Point de départ de la prescription pour la restitution de charges
L’action en répétition des charges indûment perçues par le bailleur se prescrit par cinq ans à compter du jour de la régularisation des charges, et non à compter de leur paiement par provision.
Il s’agit d’une décision très intéressante en ce qu’elle permet au preneur d’ « allonger » le délai de prescription de l’action en restitution des provisions pour charges qu’il a versées.
En l’espèce, le bail commercial n’était pas soumis aux dispositions de la loi Pinel.
Nous savons qu’encore à ce jour, nous connaissons une dualité de régime des baux commerciaux.
Ceux qui sont soumis à la loi Pinel, et ceux qui ne le sont pas, parce qu’ils n’ont pas encore fait l’objet d’un renouvellement.
Quoiqu’il en soit, les questions relatives à la restitution des provisions pour charges ont nourri de nombreux contentieux.
On se rappelle, pour illustration, de la décision de la Cour de cassation du 5 novembre 2014, (n° 13-24451), par laquelle il avait été jugé que l'absence de régularisation des charges dans les conditions prévues au bail commercial rendait sans cause les appels trimestriels de provision à valoir sur le paiement de charges et qu'en l'absence de régularisation des charges, le remboursement des provisions versées par la société locataire devait être ordonné.
Si les différentes juridictions ont suivi la solution de la Haute juridiction, rares sont celles qui se sont prononcées sur le point de départ de la prescription.
On sait que la durée de cette prescription est de cinq ans, mais il est plus délicat d’en déterminer le point de départ, sauf à considérer, comme certains le font de manière classique, que l’on ne peut solliciter le remboursement des charges sur les cinq dernières années à compter de la date de l’assignation.
Mais tel n’est pas le cas.
En effet, le tribunal a jugé qu’il convient de fixer le point de départ du délai de prescription de cinq ans, à la date à laquelle le preneur a eu connaissance de la régularisation des charges.
Ce n’est donc pas le paiement des charges locatives par provisions qui constitue le point de départ de l’action en remboursement des charges indues.
Une telle solution avait déjà été rendue en matière de bail d’habitation (Cass., 3ème civ., 9 novembre 2017, n° 16-22445 ; Cass., 3ème civ., 6 mai 2021, n° 20-11707).
Ainsi le délai de prescription pour contester les charges payées peut se voir « allongé », au bénéfice du preneur.
S’agissant des baux commerciaux conclus ou renouvelés à compter du 14 novembre 2014, on sait que, selon l’article R. 145-36 du code de commerce, l'état récapitulatif annuel mentionné au premier alinéa de l'article L. 145-40-2, qui inclut la liquidation et la régularisation des comptes de charges, doit être communiqué au locataire au plus tard le 30 septembre de l'année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans le délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l'exercice annuel.
Même si le législateur n’a pas prévu de sanctions spécifiques en cas d’inobservation de ces dispositions par le bailleur, il apparaît évident que celle liée à une absence de régularisation de charges serait a minima identique à celle dégagée par la Cour de cassation pour les baux commerciaux non soumis à la loi Pinel.
Par ailleurs, les dispositions des articles L. 145-40-2 et R. 145-36 du code de commerce étant d’ordre public, diverses sanctions pourraient également être envisagées en cas de non-respect des délais concernant la communication de la régularisation des comptes de charges.
En outre, il faut rappeler que le texte prévoit que le bailleur doit communiquer à la demande locataire, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci.
TJ Paris, 18ème chambre – 2ème section, 6 octobre 2022
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