Contrats internationaux : quel tribunal compétent en cas de rupture fautive ?
Une récente décision de la Cour de cassation rappelle les principes en matière de compétence internationale.
Lorsqu’un contrat international ne comporte pas de clause définissant la juridiction applicable en cas de litige, il convient d’appliquer les règles de droit international privé et notamment, pour ls contrats conclus au sein de l’Union européenne, de se référer au règlement n°1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit règlement Bruxelles I bis.
Ce règlement pose le principe que les personnes domiciliées dans un Etat membre sont attraites devant les juridictions de cet Etat membre. Le règlement prévoit ensuite toutefois un certain nombre de situations dans lesquelles une personne domiciliée dans un Etat membre peut se voir poursuivie devant les tribunaux d’un autre Etat membre. Ainsi dans son article 7 le règlement Bruxelles I bis définit plusieurs hypothèses dans lesquelles une personne domiciliée dans un Etat membre peut être attraite devant les tribunaux d’un autre Etat membre :
- En matière contractuelle, une personne domiciliée dans un Etat membre peut ainsi être attraite « devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ». Il est précisé qu’en cas de vente de marchandises il convient de prendre en compte le lieu de livraison prévu des marchandises et qu’en cas de fourniture de service il convient de prendre en compte le lieu où les services ont été ou auraient dû être fournis ;
- En matière délictuelle une personne domiciliée dans un Etat membre peut être attraite « devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».
Si ces principes paraissent simples, leur mise en œuvre ne l’est pas toujours, comme le démontre la décision de la Cour de cassation du 9 novembre 2022.
Dans cette affaire, une société irlandaise avait conclu une licence de marque avec une autre société irlandaise, en vue de l’exploitation de la marque concernée en France. Contestant les conditions de la rupture du contrat de licence, la société irlandaise anciennement licenciée a attaqué le concédant irlandais pour rupture fautive du contrat et obtenir l’indemnisation de son préjudice. Elle a assigné également le représentant légal de cette société, son ancien prestataire de service informatique ainsi que la société qui avait repris l’exploitation de la licence et son directeur pour reprise illicite des noms de domaine, contrefaçon et concurrence déloyale.
La Cour d’appel de Versailles avait considéré que les juridictions françaises étaient incompétentes.
Parmi les griefs soulevés devant la Cour de cassation, en premier lieu il était reproché à la Cour d’appel d’avoir simplement relevé que l’obligation principale mise à la charge du concédant pesait sur une société domiciliée en Irlande. La Cour d’appel aurait dû rechercher si l’obligation qui servait de fondement à la demande de dommages et intérêts ne consistait pas en des prestations intellectuelles et matérielles qui devaient être fournies ou se réaliser en France, en l’espèce la mise à disposition de la marque étant réalisée pour l’exploitation d’un fonds de commerce situé en France.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles sur ce point. Elle ne pouvait se contenter de se référer au fait que la société poursuivie était domiciliée en Irlande mais aurait dû rechercher « si l’obligation qui sert de base à la demande de dommages intérêts pour rupture abusive ne consistait pas en l’exploitation de la marque au moyen de prestations intellectuelles et matérielles ».
Cette solution est conforme au règlement. Toutefois, cette recherche de l’obligation servant de base à la demande semble compliquée lorsqu’il s’agit d’une rupture fautive qui ne consiste pas dans l’exécution d’une obligation contractuelle mais qui consiste à apprécier comment a été exercé le droit de rompre un contrat.
Le deuxième point abordé porte sur le fait de savoir s’il existe une compétence unique en cas de demandes de natures contractuelles et délictuelles. En l’espèce la Cour d’appel de Versailles avait considéré que les juridictions françaises étaient incompétentes à l’égard de l’ensemble du litige, la demande principale étant de nature contractuelle. La Cour de cassation rappelle qu’il n’existe aucune hiérarchie entre les actions contractuelles et délictuelles et que même si elle s’estimait incompétente pour juger du volet contractuel, elle aurait dû examiner sa compétence au titre du volet délictuel en recherchant quel était le lieu du dommage.
Nous ne pouvons donc que recommander, dans les contrats internationaux, de prévoir des clauses de droit et de juridiction applicable, pour éviter ces difficultés.
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