le « Sous-traitant »), n’avaient fait l'objet d’aucun écrit. 

Faisant valoir ne plus recevoir d'ordres depuis le 16 novembre 2011 et estimant, en conséquence, avoir été victime d'une rupture brutale de la relation commerciale établie, le Sous-traitant a mis en demeure le Transporteur de lui verser une somme au titre d'un préavis de 3 mois dont elle estimait avoir été privée. 

Le Transporteur n'y ayant pas donné suite, le Sous-traitant l'a attrait devant le Tribunal de commerce de Lyon, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, aux fins de la voir condamner à lui payer une indemnité d'un montant de 60.000 euros en réparation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture. 

Le Transporteur s’opposait à cette demande en soutenant qu'en lui ayant notifié une augmentation de 4,2 % de ses tarifs, le Sous-traitant était le véritable auteur de la rupture. 
A cet égard, le Transporteur invoquait tant la non application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce aux relations commerciales de transports publics routiers de marchandises, que la prescription annale résultant de l'article L. 133-6 du même code concernant le contrat de transport

Par jugement du 2 avril 2015, le Tribunal de commerce de Lyon a condamné le Transporteur à payer au Sous-traitant la somme de 31.200 euros au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies, en ayant retenu que : 

  • d'une part, le Transporteur n'avait pas été en mesure d'expliquer l'interruption des commandes dès le 16 novembre 2011 ;
  • d'autre part, que la rupture brutale de relations commerciales établies dans le cadre d'un contrat de transport n'est pas soumise à la prescription annale de l’article L. 133-6 du Code de commerce. 

Cet article dispose que «Les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité.

Toutes les autres actions auxquelles ce contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire, aussi bien que celles qui naissent des dispositions de l'article 1269 du code de procédure civile, sont prescrites dans le délai d'un an... »

Le Transporteur a fait appel de ce jugement aux fins de voir prononcer l'infirmation du jugement en sollicitant le rejet des demandes du Sous-traitant, aux motifs que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce instaurant une responsabilité de nature délictuelle, ne s'appliquerait pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par un sous-traitant, lequel serait seulement fondé à se prévaloir de l'action contractuelle découlant du contrat type de transport annexé au décret du 26 décembre 2003, mais que cette action serait aujourd'hui prescrite. 

La Cour d’appel de Paris rejette l’argumentation du Transporteur en énonçant que « la rupture d'une relation commerciale ne correspond pas à la rupture d'un contrat, les relations visées par l'article précité [L. 133-6 du Code de commerce] pouvant être établies même si les deux sociétés concernées ne sont pas liées par une convention, de sorte que la rupture brutale de relations commerciales établies, fussent-elles nées d'un contrat de transport, n'est pas soumise à la prescription annale de l'article L 133-6 du Code de commerce ». 

En effet, le Sous-traitant n’invoquait pas une rupture abusive, rupture ne respectant pas les stipulations contractuelles et relevant donc du champ contractuel (aucun contrat écrit n’avait été signé entre les parties), mais une rupture brutale de relations commerciales établies, dont le régime de responsabilité est spécifiquement prévu par l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et qui relève du champ délictuel. 

A cet égard, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris est en ligne avec la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle avait pu juger dans un arrêt du 18 octobre 2016, « que si l'action en responsabilité fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, fût-elle née d'un contrat de transport, est soumise au délai de prescription de droit commun, l'action en réparation pour rupture fautive d'un contrat de transport, tirée des conditions d'exécution du contrat et fondée sur le droit commun de la responsabilité contractuelle, se prescrit par un an en application de l'article L. 133-6 du code de commerce » (Cass. com., 18 octobre 2016, n° 15-13.725). 

Pour condamner le Transporteur sur le fondement de la rupture brutale, la Cour d’appel a constaté que les parties entretenaient une relation stable et continue depuis 2008 et que le Transporteur n'expliquait pas l'arrêt brutal des passations d'ordres de transport à partir du 16 novembre 2011, alors qu'il ressortait des pièces versées par le Sous-traitant qu'antérieurement à cette date les ordres étaient passés plusieurs fois par semaine, de sorte que, dès avant la notification de l'augmentation tarifaire du 11 décembre 2011 (invoquée par le Transporteur pour prétendre que le Sous-traitant était en réalité l'auteur de la rupture), le Transporteur a rompu brutalement le 16 novembre 2011 la relation commerciale établie avec le Sous-traitant. 

S’agissant de la durée du préavis qui aurait dû être accordé au Sous-traitant, la Cour d’appel retient une durée de trois mois, en tenant compte des usages commerciaux du secteur concerné, en énonçant « Qu'il résulte de la combinaison de l'article L 442-6, I, 5° du Code de commerce, de l'article 8-II de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 (dite LOTI) et du contrat type de transport routier approuvé par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003, que les usages commerciaux visés au premier de ces textes, en ce qui concerne la détermination de la durée de préavis de rupture de la sous-traitance de transport, doivent s'apprécier en fonction de la durée prévue au contrat type dont dépendent les professionnels concernés, soit, en l'espèce, une durée de trois mois » 

La Cour d’appel de Paris confirme ainsi le jugement de première instance en ce qu’il a retenu la responsabilité du Transporteur au titre de la rupture de la relation commerciale établie et condamne ce dernier à indemniser le Sous-traitant à hauteur de la somme de 50.825,10 euros, correspondant à la marge brute qu’aurait réalisé le Sous-traitant pendant la durée du préavis de trois mois et calculée sur la base du chiffre d'affaires mensuel moyen antérieurement réalisé par le Sous-traitant avec le Transporteur. 

CA Paris, 30 mars 2018, n° 15/12740

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