Licéité de la publicité comparative selon la Cour de Cassation
lundi 15 mai 2023

Licéité de la publicité comparative selon la Cour de Cassation

La licéité d’une publicité comparative de prix réalisée par un hypermarché sous enseigne Carrefour portant sur les prix pratiqués par deux hypermarchés concurrents sous enseigne Leclerc a été examinée par la Cour de Cassation dans un arrêt rendu le 22 mars 2023.

En l’espèce, la société Carrefour exploitant un hypermarché près de Caen, a fait réaliser un relevé de prix au sein de deux hypermarchés sous enseigne Leclerc à Caen (exploités par la société Caen Distribution) afin d’établir une publicité comparative sur les prix pratiqués par cette dernière. 

Cette publicité comparative a été publiée par Carrefour dans le journal Ouest-France du 30 janvier 2015. 

Le 3 avril 2015, la société Caen Distribution a alors fait dresser un procès-verbal par voie d’huissier de justice afin de rapprocher d’une part, les prix indiqués par Carrefour dans sa communication et d’autre part, les prix pratiqués par les deux hypermarchés Leclerc visés par la publicité, tant sur les prix indiqués dans les logiciels de gestion informatique des points de vente en cause que sur les prix indiqués sur les tickets de caisse à cette même date. 

La société Caen Distribution, estimant que la publicité comparative était fondée sur ses prix mais qu’ils étaient inexacts, assigna Carrefour sur le fondement des articles L. 120-I, L. 121-8 et L. 121-12 du Code de la Consommation visant les pratiques commerciales déloyales et ce notamment, les pratiques commerciales trompeuses réalisées par la violation de la règlementation applicable à la publicité comparative.  

La Cour d’Appel de Caen, en jugeant que la publicité comparative n’était pas illicite, a rejeté l’appel interjeté par la société Caen Distribution. Cette dernière a alors formé un pourvoi en cassation. 

La Cour de Cassation, confirmant la solution rendue par les juges du fond, rappelle le principe en vertu de l’article L. 121-8 du Code de la Consommation1 (issue de son ancienne rédaction applicable à l’espèce) selon lequel « pour être licite, une publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent, ne doit pas être trompeuse ou de nature à induire en erreur ». 

La Cour souligne à ce titre « qu’est trompeuse toute publicité qui, d’une manière quelconque, y compris sa présentation, induit en erreur ou est susceptible d’induire en erreur les personnes auxquelles elle s’adresse ou qu’elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d’affecter leur comportement économique ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptibles de porter préjudice à un concurrent ». 

La Cour poursuit en précisant également qu’une pratique commerciale « est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses, et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes ».

En somme, l’élément qui permet de conduire les juges à considérer la publicité comparative comme étant licite ou non ne porte pas essentiellement sur la véracité des informations comparées mais principalement sur les effets à l’égard des destinataires de la publicité, en appréciant si lesdites informations ont altéré ou ont été susceptibles d’altérer leur comportement économique. En d’autres termes, il s’agit de savoir si le destinataire de la publicité a pris une décision ou qu’il était susceptible de prendre une décision qu’il n’aurait pas pris sans la publicité comparative

En l’espèce, Carrefour avait présenté 227 produits dans la publicité comparative dont Leclerc a démontré que le prix de 45 d’entre eux était erroné car plus élevés que ceux réellement pratiqués. 

De plus, Carrefour annonçait que le panier moyen d’un client Leclerc était en moyenne 15,9 % plus cher que le sien alors qu’en considération des prix erronés, l’écart du panier était en réalité de 13 %. 

Malgré ces différences, la chambre commerciale de la Cour de Cassation estime que rien ne démontre en quoi, malgré les indications erronées de la publicité comparative, le consommateur « informé que le prix du panier était de 13% plus cher et non de 15,9% plus cher comme indiqué dans la publicité, aurait pour autant modifié son comportement ». 
Elle confirme la position adoptée par les juges d’appel qui avaient estimé que rien n’est de nature à démontrer en quoi « cette publicité comparative, même reposant sur des éléments faux dans la limite précédemment indiquée, ait été de nature à modifier le comportement économique du consommateur ». 

Pour conclure, à l’aune de cette jurisprudence, la publicité comparative n’est trompeuse et donc illicite que s’il est avéré qu’elle a altéré ou a été susceptible d’altérer le comportement économique de son destinataire et donc que la publicité comparative a eu pour effet à ce que le consommateur prenne une décision ou aurait pu prendre une décision qu’il n’aurait pas pris sans elle.  

Cour de Cassation - Chambre Commerciale - 22 mars 2023 – n°21-22.925

1 Ancien article L. 121-8 devenu L. 122-1 du Code de la Consommation par l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016

 

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