Dol du Franchiseur : DIP lapidaire et prévisionnels erronés
Reconnaissance du dol du franchiseur qui a remis à son franchisé un DIP lapidaire de 6 pages contenant des prévisionnels « grossièrement erronés » avec un écart de 78,15% entre le chiffre d’affaires réalisé par le franchisé et le prévisionnel de la première année
Dans un arrêt du 1er décembre 2021, la Cour de cassation confirme le dol du franchiseur qui a fourni un DIP lapidaire contenant des prévisionnels grossièrement erronés à son franchisé.
En l’espèce, un contrat de franchise conclu entre deux sociétés pour l’exploitation d’un point de vente spécialisé dans la conception, la fabrication et la distribution de meubles de cuisines, salles de bain et rangements, a été résilié par le franchiseur. Le franchisé a assigné le franchiseur en demandant notamment la réparation du préjudice subi.
Le franchiseur tente dans un premier temps de soulever la prescription de l’action du franchisé en indiquant que le dol allégué par le franchisé aurait été découvert dès la clôture de son premier exercice, soit en 2010, de sorte que ses demandes indemnitaires formulées en 2016 seraient prescrites car formées au-delà du délai de prescription de 5 ans.
En effet, c’est a priori à compter des premiers résultats ne correspondant pas substantiellement aux prévisionnels que le franchisé aurait dû s’apercevoir de son erreur. L’écart était en l’occurrence de 78.15% en année 1 entre le chiffre d’affaires réalisé et les prévisionnels fournis.
Toutefois, la Cour se retranche derrière l’appréciation souveraine des juges du fond qui relèvent que « les mauvais résultats réalisés la première année d'exploitation d'une société nouvelle peuvent avoir des causes variées sans lien avec les manquements précontractuels du franchiseur » donc le franchisé « ne pouvaient véritablement connaître le caractère erroné des chiffres présentés avant la conclusion du contrat qu'à la fin de la deuxième année d'exploitation ». L’action du franchisé n’est donc pas prescrite.
La Cour relève ensuite, concernant le manquement à l’obligation d’information précontractuelle du franchiseur, que le DIP remis de 6 pages est « succinct » :
- Qu’il ne comporte au titre de la description du marché local, qu’une indication de l’indice national de la consommation pour le département du Nord, calculé par l'organisme de crédit Cetelem « et ne contient aucune mention relative aux autres magasins implantés dans la zone géographique » ;
- Qu’il contient des prévisionnels « pour les trois premières années d'exploitation, dont les données se sont révélées grossièrement irréalistes et dont l'écart avec les chiffres d'affaires réalisés, tandis qu'il n'est reproché aucune faute de gestion au franchisé, dépassent la marge d'erreur inhérente à toutes données de nature prévisionnelle ».
Compte tenu de ces éléments la Cour confirme la solution retenue par les juges du fond à savoir « que la communication de ces informations erronées sur un élément substantiel de l'engagement [du franchisé], dans ces circonstances d'informations lacunaires sur la concurrence locale et l'état du réseau, est constitutif d'un dol ayant conduit à vicier le consentement de cette société, ainsi que celui de son gérant, malgré l'expérience professionnelle de ce dernier dans le secteur concerné. ».
Cet arrêt conforte la jurisprudence en la matière considérant qu’un écart entre les chiffres prévisionnels communiqués par le franchiseur et les chiffres effectivement réalisés par le distributeur peut déterminer un vice du consentement sur le fondement d’un dol ou d’une erreur sur la rentabilité de l'activité entreprise (Cass. com. 4 oct. 2011, n°10-20.956).
Il ne peut qu’être conseillé aux franchiseurs de s’en tenir strictement aux informations précontractuelles dont la communication est exigée dans le cadre du DIP et dont la fourniture de prévisionnel ne fait pas partie. Si toutefois le franchiseur décide de fournir de tels prévisionnels, il doit s’assurer que ceux-ci ne sont pas susceptibles de vicier le consentement du franchisé pour leur caractère exagérément optimistes.
Cour de cassation, Chambre Commerciale 1er décembre 2021, n°18-26.572
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