jeudi 11 décembre 2014

Loi ESS : quelles conséquences pour les réseaux de franchise ?

Article à jour de la loi Macron du 6 août 2015.

Depuis le 1er novembre 2014, les salariés des entreprises de moins de 250 salariés doivent être informés de tout projet de cession de l’entreprise. C’est la mesure phare de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (dite "loi ESS" ou "loi Hamon"), dont un premier décret d’application vient a été publié au Journal Officiel (Décret n°2014-1254 du 28 octobre 2014 relatif à l’information des salariés en cas de cession de leur entreprise, publié au Journal officiel du 29 octobre 2014). L’objectif affiché est de permettre aux salariés de présenter une offre de reprise.

Alors que la loi est consacrée au secteur de l’économie sociale et solidaire, désignant un ensemble d’entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles, associations ou fondations dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés sur un principe de solidarité et d’utilité sociale, les articles 19 et 20 de la loi relatifs à l’information des salariés en cas de cession de leur entreprise vont bien au-delà de ce secteur, puisqu’ils intéressent toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité, dès lors qu’elles emploient moins de 250 salariés. Les franchiseurs et les franchisés sont donc également concernés.

Cette mesure a suscité de nombreuses critiques tant en raison de son absence de portée pratique, que de ses difficultés de mise en oeuvre de la sanction attachée à sa violation. La loi Macron du 6 août 2015 suivie de décrets d'application des 28 décembre 2015 et 4 janvier 2016, sont venus préciser les contours et atténuer la rigidité de ces deux articles de la loi ESS pour prendre partiellement en compte la critique de la doctrine et de la pratique.

Quel est le champ d’application du droit d’information des salariés ? Quelles sont les obligations mises à la charge des chefs d’entreprises, franchisés ou franchiseurs et quelles conséquences le droit d’information des salariés a-t-il, en pratique, dans les relations entre le franchiseur et les franchisés.

I -  Champ d’application de la loi ESS

La loi ESS instaure un droit d’information préalable des salariés en cas de projet de vente d'entreprise de moins de 250 salariés par voie de cession :

- d’un fonds de commerce ;
- d’une participation représentant plus de 50% des parts sociales d’une SARL ou des actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions.

Ne sont donc pas concernées les cessions de droit au bail, pour autant qu’il s’agisse bien d’une cession de droit au bail, et non d’une cession de fonds de commerce déguisée en cession de droit au bail. En effet, dès lors que la cession s’accompagne d’une transmission de clientèle, l’on est en présence d’une cession de fonds de commerce. Les salariés seraient, dès lors, fondés à contester la cession qui serait intervenue en fraude de leur droit d’information. (voir sur ce sujet notre article "Vente du droit au bail ou vente du fonds de commerce")

De même, la cession d’un bloc minoritaire à un autre actionnaire conférant à celui-ci la majorité du capital n’est pas soumise à l’obligation d’information des salariés.

En outre, le terme de "cession" retenu par la loi ESS est remplacé par celui de "vente", ce qui exclut désormais clairement les autres mode de transfert de propriété tels que l'apport en société, les fusions, l'échange, la transaction, la donation, la transmission par voie de succession, de liquidation du régime matrimonial.

Le dispositif est applicable :

aux entreprises qui n’ont pas l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise en application de l’article L.2322-1 du Code du travail : il s’agit des entreprises de moins de 50 salariés ;

aux entreprises soumises à l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise en application de l’article L.2322-1 du Code du travail et se trouvant, à la clôture du dernier exercice, dans la catégorie des PME au sens de l’article 51 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, c’est-à-dire les entreprises qui, d’une part, emploient moins de 250 personnes et qui, d’autre part, ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros : il s’agit donc des PME employant de 50 à 249 salariés.

Le texte est entré en application au 1er novembre 2014.

Enfin, l'information ne s'impose pas si, dans les 12 mois précédent la vente, le dirigeant a déjà informé ses salariés sur les possibilités de reprise dans le cadre de son obligation triennale.

II – Les modalités du droit d’information préalable des salariés

Délais d'information:

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, lorsque le propriétaire d’un fonds de commerce ou d’une participation représentant plus de 50% des parts sociales, ou d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par action envisage la vente du fonds ou des titres, il a l’obligation d’en informer les salariés au plus tard deux mois avant la conclusion du contrat de vente (précision apportée par le décret n°2015-1811 du 28 décembre 2015). 

Les salariés disposent donc d’un délai de deux mois à compter de l’information qui leur est faite par le propriétaire du fonds ou des titres pour présenter une offre de rachat, la cession pouvant toutefois intervenir avant l’expiration du délai de deux mois dès lors que tous les salariés ont fait connaître au cédant leur décision de ne pas présenter une offre.

Moyens de l'information: 

Dans les entreprises de 50 à 249 salariés, le projet doit être porté à la connaissance des salariés au plus tard en même temps que l’information du comité d’entreprise. En cas d’absences concomitantes du comité d’entreprise et de délégué du personnel constatées par un procès-verbal de carence, la cession est soumise au délai de deux mois.

L’information des salariés peut être effectuée par tout moyen de nature à rendre certaine la date de sa réception par les salariés. Le décret du 28 octobre 2014 est venu préciser que l’information peut ainsi être effectuée :

- au cours d’une réunion d’information des salariés à l’issue de laquelle ces derniers signent le registre de présence à cette réunion,
- par un affichage, la date de réception de l’information étant celle apposée par le salarié sur un registre accompagnée de sa signature attestant qu’il a pris connaissance de cet affichage ;
- par courrier électronique, à la condition que la date de réception puisse être certifiée ;
- par remise en main propre, contre émargement ou récépissé, d’un document écrit mentionnant les informations requises ;
- par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Dans ce cas, l'information est désormais considérée comme délivrée au salarié à la date de première présentation du courrier ;
- par acte extrajudiciaire ;
- par tout autre moyen de nature à rendre certaine la date de réception.

Contenu de l'information:

La loi ne précise pas en revanche la nature exacte des informations devant être portées à la connaissance des salariés. Le Ministère de l’économie a précisé, dans un guide pratique publié à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi, que le cédant n’a l’obligation d’informer les salariés que de sa volonté de procéder à une vente et du fait que les salariés peuvent présenter une offre d’achat. La loi n’impose la transmission d’aucune autre information. Le cédant n’a donc pas l’obligation d’informer les salariés de l’existence de repreneurs externes, et a fortiori de communiquer leur identité, pas plus qu’il n’a l’obligation de mentionner le prix de vente.

Le texte permet ainsi d'informer les salariés sans que n'existe un véritable projet de cession, afin de seulement faire courir le délai légal de deux mois et de n'avoir pas à les informer dans un délai de deux ans suivant cette notification lorsque surviendra la vraie cession. Le cédant n'est jamais tenu d'accepter l'offre des salariés. On voit ici que cette mesure a plus une portée politique et symbolique : elle ne peut être efficace et contribuera essentiellement à alourdir la gestion des transactions et à renforcer les coûts, outre les difficultés managériales que cette information peut provoquer.

Le texte précise que la vente doit intervenir dans un délai maximal de deux ans après l'expiration du délai d'information des salariés. Passé ce délai, toute cession soit à nouveau être soumise à l'information des salariés. Dès lors que l'obligation des entreprises se limite à informer les salariés de son intention de céder, sans qu'elles ne soient tenues de mentionner les conditions de la cession ni l'existence d'un repreneur, et que les salariés ne bénéficient pas d'un droit de préférence, ainsi qu'il sera précisé plus loin, elles pourraient avoir intérêt à informer les salariés de tout éventuel projet de cession pouvant intervenir dans un délai de deux ans (y compris en l'absence d'intention réelle de céder), de manière à purger préalablement le droit d'information des salariés.

Les salariés sont tenus à une obligation de discrétion, sauf à l’égard des personnes dont le concours est nécessaire pour leur permettre de présenter une offre de rachat. Ils peuvent demander à être assistés par un représentant de la chambre de commerce et d’industrie, de l’agriculture ou des métiers, ou par toute personne désignés par eux, la personne chargée de les assister étant elle tenue à une obligation de confidentialité. Cependant, aucune sanction n’est prévue en cas de manquement du salarié à son obligation de discrétion, ce qui pose le problème de l’effectivité de l’obligation de discrétion. Dans ces conditions, il est préférable, afin d’éviter toute fuite préjudiciable à la réalisation de l’opération, de se limiter aux seules informations dont la communication est rendue obligatoire aux termes de la loi, à savoir : l’intention de céder du cédant, d’une part, et la possibilité pour les salariés de présenter une offre de rachat, d’autre part.

Le défaut d’information des salariés était initialement sanctionné par la nullité de la cession, laquelle peut être demandée par tous salariés. L’action en nullité se prescrit dans un délai de deux mois, dont le point de départ varie selon l’objet de l’opération. La loi Macron a substitué à cette sanction, celle d'une amende civile limitée à 2% du montant de la vente. L'action se prescrit dans un délai de deux mois, dont le point de départ varie selon l'objet de l'opération. En cas de cession de fonds de commerce, la loi prévoit que le délai court à compter de la date de publication de l’avis de cession du fonds. La publication des ventes de fonds de commerce dans un journal d'annonces légales ayant été supprimée, le délai court donc à compter de la publication au BODACC..

S’agissant des ventes de participation, la loi prévoit que le délai court « à compter de la date de publication de la vente de la participation ou de la date à laquelle tous les salariés en ont été informés ». Cette distinction tient au fait que les cessions des parts de SARL faisaient l’objet d’une publication au registre du commerce et des sociétés, tandis que les cessions d’actions n’étaient pas publiées. Cependant, l’ordonnance n°2014-863 relative au droit des sociétés prise le 31 juillet 2014, soit le même jour que la loi ESS, a supprimé l’obligation de publicité des cessions de parts sociales de SARL. Le délai de prescription court donc pour toutes les cessions de participations à compter de la date à laquelle tous les salariés ont été informés. En pratique, une nouvelle information devra donc être adressée aux salariés une fois la cession réalisée afin de faire courir le délai de prescription. 

La sanction risque donc de pénaliser le cédant qui est débiteur de l'information mais la sécurité juridique est sauve et les salariés n'auront pas grand intérêt à faire valoir la sanction puisqu'ils ne pourront être indemnisés que s'ils démontrent une réelle perte de chance de contracter. Or on ne voit pas comment il pourrait y avoir une perte de chance puisque le vendeur n'est jamais tenu de leur vendre, et quand bien même, il faudrait que le salarié démontre qu'il était en capacité d'acheter (et donc de financer) au moment où il aurait dû recevoir l'information.

III – Quelles conséquences dans les relations franchiseur/franchisé ?

La plupart des contrats de franchise prévoient un droit de préférence et/ou de préemption au profit du franchiseur en cas de cession de son fonds de commerce par le franchisé, ou en cas de cession des titres de la société franchisée. Comment le droit de préférence et/ou de préemption du franchiseur se combine-t-il avec le nouveau droit d’information des salariés ?

La loi ESS met uniquement à la charge des entreprises une obligation d’information des salariés en cas de projet de vente. Contrairement à ce qui avait été envisagé initialement par le législateur, elle ne confère pas aux salariés un droit de préférence, le cédant restant libre, dans le cas où des salariés présenteraient une offre, de ne pas entrer en négociation avec eux et de la refuser. Le droit d’information des salariés ne fait donc pas échec à l’application des mécanismes contractuels de préférence et/ou préemption.

Les franchiseurs peuvent donc être rassurés de ce point de vue. Il conviendra toutefois de veiller à ce que les délais d’exercice du droit de préemption du franchiseur soient compatibles avec les délais d’information des salariés. Le franchisé devra en outre s’engager à purger le droit d’information des salariés, et à garantir le franchiseur, dans l’hypothèse où une cession interviendrait à son profit suite à l’exercice du droit de préemption, en cas d’action en responsabilité intentée par un salarié sur le fondement de la violation du droit d’information des salariés.

Si l’objectif affiché du dispositif est de faciliter la transmission des entreprises aux salariés, il est certain que ces mesures ne feront qu'alourdir sans utilité réelle les processus de cession, en allongeant les délais de réalisation. BRAVO M.HAMON!

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