Rédaction de la clause « Tunnel » : Présentation de moyens alternatifs
vendredi 17 mars 2023

Rédaction de la clause « Tunnel » : Présentation de moyens alternatifs

La clause « Tunnel » peut présenter un moyen particulièrement intéressant lors de la négociation du bail, pour éviter des augmentations trop importantes de loyer. D’autres méthodes sont également envisageables !

Définition de la clause Tunnel dans un bail commercial

La clause « Tunnel » peut être définie comme un « dérivé » de la clause d’indexation, permettant d’éviter des variations trop importantes du loyer au cours du bail commercial.

Les parties prévoient ainsi un principe de réciprocité, tout en se référant à un indice (ICC, ILC, ILAT), mais avec une efficacité limitée, la hausse, comme la baisse du loyer, ne pouvant excéder certains seuils.

Peu de décisions ont été rendues au sujet de cette clause.

Pour un mécanisme similaire, la cour d’appel de Paris a considéré qu’était réputée non écrite une clause imposant une limitation en cas de hausse et une interdiction de baisse de loyer (CA Paris, 7 févr. 2018, RG n° 16/07034).

Si cette clause y ressemble, il ne s’agit certes pas d’une clause tunnel à proprement parler.

Une seule décision a, à notre connaissance, tranché la question. Il s’agit d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon, qui a validé une clause dite « Tunnel » (CA Lyon, 28 févr. 2017, RG no 16/01794).

Certes cette décision est critiquable, ainsi qu’il sera explicité ci-après.

Validité de la clause "tunnel" dans un bail commercial au regard des dispositions relatives à la révision de loyer

En l’état, la Cour de cassation ne s’est pas expressément prononcée sur la validité d’une telle clause, et il ne semble pas qu’il faille s’attacher à la décision de la cour de Lyon.

En effet, si une telle clause Tunnel ne crée pas forcément de distorsion entre la période de variation de l'indice et la durée s'écoulant entre chaque révision, elle fausse néanmoins le jeu normal de l’indexation, critère posé par la Haute juridiction pour la régularité d’une clause d’indexation (Cass. 3ème civ., 14 janvier 2016, n° 14-24681 ; également plus récemment Cass. 3ème civ, 30 juin 2021, n° 19-23038 ; Cass., 3ème civ., 12 janv. 2022, n° 21-11.169). 

Depuis cet arrêt, la Haute juridiction considère qu’il appartient aux juges du fond d’apprécier si l’entière clause doit être réputée non écrite, ou si la seule partie contrevenant aux dispositions de l’article L. 112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier, doit l’être.

De plus, la clause « Tunnel » est susceptible de constituer une renonciation aux dispositions de l'article L. 145-39 du code de commerce prévoyant la révision du loyer, en cas de variation de plus de 25 %, par l’effet du jeu de l'indexation. 

La clause « Tunnel », empêcherait donc toute hypothèse de variation de plus de 25 %, puisque l’augmentation du loyer, ou sa baisse, seraient limitées.

La Cour de cassation a d’ailleurs jugé, à propose d’une clause d’indexation, que :

« la neutralisation des années de baisse de l'indice de référence a mathématiquement pour effet de modifier le délai d'atteinte du seuil de variation du quart, conditionnant la révision du loyer, tel qu'il résulterait de l'évolution réelle de l'indice » (Cass., 3ème civ., 1er juin 2022, n° 20-17.691).

De manière analogue, la clause « Tunnel » devrait être réputée non écrite.

Il convient d’ailleurs de rappeler la position de la Cour de cassation en matière d’ordre public et de révision : la renonciation au droit d'obtenir la révision du loyer indexé ne peut valablement intervenir qu'une fois ce droit acquis (Cass., 3ème civ., 30 mars 2017, n° 16-13.914 ; également en ce sens Cass., 3ème civ., 6 octobre 2016, n° 15-21.478).

Par conséquent, la clause « Tunnel » apparaîtrait illicite en ce qu'elle constituerait une renonciation à une disposition d'ordre public.

Quelle sanction si la clause tunnel du bail commercial est réputée non écrite ?

S’agissant de l’étendue de la sanction, il semble qu’il convienne de s’attacher dorénavant, à l’arrêt précité du 1er juin 2022, par lequel la Cour de cassation semble revenir sur sa position, en invitant les juges du fond à laisser survivre le principe de l’indexation, en réputant non écrite la seule stipulation prohibée :

« En se déterminant ainsi, alors que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite, sans relever d'éléments de nature à établir que les parties au contrat de bail n'auraient pas maintenu la clause d'indexation en l'absence de dispositions excluant l'ajustement du loyer à la baisse et par des motifs impropres à caractériser l'indivisibilité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

Dès lors, dans le cas d’une clause dite « Tunnel », seule les limites de la variation, à la hausse, comme à la baisse, seraient réputées non écrites.

Pour le reste, la clause d’indexation survivrait.

Quels moyens alternatifs pour limiter les effets de l'indexation du loyer, défavorables au preneur ?

Les rapports entre les parties concernant les loyers se trouveraient alors régis par les clauses d’indexation redevenues classiques par l’effet de la sanction, ce qui apparaît défavorable aux locataires en cette période d’inflation et de forte augmentation des indices.

Pour pallier cette difficulté, il pourrait être stipulé dans une telle clause que les parties ont expressément reconnu que c’est la stipulation d’un plancher et d’un plafond qui a déterminé leur consentement pour convenir de la clause d’indexation.

Cela pourrait permettre aux juges de caractériser son indivisibilité.

Il pourrait encore être stipulé que le juge saisi d’un litige, devra annuler l’intégralité de la clause, sans laisser survivre le principe de l’indexation.

En tout état de cause, il peut être proposé un moyen alternatif à cette clause « Tunnel » pour limiter les variations du loyer.

Il pourrait être envisagé de se référer à l’avis en date du 9 mars 2018 (n° 17-70.040) de la Cour de cassation qui avait été saisie pour avis, sur la question du lissage du loyer (augmentation de 10 % du loyer par an en cas de déplafonnement tel qu’instauré par le dernier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce issu de la Loi Pinel), dans lequel elle a retenu que :

« Le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce n'instaure, dans les cas qu'il détermine, qu'un étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative ».

Elle avait ainsi jugé que :

« Il n'entre pas dans l'office du juge des loyers commerciaux, mais dans celui des parties, d'arrêter l'échéancier des loyers qui seront exigibles durant la période au cours de laquelle s'applique l'étalement de la hausse du loyer instauré par ce texte ».

Les parties pourraient ainsi prévoir une clause d’indexation classique, tout en prévoyant un étalement du paiement du loyer indexé, ce qui ressemblerait alors à un lissage de l’indexation.

Cela étant, un tel mécanisme pourrait subir les sanctions de la Cour de cassation puisque, à l’inverse des articles L. 145-38 et L. 145-39 du code de commerce, les dispositions relatives à la fixation du loyer du bail renouvelé, à savoir les articles L. 145-33 et L. 145-34 du même code, ne sont pas d’ordre public. 

Dès lors, pour s’assurer de l’efficacité d’un mécanisme contractuel, les parties seront invitées à prévoir, dès la conclusion du contrat, une variation prédéfinie du loyer et ce, tout au long du bail.

Pour illustration, la Haute juridiction a récemment validé la clause d'un bail commercial instaurant une augmentation forfaitaire du loyer annuel de 4,5 % par an, indépendamment des prescriptions liées à la révision ou à l'indexation (Cass. 3ème civ., 22 juin 2022, n° 21-16.042).

Un tel bail emprunterait d’ailleurs ses stipulations au bail à paliers, mécanisme accepté par la Haute juridiction (Cass., 3ème civ., 6 mars 2013, n° 12-13.962).

Nicolas Pchibich 

Avocat Associé 

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