Clauses abusives dans les contrats avec les développeurs d’application
jeudi 1 juin 2023

Clauses abusives dans les contrats avec les développeurs d’application

Les dispositions sanctionnant le déséquilibre significatif constituent une loi de police. C’est sur ce fondement que 6 clauses des contrats conclus entre Apple et des développeurs d’application ont été déclarées abusives par le Tribunal de commerce de Paris.

Le 19 décembre 2022 le Tribunal de commerce de Paris a rendu un jugement sanctionnant des clauses jugées abusives dans les contrats proposés aux développeurs d’application par Apple. 

La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (ci-après « DGCCRF ») a ouvert en 2015 une enquête relative aux relations commerciales entre les sociétés du groupes Apple (Apple Distribution International Limited, Apple INC et Apple Software Services Limited ci-après « Apple ») et les développeurs d’application sur l’App Store. 

Ces relations commerciales se matérialisent notamment par un contrat définissant la relation contractuelle entre Apple et les développeurs d’application.

A la suite de cette enquête, le Ministre de l’Economie et des Finances (ci-après le « Ministre »), considérant qu’un certain nombre de clauses de ce contrat créaient un déséquilibre significatif à l’égard des développeurs, a assigné Apple devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir sanctionnée sur le fondement de l’article L. 442-6 2° du Code de commerce, et notamment pour qu’une amende civile d’un montant de 2 millions d’euros soit prononcée à son encontre.

Dans sa décision du 19 décembre 2022, le Tribunal de commerce de Paris (ci-après le « Tribunal ») affirme le caractère de loi de police de l’article sanctionnant le déséquilibre significatif (1), et confirme le caractère significativement déséquilibré de plusieurs clauses stipulées dans le contrat en cause (2). 

1. Sur le caractère de loi de police de l’article sanctionnant le déséquilibre significatif 

Le Tribunal considère qu’au regard de l’article 9 du Règlement Rome I, et au regard du considérant 9 du Règlement 1/2003 (Règlement n° 1/2003 du 16 décembre 2002), les dispositions des articles L. 442-6 2° et L. 422-6 III du Code de commerce constituent une loi de police. Son respect est jugé crucial pour la préservation d’une certaine égalité des armes et loyauté entre partenaires économiques, et est donc indispensable pour l’organisation économique et sociale de la France, au sens de l’article 9 du règlement Rome I précité, définissant une loi de police. 

2. Sur la caractérisation des clauses abusives 

Premièrement, le Tribunal juge que la place incontestable de leader sur le marché de l’App Store et le rapport de force déséquilibré entre Apple et ses co-contractants permet de caractériser la condition de soumission de l’article L. 442-6, 1, 2°. Le rôle incontournable d’Apple et sa puissance de négociation sont notamment révélés par un faisceau d’indices tels que sa taille, sa notoriété, l’absence de marge réelle de négociation des co-contractants, ou encore la présence des clauses litigieuses dans tous les contrats, indices qui sont tous réunis en l’espèce juge le Tribunal.   

Sur les 11 clauses considérées comme abusives par le Ministre, le Tribunal en retient 6. 

Parmi les clauses considérées comme abusives peuvent être relevées notamment des clauses prévoyant des facultés unilatérales à Apple telles que la possibilité de modifier unilatéralement le contrat, la faculté de modifier à sa seule discrétion la distribution d’une application ou l’accès à ses services ou encore celle offrant à Apple des conditions de résiliation asymétrique. 

Ont encore été considérées comme abusives des clauses dépourvues de contrepartie ou de réciprocité telles que celle limitant les actions en justice des développeurs, celle prévoyant des conditions de notification plus favorable à Apple qu’à ses développeurs, et celle exonérant Apple de toute garantie et responsabilité à l’égard des tiers sur les produits. 

Au contraire, du fait, notamment de leur caractère courant, voire bénéfique aux développeurs, le Tribunal a considéré que certaines clauses ne créent pas de déséquilibre significatif. C’est par exemple le cas de la clause imposant aux développeurs d’application l’exclusivité du système de paiement d’Apple, de celle imposant sur chaque transaction payante le prélèvement d’une commission de 30% au profit d’Apple ou encore de celle imposant aux développeurs de fixer les tarifs de leur application parmi une grille.

En conséquence, le Tribunal prononce finalement une amende civile de 1.090.909 € à l’encontre d’Apple. 

T. com. Paris, 19 dec. 2022, n° 2017040626

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