Caractérisation du délit de pratique commerciale trompeuse par un exploitant d’un site e-commerce
mardi 30 avril 2019

Caractérisation du délit de pratique commerciale trompeuse par un exploitant d’un site e-commerce

L'absence de livraison et de remboursement dans les délais mentionnés par le professionnel, qui a laissé perdurer la situation sans chercher à y remédier alors qu’il était averti des difficultés de ces pratiques commerciales, caractérise le délit de pratique commerciale trompeuse.

Dans un arrêt du 29 janvier 2019, la Cour de cassation rejette un pourvoi formé contre un arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 20 septembre 2017 ayant caractérisé le délit de pratique commerciale trompeuse à l’égard d’un professionnel exploitant un site de e-commerce (ci-après le « Professionnel »).

Pour mémoire, l’article L. 121-2 du Code de commerce précise qu’« une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

1) Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;  

2) Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : 

a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; 

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; 

c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ; 

d) Le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation ; 

e) La portée des engagements de l'annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ; 

f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ; 

g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ; 

3) Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n'est pas clairement identifiable.

En l’espèce, il résultait notamment des pièces de procédure que la direction départementale de la protection des populations (DDPP) des Hauts-de-Seine avait reçu, entre mars et juillet 2011, de nombreuses plaintes de consommateurs concernant des problèmes de livraisons de commandes passées auprès du Professionnel et des difficultés de remboursement.

A la suite, le Professionnel et son dirigeant ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel du chef de pratiques commerciales trompeuses pour avoir, en ne respectant pas leurs engagements de livraison et de remboursement, en proposant aux clients un service après-vente par téléphone, courrier ou mail mais en ne répondant pas, commis une pratique commerciale trompeuse reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur la disponibilité du bien, les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien, la portée des engagements de l'annonceur, le traitement des réclamations et les droits du consommateur.

Le Professionnel et son dirigeant, déclarés coupables des faits reprochés en première instance, ont interjeté appel.

La Cour d’appel de Versailles a confirmé partiellement le jugement de première instance en déclarant le Professionnel et son dirigeant coupables de pratiques commerciales trompeuses, et a condamné le dirigeant à la peine d'emprisonnement de dix-huit mois avec sursis avec mise à l'épreuve pendant trois ans avec obligation de rembourser les victimes, et le Professionnel à une peine d'amende de 20.000 euros.

Les juges d’appel ont en effet considéré que l'infraction reprochée était suffisamment caractérisée dès lors que :

  • que le nombre des litiges, s'il apparaît minime au regard du volume global des commandes, demeure significatif ; 
  • que le prévenu n'a pas nié la réalité et le bien fondé des requêtes des clients ; 
  • qu'il a commis des négligences manifestes de gestion ; 
  • qu'il n'a pas proportionné le nombre de ses salariés à l'importance des litiges ; 
  • qu'il n'a pas informé sa clientèle des difficultés rencontrées, notamment à partir de septembre 2011 ; 
  • qu'il n'a pas contesté qu'il aurait dû le faire ; 
  • que les remboursements et les régularisations, lorsqu'ils sont intervenus, ont été tardifs, alors même que les règlements étaient immédiatement encaissés ; 
  • qu'il n'a pas corrigé totalement, comme il aurait dû le faire, les irrégularités relevées par l'administration quant à ses lignes téléphoniques ; 
  • que les litiges, au nombre de 1630, sont intervenus alors que la situation financière de son entreprise était satisfaisante, que son chiffre d'affaire avait progressé de 40% entre 2011 et 2012, et que cette tendance à la hausse s'était confirmée au début de l'année suivante ; 
  • que ces négligences de gestion, qui ont d'ailleurs été relevées par la comptable de l'entreprise Mme Arous, constituent, émanant d'un professionnel, l'élément intentionnel de l'infraction.

Le Professionnel a formé un pourvoi en cassation et soutenait notamment qu’en jugeant comme elle l’a fait, la Cour d’appel de Versailles aurait notamment violé les articles du Code de la consommation relatifs à la définition et à la sanction de la pratique commerciale trompeuse (articles L. 121-2 et L. 132-2, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016), aux motifs :

  • qu'en énonçant, pour entrer en voie de condamnation, que les prévenus ont commis des « négligences de gestion », la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, dès lors que devrait être caractérisé, selon le Professionnel, le caractère faux d'une mention expressément portée sur le moyen de communication utilisé pour caractériser le délit de pratique commerciale trompeuse ;
  • que les énonciations selon lesquelles le nombre des litiges est élevé et sont intervenus alors que la situation financière de la société était satisfaisante, ne permettraient pas davantage de caractériser des éléments constitutifs d'une pratique commerciale trompeuse ;
  • qu'en déduisant l'infraction en raison de la commission par les prévenus de « négligences », la Cour d'appel n'aurait pas caractérisé l’élément intentionnel du délit de pratique commerciale trompeuse.

La Cour de cassation ne suit pas l’argumentation du Professionnel et rejette le pourvoi en jugeant que :

« l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu'il ressort du procès-verbal de constat de la direction départementale de la protection des populations que, contrairement aux annonces de la société, les clients n'étaient ni livrés, ni remboursés dans les délais mentionnés et que, de plus, elle ne répondait ni au téléphone, ni aux mails, ni aux courriers ; que les juges énoncent que le prévenu n'a pas nié la réalité et le bien fondé des plaintes des clients ; que les juges ajoutent que les litiges, au nombre de 1 630, sont intervenus, alors que la situation financière de l'entreprise était satisfaisante avec un chiffre d'affaires en progression de 40% entre 2011 et 2012, tendance à la hausse confirmée au début de l'année suivante ; que la cour d'appel retient que l'annonce par la société de délais très courts de livraison et de remboursement était la base de son fonctionnement commercial et que le prévenu, averti des difficultés de ces pratiques commerciales, a laissé perdurer la situation et n'a même pas cherché à y remédier, notamment quant aux irrégularités relevées par l'administration quant à ses lignes téléphoniques ; que la cour d'appel en conclut que c'est tout à fait intentionnellement, s'agissant d'un professionnel, que ces pratiques commerciales trompeuses ont été mises en place et ont perduré ;

Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de pratiques commerciales trompeuses, a justifié sa décision »

Ainsi, selon la Cour de Cassation :

  • l’élément matériel de l’infraction ressort de l’absence de livraison et de remboursement dans les délais indiqués par le Professionnel, et de son absence de réponse aux réclamations des consommateurs, ce alors même que « l’annonce par la société de délais très courts de livraison et de remboursement était la base de son fonctionnement commercial »;
  • l’élément intentionnel ressort quant à lui du fait que le professionnel, averti de ces pratiques, a laissé perduré la situation sans chercher à y remédier.  

Cass. crim., 29 janv. 2019, n° 17-86.876

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