Hausse de l’électricité : choisissez votre fournisseur
mercredi 10 avril 2024

Hausse de l’électricité : choisissez votre fournisseur

Face à la hausse des tarifs de l’électricité, le bailleur peut-il vous imposer un fournisseur ? 

Doit-il mettre à disposition du locataire commercial un point de livraison en électricité ? 

Pourquoi ne pas réduire sa consommation ? 

Le coût de l’électricité a fortement augmenté ces derniers temps, de sorte que la question se pose pour les preneurs, de changer de fournisseur pouvant pratiquer des tarifs plus compétitifs. 

Mais le peuvent-ils lorsque le bailleur leur impose un fournisseur ?  

Le cas échéant, à qui incombent les travaux de raccordement permettant de bénéficier d’un point de livraison en électricité ? 

Pour répondre à ces questions qui risquent de se poser très prochainement, il convient ainsi de combiner la législation des baux commerciaux et les dispositions tirées du droit de l’énergie. 

Bail commercial et obligation de délivrance  

En matière de bail commercial, l’article 1719 du code civil pose le principe de l’obligation de délivrance du bailleur. 

L’article 1170 du code civil, issu de la réforme du droit des obligations du 10 février 2016, dispose que « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». 

Au regard de cette obligation, la jurisprudence rappelle que le bailleur peut transférer certains travaux sur le locataire, tant que ce transfert n’exonère pas le bailleur de son obligation de délivrance et ce, sous réserve d’une stipulation expresse (Cass. 3ème civ., 3 mai 2007, Bull. civ. III, n° 66 ; Cass. 3ème civ., 27 sept. 2011, n° 10-24065 ; Cass. 3ème civ., 26 janvier 2022, n° 18-23578). 

A défaut de stipulation expresse, il appartient au bailleur de procéder aux travaux nécessaires. 

Pour illustration, en matière de travaux de mise aux normes des installations électriques, la jurisprudence émanant de la Haute juridiction rappelle qu’à défaut de stipulation expresse, les travaux de mise aux normes de l'installation électrique sont imputables au bailleur (Cass. 3ème civ., 9 nov. 2010, n° 09-69.762 ; Cass. 3ème civ., 18 mai 2011, n° 10-15.946 ; Cass. 3ème civ., 15 février 2018, n°16-26889). 

S’agissant des travaux touchant à la structure de l’immeuble, permettant l’exercice de l’activité pour laquelle le bail commercial a été consenti, la jurisprudence permet au locataire d’obtenir leur prise en charge par le bailleur. 

De même, en présence d’une clause du bail commercial stipulant que le preneur accepte « de prendre les locaux en l’état où ils se trouvent sans pouvoir réclamer au bailleur quelque travaux ou réparations que ce soit », la jurisprudence assimile ce type de clause à une clause « de style » et refuse d’y voir l’expression de la volonté des parties (Cass. 3ème civ., 5 juin 2002, n° 00-19037 ; Cass. 3ème civ., 20 janvier 2009, n° 07-20854). 

S’agissant de travaux de raccordement électrique, il a été jugé par la Haute juridiction que la clause d'un bail commercial par laquelle le locataire accepte de prendre les locaux en l'état ne suffit pas à faire peser sur lui les travaux de raccordement du local au réseau des eaux usées et au réseau électrique, faute de clause expresse en ce sens (Cass. 3ème civ., 11 octobre 2018, n° 17-18.553). 

L’absence de délivrance du bailleur engage sa responsabilité, la sanction pouvant être l’exécution forcée. 

Pour illustration, un bailleur ayant fait bail à usage de restauration, peut être condamné à rétablir un réseau d'évacuation de l'air vicié conforme aux normes (Cass. 3ème civ., 14 septembre 2017, n° 16-21799). 

Energie et choix du prestataire 

La législation en matière d’énergie a fortement évolué au cours de ces vingt dernières années. 

En ce qui nous concerne, on peut relever les dispositions suivantes : 

L’article L. 331-1 du code de l'énergie, tel que modifié par Loi du 8 novembre 2019, prévoit dorénavant que : « Tout client qui achète de l'électricité pour sa propre consommation ou qui achète de l'électricité pour la revendre a le droit de choisir son fournisseur d'électricité ». 

L’article L. 331-2 du même code dispose : « Tout consommateur final d'électricité exerce le droit prévu à l'article L. 331-1 par site de consommation ». 

A ce jour, la jurisprudence qui a pu se développer à ce sujet concerne principalement l’interdiction de la « rétrocession d’électricité » (CA Versailles, 12e ch., 19 juin 2012, n° 11/00158). 

Un arrêt rendu par la cour d’appel de Besançon est particulièrement intéressant à cet égard, en ce qu’il a jugé : 

« Cette clause est effectivement contraire aux dispositions de l'article L 331-1 du code de l'énergie aux termes duquel tout client qui achète de l'électricité pour sa propre consommation a le droit de choisir son fournisseur d'électricité » (CA Besançon, juin 2019, n° 18/01071). 
           

Combinaison des règles de droit des baux commerciaux et de choix du prestaire d'énergie
 

Il apparaît que certaines clauses stipulées dans les baux commerciaux, peuvent contrevenir tant à lobligation de délivrance du bailleur, qu’à la liberté de choix par le consommateur final de son fournisseur d’électricité. 

Est-ce néanmoins à considérer que la jurisprudence impose au bailleur l’obligation de permettre à chaque locataire de disposer de son propre point de livraison en électricité ? 

Compte tenu, jusqu’à présent, des enjeux parfois peu élevés liés de ces litiges, et de leur complexité, la jurisprudence n’est pas particulièrement abondante à ce sujet. 

Il convient néanmoins de relever une décision de la cour d’appel de Nancy en date du 26 juillet 2018, dans laquelle il a été jugé que : 

« Qu'il y a lieu en conséquence d'ordonner à la société SG Consulting de procéder à la mise en place d'un compteur électrique individuel soit dans le logement loué à Mme P., soit dans un endroit librement accessible à celle-ci, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt ; 

Attendu que si la mise en place d'un compteur individuel devrait aussi en principe permettre à la locataire de souscrire un contrat d'abonnement individuel auprès d'un fournisseur d'électricité de son choix, aucune demande expresse en ce sens n'est toutefois formulée dans le dispositif des conclusions de Mme P. et il n'y a donc pas lieu pour la cour de statuer sur ce point » (CA Nancy, 26 juillet 2018, n°17/00005). 

Il semble possible de supposer que la cour d’appel aurait fait droit à une telle demande si elle avait été formulée par le preneur. 


La cour d’appel de Paris a dû, pour sa part, se prononcer sur la clause suivante : 

 « Les preneurs devront souscrire à leurs frais tous branchements et abonnements auprès de la compagnie des eaux, électricité et gaz de France, télécommunications et resteront garants des paiements de telle manière que le bailleur ne puisse être en aucun cas recherché ou inquiété à ce sujet ». 

Elle a statué ainsi :  

« Sur l’obligation de délivrance : 

… 

Le bailleur ne peut par une clause spéciale du bail s’exonérer de l’obligation de procéder aux travaux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l’immeuble ou encore l’installation électrique.  

… 

La clause du bail mettant à la charge du preneur l’obligation de faire procéder au « branchement et abonnement » doit recevoir une interprétation stricte et ne peut se comprendre d’un branchement électrique en limite de propriété, pour un coût de 24.000 euros, disproportionné par rapport au montant du loyer payé par la locataire, mais seulement du raccordement à l’alimentation électrique de l’immeuble dans lequel étaient situés les locaux pris à bail » (CA Paris, 15 mars 2017, n° 15/00941). 

La cour d’appel a ainsi également reconnu le principe de la liberté du choix du fournisseur et la nécessité, pour le preneur, de pouvoir bénéficier de son propre raccordement. 

Toutefois, elle a fait application du principe de proportionnalité. 

Chaque situation ayant ses propre particularités, il demeure possible, pour les locataires, de solliciter du bailleur la prise en charge du coût des travaux lui permettant de bénéficier d’un point de livraison électrique et de choisir son fournisseur. 



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