Prix du bail renouvelé en centres commerciaux : impact de la taxe foncière
lundi 22 mai 2023

Prix du bail renouvelé en centres commerciaux : impact de la taxe foncière

Pourquoi faut-il, lors de la fixation du prix du bail renouvelé, déduire le montant de la taxe foncière de la valeur locative, même dans les centres commerciaux ?

   

Une pratique devenue courante lors de la conclusion du bail, est celle du transfert de la taxe foncière sur le preneur, une telle pratique étant autorisée par l’article R. 145-35 du code de commerce.

Cela étant, il faut garder à l’esprit que, lors du renouvellement du bail, le montant de cette taxe foncière peut être déduit du loyer du bail à fixer.

Si les bailleurs s’y opposent dans la plupart des cas, pourquoi faut-il, lors de la fixation du prix du bail renouvelé, déduire le montant de la taxe foncière de la valeur locative et ce, même dans les centres commerciaux ?

Comme on le sait, le prix du bail renouvelé est fixé au regard des dispositions de l’article L. 145-33 du code de commerce, qui prévoit que :

« Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.


A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1 Les caractéristiques du local considéré ;


2 La destination des lieux ;


3 Les obligations respectives des parties ;


4 Les facteurs locaux de commercialité ;


5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;


Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments ».

Le décret visé par ce texte a été codifié aux articles R. 145-2 et suivants du code commerce.

Plus précisément, les obligations respectives des parties visent les obligations stipulées dans le bail, à savoir les clauses et conditions du bail.

Sont-elles avantageuses pour le preneur ? Sont-elles avantageuses pour le bailleur ?

Dans un même bail, il peut être stipulé des clauses permettant au bailleur, de majorer la valeur locative de son local lors du renouvellement du bail commercial. 

Ce sera le cas par exemple, d’une clause permettant au preneur de sous-louer son local commercial.

Pour une clause permettant au locataire de minorer la valeur locative, on peut citer la clause d’accession différée en fin de jouissance.

Plus précisément, qu’en est-il de la taxe foncière lorsque, par le biais d’une stipulation expresse, son coût est supporté par le preneur ?

Il faut dès lors se référer à l’article R. 145-8 du code commerce, qui prévoit que :

« Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.

Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé ».

Le paiement de la taxe foncière incombe normalement au bailleur puisqu’elle est attachée à la propriété.

Le décret d’application de la loi Pinel, notamment codifié à l’article R. 145-35 du code de commerce précise d’ailleurs que : « Ne peuvent être imputés au locataire les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l'immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ».

Le transfert du coût de la taxe foncière sur le preneur n’est donc pas un principe, même si cet usage existait avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel.

Quoiqu’il en soit, les juridictions acceptent volontiers de déduire de la valeur locative, le montant de cette taxe pour fixer le loyer du bail renouvelé.

Elles suivent la position de la position de la Cour de cassation (Cass. 3ème civ., 1 février 2011, n° 09-10808 ; Cass. 3ème civ., 24 mars 2015, n° 13-23553), même si elle a pu rendre un arrêt dissident (Cass. 3ème civ., 16 mars 2017, n° 16-11972).

Pourtant, dans certaines circonstances, notamment lorsqu’il s’agit de fixer le loyer d’un bail commercial situé dans un centre commercial, certaines juridictions du fond ne pratiquent pas un tel abattement.

Elles considèrent que dans un centre commercial, l’ensemble des loyers de référence des autres boutiques comporte une clause de transfert de l’impôt foncier sur le preneur, ce qui reviendrait in fine à pratiquer un double abattement, puisque dans la fixation d’origine du loyer de la référence, cet élément a déjà été pris en compte par les parties.

Pour statuer ainsi, elles sont souvent influencées par les experts judiciaires qu’elles désignent.

Cela étant, il faut rappeler que le juge statue en droit, et que le texte ne souffre aucune ambiguïté.

« les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages ».

C’est au visa de ce texte que la plupart des juridictions statuent, en déduisant de la valeur locative le montant de la taxe foncière.

On peut citer pour illustration, différentes décisions :

  • CA Paris, 30 novembre 2011, RG n° 10/05085 :

    « L’article R. 145-8 du code de commerce précise bien que toutes les obligations dont le bailleur s’est déchargé sur son locataire constituent un facteur de diminution de la valeur locative.

    L’impôt foncier pèse en principe sur le bailleur et l’allégation que l’usage en centre commercial est de faire supporter par le preneur la charge de l’impôt foncier est inopérante dès lors qu’un tel usage, à le supposer établi, ne peut contrevenir à une disposition claire de la loi… ».


  • CA Versailles, 18 décembre 2018, RG n° 17/05522 :

    « Le fait que les loyers de référence des autres boutiques du centre commercial incluent les mêmes charges ne peut faire obstacle à l'application des dispositions de l'article R. 145-8 précité, étant précisé que les loyers de voisinage ne servent que de référence, la valeur locative du local considéré étant fixée en fonction des dispositions légales et de ses caractéristiques propres.

    L'impôt foncier, de même que la taxe sur les bureaux et locaux commerciaux et les primes d'assurance propres à l'immeuble, sont des charges qui pèsent en principe sur le bailleur, de sorte que la clause du bail transposant ces charges sur le preneur est une clause exorbitante du droit commun.

    Il convient dès lors de déduire, de la valeur locative brute, le montant de la taxe foncière, de la taxe sur les bureaux et locaux commerciaux et des primes d'assurance de l'immeuble ».

  • CA Caen, 31 mars 2022, n° 20/00859 :

    « C'est à tort que le premier juge a retenu qu'il est d'usage, dans les centres commerciaux, que les charges relatives au remboursement de la taxe foncière soient imposées au preneur et que les valeurs locatives de référence concernent des locaux et des baux incluant la prise en charge par le preneur de l'impôt foncier, alors que, sauf disposition expresse, le paiement de la taxe foncière est à la charge du bailleur et que les obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire, constituent un facteur de diminution de la valeur locative ».

Les motivations de ces juridictions ne peuvent être plus explicites.

Pour s’en convaincre, il suffit de se référer à la Haute juridiction qui, depuis quelques années maintenant, maintient sa position, parfois par des arrêts de principe, en jugeant constamment qu’il convient de déduire de la valeur locative, le montant de la taxe foncière (Cass. 3ème civ., 23 mai 2019, n° 18-14917 ; Cass. 3ème civ., 8 avril 2021, n° 19-23183 ; Cass. 3ème civ., 24 novembre 2021, n° 20-21570 ; Cass. 3ème civ., 25 janvier 2023, 21-21.943).


Nicolas Pchibich
Avocat Associé



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