Refus de restitution du droit d’entrée en cas d’absence d’obtention du financement
mardi 16 janvier 2024

Refus de restitution du droit d’entrée en cas d’absence d’obtention du financement

L’article 1171 du Code civil ne permet pas de sanctionner un éventuel déséquilibre du contrat de franchise au regard de l’adéquation du droit d’entrée au savoir-faire transmis et à la formation initiale délivrée, de sorte que la clause qui prévoit le refus de restitution du droit d’entrée est valide même en cas d’absence d’obtention par le franchisé d’un financement.

Le 16 mai 2018, deux franchisés personnes physiques ont conclu un contrat de franchise avec un franchiseur, en leur nom propre et en qualité de représentants d’une société en cours de formation. Dans l’attente de l’obtention de leur financement, ces derniers ont payé le droit d’entrée, conclu une promesse de bail, bénéficié de la communication des manuels opératoires, de la formation initiale et ont contacté l’architecte.

Quelques mois plus tard, face aux refus de différentes banques de leur accorder un financement, les franchisés ont été contraints d’abandonner le projet et demandent alors le remboursement de leur droit d’entrée au franchiseur.

Le franchiseur refuse cette demande, au motif que le droit d’entrée n’est pas remboursable et qu’il est la contrepartie du savoir-faire et de l’exclusivité accordée, mais leur propose une alternative moins coûteuse de son concept avec six mois d’exclusivité supplémentaires. Ne parvenant pas à un accord, les franchisés assignent le franchiseur afin d’obtenir la restitution du droit d’entrée. Déboutés en première instance par le tribunal de commerce de Bobigny, ils font appel.

En l’espèce, les franchisés tentent de se prévaloir :

- A titre principal, de la qualité de consommateur afin que la clause de droit d’entrée soit réputée non écrite sur le fondement des clauses abusives et ainsi obtenir la restitution « des sommes conservées abusivement par le franchiseur » ;

- A titre subsidiaire, de la caducité du contrat du fait de son interdépendance avec le contrat de prêt non obtenu.

De manière didactique, par un arrêt rendu le 14 juin 2023 (n°21/09467), la Cour d’appel de Paris déboute les franchisés de leurs demandes.

Dans un premier temps, la Cour d’appel de Paris considère que les franchisés sont des « professionnels » et non des « consommateurs ». 

Pour ce faire, la Cour d’appel se fonde sur la définition de « professionnel » telle qu’elle apparaît dans le code de la consommation en vigueur lors de la signature du contrat litigieux, à savoir :

« toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. ».

Or, contrairement à ce qu’affirment les franchisés, la Cour d’appel considère que bien que ces derniers n’aient pas ouvert d’établissement ou fait d’actes de commerce, ils répondent à la définition de « professionnels » dès lors qu’ils ont signé leur contrat « tant en leur nom personnel qu’en tant que représentants d’une société en cours de constitution ». 

La Cour d’appel précise que le fait que les franchisés n’ont pas exploité l’établissement prévu « ne saurait, en lui-même, les décharger de leurs responsabilités de professionnels ».

Par conséquent, la clause litigieuse ne peut être examinée sur le fondement des clauses abusives (article L.212-1 du code de la consommation) mais sur le fondement de l’article 1171 du Code civil.

Dans un second temps, après avoir rappelé le champ d’application de l’article 1171 du Code civil, la Cour d’appel de Paris rejette la demande de restitution du droit d’entrée.

La Cour d’appel reconnaît que le contrat litigieux est un « contrat d’adhésion en ce qu’il comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par le franchiseur ».

Toutefois, elle rappelle que, selon l’article 1171 du Code Civil – dans sa version en vigueur au moment de la signature du contrat – « dans un contrat d’adhésion (…), l’appréciation du déséquilibre significatif ne (peut porter) ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ».

Or, la clause litigieuse prévoit que le droit d’entrée ne sera jamais restitué, quelle que soit l’issue du contrat, même en cas d’inexécution ou de résiliation par le franchiseur. 


Pour la Cour d’appel, il s’agissait donc ici d’apprécier l’adéquation du prix (le droit d’entrée) à la prestation, à savoir « la transmission du savoir-faire par le franchiseur, notamment dans le cadre de la formation initiale et l’exclusivité accordée au franchisé ».

Il n’y a donc pas de « déséquilibre significatif », même s’il s’agit bien d’un « contrat d’adhésion » sur le fondement de l’article 1171 du Code civil.

On remarquera que la solution aurait sans doute été la même sur le fondement des clauses abusives. En effet, l’alinéa 3 de l’article L. 212-1 du code de la consommation précise que « l’appréciation du caractère abusif des clauses […] ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert ».

En revanche, nous attirons l’attention du lecteur sur la précieuse alternative que constitue l’article L. 442-1, I, 2° du code de commerce en la matière. A la différence des textes du code de la consommation et du Code civil, les juges ont reconnu que le texte du Code de commerce permet de contrôler l’adéquation du prix à la prestation sur le fondement du déséquilibre significatif (CA Paris, Pôle 2 Ch. 2, 15 octobre 2020 n°17/10743).

Dans un troisième temps, la Cour d’appel rejette l’argument subsidiaire tenant à la caducité du contrat du fait de l’interdépendance entre le contrat de franchise et le contrat de prêt. 

Après avoir rappelé les termes de l’article 1186 du Code civil, la Cour d’appel constate qu’aucun de ses critères ne sont remplis. En effet :

- aucune stipulation du contrat ne suspend son exécution à l’obtention d’un prêt bancaire, de sortes que les contrats ne pouvaient être interdépendants ;
- en tout état de cause, aucun contrat de prêt bancaire n’a été signé et ne peut donc être considéré comme ayant disparu ;
- il n’est pas démontré que le franchiseur ait eu connaissance, au moment où il a contracté, d’une telle opération économique unique.

Par conséquent, le contrat de franchise ne peut être considéré comme étant caduc du fait de l’absence d’obtention du prêt. Les franchisés ont donc été déboutés de leur demande.

CA Paris, pôle 5-4, 14 juin 2023, RG n°21/09467

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